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le Malade ait téniolgaé défirer fa vifite, & fait voeu de le recompenfer de fa peine.
Dans ce cas même il ne fort point, fans une cérémonie afièz particulière. Il faut ab-
foliiment qu’une Vierge fans tache foie chargée de l’ambafiade; car la vertu du beau
féxe a feule du crédit auprès de lui ; & fi celle dc l’AmbaiTadrice avoit fouffert la moindre
atteinte, il feroit inéxorable.
Dès qu’elle fe préfente, elle lui fait un compliment, & le fu p p lie , avec la plus
humble foumiifion, de daigner fc laifièr porter chez la perfonne qui a befoin de fou
fecours. L e Serpent, qui ne fçauroit rien refufer à la vertu du beau Sexe, commence
d’abord à remuer la queue, & fu t quelques fauts. L a fille redouble alors fes prières
& fait de nouvelles inftances. Enfin le Serpent lui faute au cou, fc place fur fa gorge
Sc s’y tient fort tranquille; tandis qu’on le porte en cérémonie avec de grands Holla!
Sc de grmds H a u j fa i ! chez la perfonne qui l’a fait demander.
A peine y cft-on arrivé, que le Malade commence à fe fentir foulage. Cc Médecin
miraculeux ne fe retire pas pour cela. II veut bien refter quelques heures auprès
du Patient, pourvu que, pendant cs tems-là, on ait foin de régaler fes Prêtres,
ou fes Saints, qui ne le quittent jamais.
T o u t cela va à merveilles, pourvu que quelque Impie ou quelque Chrétien ne
furviennc pas dans ces entrefaites. Sa préfence troubleroit la fête. L e Serpent, qui
s’en appercevroit, difparoîtroit au(fi-tut. On auroit beau le chercher, on ne le trouveroit
pas. L ’eût-on tranfporté de l’autre côté du N il, il fçauroit fc rendre invi-
fibleinent dans le T omb eau , qui eft fa retraite ordinaire.
L e s Arabes ofent encore avancer, que, fi on coiipoit ce ferpent en morceaux,
les parties fe rejoindroient fur le champ, fans que cet attentat pût terminer fa vie, puis
qu’elle doit être éternelle.
L e s Chrétiens du P ay s , qui fe croient plus éclairés que les Arabes, raifonncnt
bien différemment fur ce fujet. Ils décident le cas félon l’efprit de leur Religion.
Ils croient fort pieufemenc, que ce prétendu Saint eft le Démon lui-même, qui, par
un jufte jugement dc Dieu, a le pouvoir d’abufer ce Peuple aveuglé & ignorant; & ce
qui les affermit encore plus dans cette croyance, c’cft qu’ils ont chez eux une Tradition,
qui veut, que ce foi: dans cet endroit, que l’Ange Raphaël relégua le Diable
Chap.g. v .j. Asmodi, dont il eft parlé dans le Liv re dc Tobic.
Pour moi, je crois, que les uns & les autres pèchent contre les régies du raifonnement.
Avant que dc regarder une chofe comme miraculcufc ou furnaturclle,
il
¡1 s'agit d’examiner le point capital, qui eft de conftater fi le fait eft reel, fi les circonftances
font telles qu’on les donne; & fi la fupercherie n’y a point dc part.
Je conviens que le ferpent y eft. On ne fçauroit pas le nier. Mais eft-il immortel?
C ’eft ce que je me donnerois bien de garde d’accordcr. Il meurt fans doute
comme les autres; & les Prêtres qui le fervent, & en tirent du profit, fçavent bien en ..
iübftituer un autre de la même efpèce lorsqu’il vient à leur manquer.
Dans la délicatefie qu’on attribue à cet An ima l, de ne vouloir être touché que
par une Vierge, Sc de ne pas remuer de fa place, fi fa vertu a reçu la moindre atteinte,
je ne trouve rien de furnaturel. ' Quiconque a vu les Bateleurs, qui jouent tous les
jours de fi beaux tours fur la grande Place, qui eft au devant du Chateau du Cayre,
a été frappé de chofes bien plus fortes, que ce qui fe fait ici. Y a-t’il rien de plus
facile que de faire obeïr à de certains fignes un ferpent apprivoifé ; & pour ce qui eft
de la virginité dc leur Ainbaffadrice, ils font toujours furs de ne s’y point tromper;
puis qu’ils la choififlènt toujours fi jeune qu’elle eft à l’abri de tout foupçon. D’ailleurs
on fçait que les Serpcns font attirés par certaines odeurs, Sc par certaines herbes. L a
fille en peut avoir été frottée; on peut l’avoir préparée par des bains: du moins eft-
elle oniéc de Couronnes & de guirlandes de fleurs & d’herbes, où l’on a foin de ne
pas oublier celles qui font capables dc faire imprcifion fur le ferpent.
Si l’on demande comment j1 eft pofiîble, qu’il diiparoifiè aux yeu x de tant de
monde, & qu’il regagne fon tombeau, lors même qu’il doit rencontrer le Nil fur fon
paffage ? J e réponds que cela n’eft pas plus difficile que le rcftc. Il fuffit de fe rcpré-
lènter, que ces Prêtres ou Saints, qui fervent ce Serpent Sc qui l’accompagnent, font
d’excellens Joueurs dc Gibbeciére; & on n’aura pas de peine à concevoir qu’ils font
capables d’cscamotter le Serpent, en préfence d’un grand nombre de Spcftaceurs, fans
que le plus attentif & le plus clair-voyant s’en apperçoivc. Leur rolle ainfi jo u é , ils
feignent de fuivre leur Saint, fe rendent à fon tombeau, avec une foule de peuple,
qui, par refpcèf, n’ofe approcher avant que les Prêtres ne foient entrés, & n’ayenc
remis à leur aife le Serpent dans fon tombeau.
Couper le Serpent à morceaux, &. voir les parties fc rejoindre, cc feroit-l-à
une preuve inconteftable de fon immortalité. Mais on n’en eft jamais venu-là ; & quand
l’Emir d’Achiniin ordonna un jour, de faire cette épreuve en fa préfence, les Prêtres
fe défendirent d’en faire i’cllài. Ils n’en viendront jamais à cette extrémité.
Du refte, je ne fuis pas furpris, de voir des Arabes tSc des Chrétiens Coftes
donner tête baiffée, dans une fraude pieufe, dépourvue de toute vraifemblance. Leur
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