Enceinte
d ’Aléxandrie.
étoient employés à diiTérens ufages, comme pour fervir dégoûts , de maifons particulières,
de Corps de garde, & autres chofes femblables.
L a curiofité ne va pas plus loin de ce côté-là. 11 y auroit encore à examiner
le Petit-Pharillon; mais la Garnifon ii’cn permet point Tencrce. Il faut
donc prendre le pani d’aller confidérer ce que c’efb que ces grandes T ou r s , jointes
par des murailles fi cpaiifes. On n’a nulle peine à concevoir, que c’eft l’enceinte
de l’ancienne Aléxandrie. Mais de quel tems eft cette enceinte? C e ft fur
quoi on pourra bazarder un fentimcnc, après avoir examiné l’objet de près, Sr
après l’avoir bien confidéré.
^Boukvards'^ T o u r s , qui forment comme des Boulevards, ne font pas toutes d’une
égale grandeur, ni d’une même figure, ni d’une incme conftruStion. Il y en a
de rondes: d’autres font quarrées: d’autres ont la figure d’un Ellipfe; Sr celles-ci
fe trouvent quelquc-fois coupées par une ligne droite dans un de leurs côtés.
Elles différent de même dans leur intérieur. Il y en a qui ont une double
muraille, Sr à l’entrée un efcalier en colimaçon, qui conduit jusqu’au haut de la
T o u r . Quelques-unes n’offrent, pour tout paffage, qu’un trou dans la v oûte, Sr
par lequel il faloit paffer à l’aide d’une échelle. Généralement parlant, les entrées
de ces Tours font fort petites Sr fort étroites, & donnent fur l’intérieur de la
Courtine, ou muraille de jonSIion. Leurs différens étages font formés par des
voûtes, fupporcées quelque-fois par une colonne: quelque-fois par plufieurs; Sr il
y en a même, qui font foutenuës par un large pilier. L e s embrafures, qui régnent
tout à l’encour de ces Boulevards, font étroites, Sr s’élargiffcnt en dedans. Elles
reffcinblent à celles qu’on voit à plufieurs anciens Chateaux en Angleterre. On ne
remarque aucuns puits dans ces Tours ; Sr je ne doute pokit cependant qu’elles n’en
ayent eu. Il y a apparence, qu’ils auront été abandonnes, Sr qu’ils fe feront comblés
avec le teins. Toutes les Tou rs font bâties de pierres de taille, Sr d’une Archi-
cefture très-malfive. Dans la partie la plus baffe, on remarque, tout à l’éntour,
& de diftance en diftance, des fûts de colonnes, de différentes forces de marbres;
& on les y a placés de façon, que, quand on les voit de loin, on les prend pour
des canons, qui forcent de leurs embrafures. On apperçoit encore, par-ci, par-là,
quelques carreaux de marbre mis en oeuvre; mais tout le corps du bâtiment,
comme je l’ai déjà die, eft formé de pierres de caille; Sr elles font d’une elpéce fa-
blonncufe, comme celles de Portland, ou de Bencheim.
Les
Les murailles, qui font la jonaion des T o u r s , & qui avec elles ont coinpcK
l'enceinte de la V ille, ne font pas non plu s , par-tout, d'une même largeur, ni d’une
même hauteur, ni d’une même conflruaion. Quelques-unes peuvent avoir 20. pieds
d’êpaiffeur, tandis que d'autres en One plus ou moins. L eu r hauteur va a 30. &
à 40. pieds. On ne peut pourtant pas aflhrer, à la feule vue de ces ru'ines, que
toute l'cnccinic de la Ville ait été bâtie de la manière que je l'ai remarqué, eu parlant
de la muraille voifine de l'Obélisque; mais elle avoit, du côté intérieur, une allée
presque dans le même g oût, que celle qu’on voit dans l’cnccinte du Palais d'Aure-
lien à Rome.
Il ne me refte plus qu’à dire, -à l’égard de cette enceinte, que les T ou r s comme
les murailles, au moins celles qu’on peut v oir, font toutes fort endommagées,
& d-ans plufieurs endroits ruinées cnciéremciic. Après cela il n’cft plus queftion
que de fçavoir, fi avec ce qui vient d’être obfervé, & avec ce que nous apprend
l’Hiftoire, on peut décider, ii cette enceinte eft du teins de la prémiére fondation
d’Aléxandric, ou en quel tems elle peut avoir été conftruice.
Si nous devons croire l’Hiftoire, & ce qu’elle nous dit de la grandeur de
l’ancienne Aléxandrie, il nous feroic bien difficile de la renfermer dans une enceinte
de fi peu d’étenduë. Cependant fans nous engager dans ce qu’on veut qu’elle ait
été, nous pouvons nous en tenir à confidérer ce qui refte de cette célébré Ville.
On apperçoit d’-abord une Architecture très-maifive, Sc telle qu’il convenoit
qu’elle fût pour fouccnir le choc des béliers. Mais cela peut être de tout tems.
Attachons-nous donc à des particularités, qui ibient capables de faire fentir la différence
d’un tems à l’autre; & , dans ce cas, on ne fçauroit guère fe prévaloir, que des
colonnes, qui foucicnnenc les voûtes en dedans, Sc des fûts des colonnes, qui ic montrent
en dehors. Les colonnes ont des chapiteaux, qui abfolumenc ne paroiffcnc
point être du Siècle d’Aléxandre. L e goût en eft trop Sarazin, pour remonter
leur origine fi haut. Mais, dira-c-on, une voûte tombée, Sc réparée par les Sarazins
, auroit pu faire le même effet. 11 ne refte donc que les fûts des colonnes de
dift'érens marbres, qui témoignent, que l’ouvrage n’eft ni de la première fondation
de la V ille, ni du tems des Ptolomées, ni de celui des Romains. 11 n’y a que des
B.irbares, qui puifienc avoir fait un ufage fi bizarre des pièces d’une matière auffi
précieufe en Eg ypte , que l’eft le marbre étranger. Ces colonnes ont été, fans
doute, tirées des ruines d’Aléxandrie ; Sc peut être même du Palais de Cléopatre ; car
fi elles avoient été apportées de Memphis, celles qu’elles font, on y verroit des Hié-
T om . L C rogly-
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