n’aiirois pu y arriver que dans la nuit: le Reys outre cela s’y oppofoit; &■ d’ailleurs,
le ceins écoit ii favorable, pour defcendre le Fleuve, qu’on crut devoir en profiter.
J e fis, dès lors, aine convention avec le Reys, pour qu’il nous arrêtât à Lu x xor
Carnac; & je lui proccftai que s’il y manquoit, il perdroic tout ce qu’il dévoie
encore avoir pour notre pafiàge. Il me le jura par fa barbe ; & pour être plus fur de
mon fait, je promis de lui donner une piaftre, lorsque je ferois de retour de ces deux
endroits.
Vers la minuit nous arrivâmes devant
T U R R A E G .
Nous y trouvâmes fepc à huit Barques, qui étoient à terre, & qui s’appelloient
mutuellement l’une Tautre, comme c’eft la coutume ordinaire du Pays. II y avoit,
dans ce lieu deux Schorhatfchier s d’Ffiüaen, qui devoiem figner les lettres, que
TAga écrivoic aux Puifiànces du Cayre. Nous les leur envoyâmes par le Reys; & ,
dès qu’ils les curent fignécs, nous mîmes au large.
JEUD I, 30. Jan v ier .
N o u s avions continué toute ia nuit à faire bonne route, à la faveur du calme. Il
en fut de même dans la matinée. Mais, vers le Midi, il fe leva un Vent de Nord
très-fort; S: notre gouvernail fe cafià. 11 nous falut refter au milieu du N il, bien
empêchés, entre le Venc ¿t le courant, qui fe combactoient, & qui occafionnoicnc un
fi grand roulis, que quelques-uns de nos Gens en furent malades. Nous fîmes pourtant
fi bien jouer nos rames, qu’à la fin nous approchâmes de la terre à
D U R E G .
Tandis que nous y étions, il palTa une petite Barque, dans laquelle il y avoic
troisFrancs. Nous remîmes presque auffi-tôt à la rame; dc force que nous arrivâmes,
vers le Midi, vis-à-vis d’
E SN A Y .
L a première chofe à laquelle nous fongeâmes, ce fut de faire réparer notre
Gouvernail. Nous demandâmes enfuite des nouvelles des Francs, que nous avions rencontrés;
mais perfonne ne nous en put rien dire dc poficif. L ’unique circonftance, que
nous pûmes apprendre, fut qu’ils avoient été voir l’ancien Temp le, où ils avoient
voulu rompre une pierre; mais que le Peuple s’y écoic oppofé. • Je fçavois déjà, par
ma propre expérience, que cc n’écoic pas une chofe à tenter. J ’eus regret dc n'avoir
pas pu parler à ces Meifieurs. Je les aurois informés dc mes avantures, dont ils auroienc
A
roienc pu profiter. Mais ils pafièrent fi vîcc, que nous perdîmes leur barque de v u î
dans un moment.
L e vent venoit toujours du N o rd , & écoic encore très-fort ; de force que nous
pafiâmes la nuit devant Efhay.
V EN D R ED I, 31. Janvier.
J ’allai, de grand matin, confidérer de nouveau l’ancien Temple. Je confrontai mon
deficin, où je ne trouvai rien à changer. J ’aurois feulement fouhaicé d’y ajouter quelque
chofe; mais je me vis dans Tinftanc entouré d’une celle foule de monde, que je fus
contraint de m’en tenir à ce que j’avois déjà, & de fonger à la retraite ; car je le dirai:
les gens d’Efnay font la plus méchante Canaille, que j’aye jamais rencontré. Notre
Reys en ctoit. Il ne démentoit pas fon origine.
Il doit y avoir aux environs d’Efnay un autre ancien Temple. Je m’en informai,
& perfonne ne put m’en donner des nouvelles. Notre Reys, qui y avoic conduit
déjà le Pére Siccart n’en fçavoit pas davantage, ou ne voulut pas me donner cette fatis-
faffion. Il me dit feulement, que ce Pére avoic perdu tous fes papiers, en allant au
Couvent Copte; mais qu’il les lui avoic fait rendre. 11 ajouta, que le mêmePére avoic
été fort maltraité dans ce Couvent.
Notre gouvernail, fe trouvant refait, nous quittâmes Efnay, quoique le Vent
du Nord continuât, & fût toujours bien fort. Il écoit huit heures du foir, quand
nous partîmes; & à mi-nuit, nous n’étions pas encore hors de la vuë d’Efnay. Nous
mouillâmes alors au milieu du N i l , environ à une demi lieuë d’Efnay.
SAMED I, I . Février.
D è s la pointe du jour nous levâmes le Grapin, pour efiàyer de faire route. Cependant
le Venc du N o rd , qui devint encore plus violent, nous obligea bien-tôt de remettre
à terre. Nous mouillâmes à
E L L A R D IE ,
Lieu fitué fur la Rive occidentale du N il, entre Efnay & Asfuun. Nous y
demeurâmes tout le jour. Nos Gens allèrent à la chafic, & tuèrent une douzaine
cTOyes du Nil. L e foir nous voulûmes éprouver, fi nous ne pourrions point avancer
chemin. L e venc écoic encore trop fort. Nous nous vîmes contraints de remettre à
Taccache auprès d’une petite Isle, que Técoulement du N il avoic formée.
T om . I I . U u a DI