une grêle de pierres les obligea de fe mettre à l’abri dans la maifon du Confuí. Les
Mutins en devinrent plus infolens: Il cafièrent les vitres, & fe préparoicnc à abattre
la maifon, lors que les Janiffaires reçurent un renfort de quelques-uns de leurs
gens, que leur envoya le Confuí d’Angleterre, & d’un certain nombre d’autres Janiffaircs,
que le Sious fit marcher à leur fecours. L ’affaire changea alors de face.
L e s Janiffaires jouèrent fi bien du bâton, que les Pleureufes 5r les Mutins prirent ia
fuite. Ils coururent pourtant dans les rues jusqu’au foir; .S: firent tout ce qu’ils
purent, pour animer la Populace & pour la porter à la vengeance. Mais ce tumulte
s’appaifa tout d’un coup, dès qu’on fut in fonué, que les Prifonnicrs étoient
envoyés au Chateau de Beaukier, d’où ils partiroient pour aller en exil. On ju gea,
qu’ils méritoient ce châtiment; & on ne s’en inquietta plus.
Il n'y eut que la Nation Françoife, qui parut un peu intriguée de la douceur
de cette punition. Elle s’écoic imaginée, qu’ils feroienc du moins étranglés, afin
qu’un éxemple de févérité fervît à prévenir de pareilles infultes: au lieu qu’un
fimple éxil faifoit craindre, qu’il ne fe trouvât toujours quelque Infoient capable de
faire du chagrin à une Nation entière. Ce qui faifoit encore plus de peine, c’étoit
l’incertitude de la durée de cet éxil. On appréhendoic de voir revenir ces Séditieux
au bouc de quelque tems, & d’être expofé à de plus grandes infolences de leur part.
Du refte cette affaire coûta beaucoup aux François. Nous verrons dans la fuite,
d’où fe tire une femblable dépenfe & quel préjudice de telles levées font à leur commerce.
En attendant je vais dire encore quelque chofe de leur Confuí, & de
celui des Anglois.
J ’ai trouvé, que le Confuí François s’artribuoit fur fa Nation un pouvoir,
qui peut être toléré. L e Chancelier & le Drogman, qu’il avoit de mon tems, en-
tendoient leur métier; & cela faifoit que chacun étoit content. Il eft d’ufage parmi
les François d’A léxandrie de témoigner un refpea extrême pour leur Confuí. Afin
même de le faire d’autant plus valoir dans l’efpnc des T urc s & des autres Nations,
ils s’attachent à donner une haute idée de fa perfonne, & à illuftrer tellement fa naif-
fance, qu’il ne dépend pas d’eux , qu’on ne le l'egarde comme forti du fang royal.
S’il fait par hazard un tour à Rofette, il porte Pavillon blanc au mât de fa Vergue;
& quand il fort du Port, de même que quand il y rente, il eft falué d’une décharge
générale du canon des Vaiffeaux h'rançois.
Il demeure, avec la plus grande partie de fa Nation, dans un vafte Hôtel,
où il a une Egiife & un Chapelain. L e s autres François habitent dans des maifons
fous réparées. 11 ne fait point négoce, du moins à ce qu’il paroîc; & il ne iurt
que très-rarement, pour ne point expofer i’a perfonne & fon caraftére. I.,es airs,
qu’il iè donne panni les ficns, ne lui permettent pas de les trop convcrfcr: ainfi il paye
fa grandeur par une vie afièz ennuyante pour un homme qui aimeroit la fodété.
Je quitte, pour un moment, Mrs. les François, car je reviendrai à eux en
parlant du Commerce. Voyons en attendant, comment agifiènt les Anglois. Il
s’cn faut de beaucoup, qu’il y ait autant de choies -à dire d’eux que des prémiers.
Ils n’ont à Aléxandrie que deux Marchands, dont l’un eft le Confuí, qui dépend de
celui du Cayre. Ils fc tiennent tranquilles, & fc conduifent fans faire beaucoup
de bruit. S’il s’agit d’entreprendre quelque affaire délicate, ils fc mettent à l’écart,
& laiffenc aux François l’honneur d’applanir les difficultés. Quand il en réfulce du
bénéfice ils y ont leur part; & fi les affaires tournent mal, ils fe garenciiTènc du
mieux qu’ils peuvent. Voila tout ce qu’on peut dire des Nations établies à Alexandrie.
11 n’y en a pas d’autres que celles que j’ai nommées. L e s François protègent
pourtant un Italien 8c quelques Grecs, qui paffenc pour être des leurs. Je
vais finir préièiuement ce qui me refte à dire du Commerce de cette N-ation.
Celui des François eft affez confidérable à Aléxandrie. Ils reçoivent chaque
année plufieurs vaiffeaux, fur lesquels ils chargent les marchandifes, qui leur viennent
du Cayre. L e s vaiffeaux, dont ils fe fervent, pour ce commerce, font des Pou-
laques, des Barques &: des Tartanes. Il y vient peu d’autres Vaiffeaux; parce que
tout Bâtiinenc, qui ne porte pas Beau-pré, paye moins pour l’entretien des Ports, &c.
ü n les nomme des Caravaniers, par la raifon que, comme les Caravanes, ils vont
d’endroit en endroit, pour s’y charger le mieux qu’ils peuvent. Ce feroit ici le
lieu de parler des diverfes forces de marchandifes, que la Nation Françoife porte à
Alexandrie, & de celles, qu’elle retire de l’E gypte; mais, à dire le vrai, je n’ai pas
cette matière alTèz préfence à l’efprit, pour la décailier, comme il faut; & il vaut
mieux n’en rien dire, que d'en parler imparfaitement. J ’aime donc mieux toucher
la queftion, que j’ai promis d’expliquer; fçavoir: Pourquoi les François fe trouvent
obligés de hauffer le prix de leurs marchandifes ?
Il n'en faut point chercher la caufe ailleurs, que dans les faux frais, auxquels la
Nation eft cxpoicc; car outre que tous les Vaiffeaux payent un affez grand droit de
Confulat; ils ibiic encore tenus de payer une ecrcaine taxe, qu’on impofe, ou fur les
bâtimens, ou fur les marchandifes. Cette taxe eft deftinée à fubvenir aux dépenfes,
qu’exige la llircté commune; & à dédommager les divers Particuliers, qui ont fouf-
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