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jne fir arrêter, fe coucha eiifuite fur le ventre ; & après qu’il fe fut bien lavé les mains,
il me préfenta de Teau, que je bus avec un plaifir, que je ne fçaurois exprimer.
Cette promenade finie, le Barbarin me conduifit à fa Cabane, pour m’y régaler
de quelques Dattes & d’un peu de lait. Il me montra enfuite tout fon ménage,
donc l’inventaire auroit été aifé à faire. Ce qu’il y avoic en plus grande abondance,
c’écoic des Enfans, qui couroient, tout nuds, au tour dc nous 5 & je les régalai de
quelques bagacciles.
L e Barbarin, gagné par mes largeffes, m’ouvrit une de fes grandes jarres,
afin de me montrer comment on confervoit le bled dans le Pays. Il apporta lui-même
les Carpes à notre barque, Sc le lendemain il y retourna encore pour nous préfenter
du lait. Je puis dire, qu’il en ufa fi bien avec moi, que j’en fus édifié. Il fut le
prémier & le dernier, qui nous rendit quelque fervice dans notre route, fans demander
auparavant le B a c k jïc h . Il fit pourtant une faute, qui faillit à entraîner de
mauvaifcs fuites. Il étoit fi charmé du peu de parats que je lui avois donnés, qu’il
les moncroic à cous ceux , qui fe rencoiicroient en chemin; & il leur faifoit en même
tems le récit de ce qui s’étoit pafiè fur les rochers dc 1-a Cataracte & dans fa Cabane.
T o u t cela fit un très-mauvais effet. Lorsque je fus de retour à la barque, les
Pércs qui apprirent où j’avois été & ce que j’avois vu , fans rencontrer qu’une feule
perfonne, fe mirent en chemin, avec nos autres Compagnons dc voy ag e, four-tout
pour voir la pefche. Ils y parvinrent effectivement. Mais à peine furent-ils fur le
rocher, qu’une vingtaine de Barbarins accoururent pour leur demander le B a c k jic b .
Ils écoienc en trop grand nombre, pour qu’on pût les contenter tous; & il n’y avoic
pas inoyen de donner à quelques-uns, fans ofiènfer les autres. Nos Gens crurent,
que le plus court étoit de refufer tout net ; & comme ils fçavoient la Langue , ils demandèrent,
de quel droit on prétendoit exiger quelque chofe d’eux? L a réponfe fut
prompte & claire. ” 11 y avoit ici ce matin, dirent-ils, un des nôtres qui a reçu de l’ar-
”genc d’un Etranger, nous voulons aulfi en recevoir de vous autres.” Cette réponiè
infolence fut accompagnée d’un gefte encore plus infolenc; car Tun d’entre eux mit
iâns façon la pointe de fa Zagaie -à la poitrine d’un des nôtres. Pour fe tirer d’affaire,
il fauliu mettre la main -à la bourfe, donner à quelques-uns & promettre dc donner aux
autres, quand ils lcroienc à la Barque. Les Barbarins ne manquèrent pas dc s’y rendre;
mais ils n’y trouvèrent pas ce qu’ils chcrchoienc. A u lieu d’argent ils n’cfiüj è-
rent que des menaces; & on punit ainli Tiniolence qu’ils avoient eue.
Pendant
Pendant que cette fcène s’étoit pafiee, fur les rochers de la Cacaraêle, je m’écois
occupé dans la Barque -à deifiner une Plante, appcllée en Arabe O fc b a r . Elle croît
dans ces Quartiers, & je Tavois fait apporter par le Barbarin, qui m’avoit accompagné
à la promenade. On en peut voir la figure parmi mes deffeins ; & j’ajouterai P l a n c h e
ici une courte defcription pour la faire mieux connoître. L iX .
Cette Plante a trois pieds Danois de hauteur. Sa tige efi: droite, & il en fort
ordin-aircmenc quinze à vingt feuilles, & crois ou quatre fruits, afièz près Tun de Tautre.
T o u t cela enfemble forme un bouquet verd; car la tige, les feuilles & les fruits
font de cette couleur. Ses fleurs, de la grandeur de celles du Cerifier, ont cinq feuilles
, au milieu desquelles il y a un pentagone v erd , qui repofe fur cinq pieds violets.
Elles font blanches en dehors ; & le dedans eft moitié blanc, moitié violet. L e fruit
de la grofièur d’un oeuf d’Oie, approche de la flgure d’une Pefche, & a des veines,
ou des côtes comme les feuilles. Il eft presque tout rempli de vent, qui en fo r t, dès
qu’on y fait quelque ouverture ; & alors la peau demeure un peu relâchée. L e dedans
de ce fruit eft blanchâtre, & on y voit une efpèce dc filet, comme dans les melons.
On y trouve aulfi une féve, velue par dehors, & quand on l’ouvre, on en rencontre
une autre, qui, fur fa fuperficie, porte la fcmence rangée comme des écailles
de poifion, & qui refièmble aux pépins du Melon. Cette féve intérieure, où la fe-
mence fe trouve, eft d’une matière blanche & cotonneufe. Quand on rom p, ou le
fruit, ou les fleurs, ou les branches, il en découle quantité de lait, d’un goût aigre.
On avertit les Etrangers de ne le point approcher des yeu x ; parce qu’on prétend,
qu’il eft très-nuilible à la vuë. L e Peuple le regarde comme un préièrvatif contre la
pefte. Du refte, on n’attribué à cette plante aucune autre v ertu, lî ce n’eft qu’on
applique affez communément, fur les plaies des feuilles SO J c b a r , après les avoir fait
rôtir devant le feu.
Notre Valet J u if ctoit parti dès le matin, pour Effuaen; & il ne revint point
ce jour-là. Son retardement nous inquiettoic, & nous laiffoit toujours en fiifpens
par rapport à la continuation de notre voyage.
JEUDI, 26. Dé c em b r e .
J e levai, ce jour-là, la vuë du Port, qui eft au deffus de la prémiére Cacarafte, &
qu’on nomme, dans la Langue du Pays,
M O R R A D A .
J ’y ai marqué, L i t . a . S3 ' b . , les deux paffages, qui donnent la facilité de re- p l a n c h e
monter le Nil. Ils font formés par Tlsle, C. Quand on fort de celui, qui eft du CX X X V .
F f f 2 côcé