P l a n c h e
C L V .
Dans ces encrcfoites, un PafTager Barbarin, qui n’étoic pas fort éloigné de nous,
fe lèv e, faute fur moi, s’empare du papier que je tcnois, le déchire, & fe retire cn-
fuice tranquillement à fa place, où il s’-allîed, comme fi dc rien n’étoic. Je ne fçavois
que dire de cette infolence; & je rcfléchiffois fi je me fàcherois, ou non, lorsque le
Reys & les autres perfonnes, qui étoient préfentes, fe mirent cous à éciatcer de rire.
J ’en voulus fçavoir la raifon; & après beaucoup dc difcours, on m’expliqua à la fin le
mvftére. L e Barbarin ne vouloit pa s, que je connufiè l’endroit d’où il écoic. 11 en
donnoit pour raifon , qu’il pouvoir arriver, que je recournerois, dans quelques années,
en Nubie; & qu’y amenant plus de monde avec moi, je me rendrois maître du Pays;
que fi je connoiffois le Village où il étoic né, & fi j’en avois le nom par écrit, il ne
manqucroic pas d’etre pris comme les autres ; que c’étoic uniquement à caufe dc cela
qu’il m’avoic océ le papier, où j'cn allois écrire le nom.
J ’eûs bien de 1a peine à m’cmpêcher de rire de la fimplicité de cet Homme ;
mais pour prévenir les conféquences d’une pareille fantaifie, je pris un grand férieux ;
& je fis dire au Reys, qu’il clevok approcher du bord du fleuve & jeccer à terre cet
Infolenc. L a Barque, ajoutai-je, eft toute à nous. Ce n’eft que par grace, que nous
donnons paffage à quelqu’un; & lorsqu’il fait l'infoient, nous le chaiTons.
L e Reys fut prompt à obeïr. Il tourna auiïï-tût fa barque vers la terre. Notre
Barbarin, qui s’en apperçuc, me vint prier humblement de ne pas le chaiTer ; & promit
de fe mieux comporter à l’avenir. Je me laiffai gagner. II obtint la permiffion
dc demeurer; & depuis ce tems-là il fut tranquille & fort ferviable.
Cependant nous avions déjà pafTé trois autres Diftrifls , qui ont pareillement un
Village de même nom fur chaque bord du N il; fçavoir:
B U B E B A E Ü ,
N A G H A LH A D JEM U S E
& G A B T E L L ABIID.
î l nous furvint enfuite un fi grand calme, que nous fûmes obligés d’attacher la
Barque dans un autre Diftria femblable, auprès du Village, fitué fur la Rive occidentale
du N i l , & qu’on nomme
SABUA.
Il y a , dans le voifinage, quelques antiquités remarquables, que je deffinai.
Elles n’ont pas une apparence auffi magnifique, que celles de Dckke. Les pierres
non plus n’y font pas fi bien jointes : on voit entre quelques-unes des ouvertures afièz
grandes; & les pierres même ne font que d’une efpèce fablonneufe & jaunâtre.
Ccpcnde
Nubie. 221
Cependant cet Edifice eft bâti dans l’ancien goût Egyptien, Son portail eft endommagé;
mais le refte eft encore debout.
Ces ruïnes fe trouvent dans une plaine, couverte de fable; & on y remarque
encore quatre morceaux de muraille, qui donnent à connoître, qu’il y a eu autrefois,
dans cet endroit, de vaftes Edifices.
- Nous n’avions ici, autour de nous, que des Montagnes & des roches fablon-
neufes. L e pied des montagnes eft en talut & cultivé jusqu’à la hauteur, où les eaux
du Nil étoient parvenues dans fon débordement. L e bas de ce terrein écoic rempli de
Haricots & de Lupins, qu’on y avoic plantés; & le haut écoic couronné de buiiTons
d’épines, qui y venoient d’elles-mémes.
N, ME CR EDI, I . Jan v ie r 1738-
ous reftâmes, à notre ordinaire, toute la nuit tranquilles. L e matin, à fept heures,
le venc fe trouvant bon, & même un peu fort, nous nous mîmes en route. L e
Nil continuoit à avoir fa largeur, & les bords leur fituation ordinaire.
Nous pafiâmes bien-tôt devant un autre Diftrict, nommé
G U A D E L L A R R A B
ou A R E B .
Il occupe auffi les deux bords d uNil, fur lesquels il a deux Viüages dc fon nom.
Un peu plus haut nous eûmes à notre gauche, & à quelque diftance du N il,
le Village de
S C H IA T U R M A .
Enfuite, nous nous trouvâmes entre deux grands Villages nommés
A N G O R A
& M A L C K L
L e prémier eft à l’Orient : le fécond à TOccident.
Nous en vîmes enfuite deux autres ; fçavoir:
A R E G A ,
11 étoic à notre droite;
6: S IN G A R L
Celui-ci nous reftoit à la gauche.
Tom . I I . K k k Après
Voyez la
Carre du N il,
P l a n c h e
C L V I .
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