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A 8- heures du matin, TAga nous envoya deux Janiffaires, chacun un bâton
à la main; & ils nous offrirent de nous conduire à la Citadelle. Nous y allâmes; &
TAgâ, qui écoit malade, nous reçut couché par terre, & couvert d’une vieille toile des
Indes. Nous lui préfencâmes nos lettres, & nous lui fîmes entendre, que notre
intention écoic d’aller jusqu’à la feconde Cataracte ; ce qui le furprit beaucoup, & Ten-
g-agea à nous faire dire, que le confeil qu’il avoit à nous donner, c’étoit de borner
notre curioficé à voir la prémiére Cacarafle.
Ce confeil ne fut point de notre goût. Nous lui fìmes répondre, que nous
étions déccnninés à avancer, à moins qu’il ne fût dans le deffein d’y mettre obflacle:
”Je ferai plutôt, replïc[Ha-î-il, tout mon polfible, pour vous faciliter ce voyage;
”& vous n’avez qu’à faire vos préparatifs, pour vous pouvoir mettre en route.” Là-
delfus, il nous fit préfenter le Cafté; & après que nous l’eûmes bu , nous prîmes
congé de lui.
Quand nous fûmes de retour à notre Barque, nous n’eûmes rien de plus prefle,
que de fonger à lui faire un préfent. Nous lui envoyâmes un habit d’ccarlace, une
veite de foie, deux boîtes de Sorbek, avec quelques bouteilles de liqueurs; & il en
parut extrêmement fatisfait. Nous reçûmes en contre-préfcnt un Mouton; & l’après-
midi, il nous envoya préfenter le Caffé dans notre Barque. Nous nous contentâmes
néanmoins de le goûter, parce qu’il écoic cuit avec de la fauge ; cc qu’on avoir fait
apparemment pour lui donner du haut goût.
Nous avions déjà parlé le matin des Chameaux, des Chevaux & des Anes,
que TAga nous devoir fournir pour de l’argent, afin de nous porter nous & notre
bagage au Porc de la Cacarafle. L ’après-midi, nous lui fìmes demander, fi nous pouvions
compter, que tout cela feroic prêt pour le lendemain matin. L a réponfe fut,
qu’il ne négligeroit rien à cet égard, & que les lettres de recommandation aux Puiffances
du Pays, où nous nous propofions de paffer, feroient prêtes.
Nous avions encore demandé, qu’il nous fît accompagner par quelqu’un de fes
gens, à la charge de le défrayer, & de lui faire outre cela un préfent. Il nous offrit,
pour cet effet, ion Frère. 11 nous Tenvoya, pour convenir du prix; & nous fûmes'
bien-cût d’accord.
L jA g a en ufoit d’une manière très-honnctc avec nous; il nous avoit même offert
fa maifon, que nous ne crûmes pas devoir accepter, parce que nous ne comptions
dcincudemeurer
devant Effuaen que jusqu’au lendemain : nous lui envoyâmes donc encore
quelques petits préfens, dont il fut bien charmé; & en même tems, nous le .fimes
prier, de ne pas oublier les lettres, qu’il nous avoit promifes. Sur quoi il nous tic
dire, qu’il les auroit déjà écrites, fi le papier ne lui avoir pas manqué; qu’il ne lui en
reftoit pas une feuille; Sr qu’il nous prioic de lui en envoyer. Nous en étions pourvus
: ainfi il nous fut aifé de le cirer de cette difetce.
VENDR ED I, 20. D é c em b r e.
L e matin à g. heures, un des Pcres, qui parloit TArabe, fe rendit chez TAga, pour
prcffer notre départ. Il trouva que TAga avoit engagé un Reys à nous mener de la
première Cacaraftc à la fécondé. L ’accord fut fait pour vingt Sevillans, outre quelques
petits préfens. Mais le Reys deniandoic le teins de faire du pain pour fon Equipage.
Nous en avions befoin nous mêmes : ainfi notre départ fu t fixé au Dimanche
matin.
Ces mefures étant prifes, je me rendis à une petite Isle ficuée au voifinage d’Efi
fuaen, & aftèz près de la Rive occidentale du Nil. On Tappelle
E L L - SAG .
C ’eft, fans doute, celle que les Anciens ont connue fous le nom SE lép h a n *
tine. Sa partie Méridionale eft moncueufe & couverte de ru'ines. Il n’y en. a cependant
que fort peu que Ton puiffe bien diftinguer, parce que le refte eft enféveli fous
la terre.
J ’y trouvai, encre autres, un ancien Edifice encore debout, quoique couvert de
terre par deffus, ainli que d’un côté; & il méricoit que je me donnaffe la peine de le
deifiner. On Tappelle le T em p le du Serpent K n u p h i s ; mais, à en juger par p l a n c h e
Tapparence, c’étoic plutôt un Monument fépulcral, qu’un Temple. CX X X if.
Quoiqu’il en foie, i! a une enceinte, qui fonne tout à Tencour une efpèce de cloî-
tre, fouccnu, dans fa longueur, par des colonnes. A u x quatre coins il y a une muraille
folide; & fur la largeur, on ne remarque qu’une feule colonne au milieu. Cette
enceinte renferme un grand appartement, qui a deux grandes portes: Tune au midi,
Tautre au Nord ; & donc presque tout l’intérieur eft rempli de pierres & de terre.
Les murailles, couvertes de Hiéroglyphes, font enduites de bouë, & noircies par la
fumée du fe u , que les Bergers y ont fait.
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