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de déclarer à la Douane une charge de trente A r d e b s , ils n’en avoient déclaré que
quatre. Les Douaniers s’en appercurenc aifément, en faifant la vifite; de forte qu’ils
arrêtèrent la barque, qu’on ne pût délivrer, qu’en payant pour ceux à qui appartenoit
la marchandife. Nous fîmes chercher notre Reys, qui avoit eu foin de fe mettre à
l’écart, en prenant les devans. Il étoic trop connu dans cet endroit, pour s’y montrer.
Cependant, il avoic eu l’accendon d’engager un Pilote, qui vint à bord.
T o u t Taprès-midi fe pafi'a à réparer 1a faute faite par nos deux Marchands de
Dattes. L e Direftcur de la Douane lui-même vint à notre barque ; & après quelques
complimens, il nous fit dire, qu'il écoit bien fâché de nous demander, que nous ouvriP
fions quelques-uns de nos coffres. ”L e bruit ajonca-t-il, s’eft répandu dans la V ille,
’’que vous aviez avec vous quancicé de Caiffes remplies d’armes; & je crois que, pour
’’votre fureté & pour la mienne, le mieux eft que vous en ouvriez quelques-unes.”
Nous trouvâmes fa demande raifonnable; & nous ne balançâmes pas un moment à le
fatisfaire. Nous lui donnâmes le choix des Caiffes ; Il en fit ouvrir deux en préiênce
des Douaniers, & d’autres Perfonnes qui l’avoient fuivi. Il n’y trouva que des chofes
néceffaires pour notre voyage; & il prit enfuite congé de nous fort civilement.
Il n’eut pas plutôt quitté la barque, que nous partîmes. Nous fîmes peu de
chemin; car nous aggravâmes fortement; & après avoir mis la barque à fioc, nous
mîmes à terre au bord Oriental du N i l , au pied de ces haut rochers, qui viennent tout
proche de l’eau.
JEU D I, 1-^. F é v r ie r .
D è s que la Lune fut levée, nous mîmes à la voile; & à 7. heures du matin nous
arrivâmes devant
M E S S C H IE .
Un Marchand Grec vint nous demander pa'ffage; mais comme nous n’avions
guère de place de refte, nous le lui refuiâmes. Non-obftant ce refus, il ne laifià pas
de faire embarquer fes hardes; car il s’cntcndoit avec notre Reys, qui nous avoit rejoint.
Nous fûmes indignés de ee procédé ; & fans autre façon, nous fîmes oter dc la barque
le bagage de ce Grec. Il ne s’en tint pas-ià. 11 s’adreffa au Caïmakan, qui vint à
bord nous prier de recevoir cet Homme. Nous demeurâmes fermes, rcfufant néanmoins
le plus honnêtement qu’il nous étoit pofiîble. Quand il vit qu’il n’obtenoit rien
par prières, il commença à parler haut; & ne gagnant pas davantage par-là, il en vint
aux menaces, difant qu’il nous joueroit des tours, qui nous feroient repentir de Tavoir
refufé.
refufe. Nous nous en mocquâmes. Nous n’etions plus à Derri. Nous connoifiîons
la Carte ; & un fi petit Officier n’étoit pas capable de nous intimider.
A huit heures du foir, le Prince d’Achmiin arriva dans une barque, accompagnée
de fix autres. Il ne s’arrêta guère: il partit peu de tems après, comme il étoit
venu; c’eft-à-dire au bruit des timballes, qu’il avoit à bord. Nous le fuivîmes de fort
près; & nous arrivâmes un peu avant mi-nuit à
A C H M I IN .
Nous y attachâmes la barque, pour reprendre nos Pères, qui s’y étoient rendus,
par terre, dès le matin.
J ’obfervai une Isle, que le Nil avoit formée cette année, vis-à-vis de Mesfchie,
qui eft dc l’autre côté du Fleuve. L e Prince d’Achiniin s’en étoit mis en poffefiion;
mais elle lui étoit difputée par fes Voifins, habitans d’Uladjecliche, qui prétendoienc
quelle leur appartenoit; & il y avoit procès entre eux.
V E N D R E D I , 14. Février.
L e s Pères vinrent nous joindre de grand matin. L e Procureur du Prince & plufieurs
autres Chrétiens Romains les accompagnèrent jusqu’à la barque. Ceux-ci nous
firent divers petits préfens, confiftans en pain, en Dattes, en eau de vie qu’on tire
du même fruit, &c. Nous leur donnâmes en revanche des Images, des Chapelets de
Jérufalem, & d’autres bagatelles, qui leur firent plaifir.
Nous prîmes congé d’eux , & nous partîmes, par un très-beau tems, qui dura
jusqu’à cinq heures du foir. L e vent fe leva alors & devint très-fort. Cela nous fit
mettre à terre à
M O R A G A .
L e Nil avoit emporté la moitié de ce Village. Comme cet accident étoit arrivé
dans l’année, le Reys ne fçavoit pas que les ruïnes avoient formé divers bancs dans le
Nil. Lorsque nous mîmes à la rame, au bout de quelques heures, nous donnâmes
fur un de ces bancs. Nos Gens efiàyèrent d’abord de dégager la barque ; mais quand
ils virent que leurs efforts étoient inutiles, ils allèrent fe coucher.
Vis-à-vis de Moraga, les Montagnes s’approchent très-près du Fleuve; & on y
voit quantité de Grottes.
SAMED I, 15. Février.
D è s la pointe du jo u r , nos Gens fe jettèrent à la nage, pour gagner la terre, afin de
Y y y 2 retirer
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