fuis pas des meilleurs Cavaliers du monde. J'avoué, que j’etois dans nne (iiuatton
peu agréable. Je me tcnois pourtant ferme à force de ferrer les genoux, qui eu furent
bien écorchés. A la fin j'cns le bonheur de rencontrer un Dattier. Je Ss donner
mon cheval droit contre cet arbre. 11 en fut épouvanté; & s’arrêta tout court, jus-
qu’à cc que nos Gens vinil’cnt à mon fecours. Je defcendis alors bien vite; & je me
rendis à pied à l'endroit, qui faifoit l’objet de ma curiofité,
J ’p dcffiiiai-à la hâte tout ce qui m’en parut mériter la peine. Je me preifois,
parce qu’on nous avoic apperçus, & que je me doucois bien, qu’on aeconrroit bien-tôt
en foule autour de nous. Je n'y fus pas trompé. En allant, nous n’avions rencontré
parmi les ruines que deux ou trois Perfonnes; mais au retour nous trouvâmes tout
le chemin fcmé de peloitons d’Arabes, qui demandèrent tous le B a c k fic h . Je leur
fis dire, que je ne portois jamais rien fur moi; mais qu’ils pouvoient me fuivre à la
barque, où je leur donnerois quelque chofe. 11 y en eut, qui nous fuivirent. & d’au-
très fe retirèrent tranquiUcinenc.
En arrivant -à la Barque, nous y trouv-âmes un Schcch Ai'abe, non pas dc ceux
qui vivent en Princes; mais un Schech tel que celui, que j’avois rencontre de Tautre
côté du N il, lorsque j’all-ai vifiter les ruïnes dc Thébes. Il nous fit d’abord demander
un droit, qu’il prétendoit lui être d u, parce que nous étions defcendus fur fes terres.
Nous fîmes Toreille fourde. Il fe borna alors à nous prier de lui faire prélcnt d’un
peu de poudre & de quelques balles. Nous lui en donnâmes, fans fonger à la conlé-
quence; car le Drôle n’eut pas plutôt ce qu’il avoic fouhaicé, qu’il chargea fon fufil, le
banda, & demanda avec hauteur, qu’on lui payât fon droit. Nous fçavions qu’il ne
lui en écoic du aucun. Ainfi nous fauc.unes fur nos armes; & en les lui préfencanc
fièrement, nous le menaçâmes de le renvcrfer mort fur la place, s’il ne pofoic à Tin-
ftan: fon fufil par terre.
L ’ordre étoit trop prefiant, & trop bien foucenu, pour qu’il n’obcït pas. II
débanda fon fufil, fans la moindre difficulté, & nous pria d’ctre perfuâdés, qu’il n’avoit
eu aucune mauvaife intention, contre nous. ”Ce n’efl: qu’au R e y s , dic-il, à qui j’en
’’veux.” Nous lui fîmes entendre, que quiconque offcnfoit notre Reys nous oficnfoic.
Il ne fouffia pas après cela, voyant bien qu’il n’y avoic rien à gagner avec nous.
L e s Arabes, qui nous avoient fuivis jusqu’à la barque, commencèrent alors à
fe remuer. Ils demandèrent le B a c h fic h , qui leur avoic été promis. Notre réponfe
fut courte. Nous leur montrâmes nos armes ; & nous leur fîmes dire, que cc que
nous
nous avions -à leur donner écoic dedans. Ils demeurèrent confus, & n’infiftèrcnt pas
d-avantagc. Cependant ils dirent, que s’ils Tavoienc fçu plutôt, ils auroienc bien trouvé le
moyen de nous empêcher dc rejoindre la barque, avant que nous les euifions fatisfaits.
En courant avec le Cheval, j’avois perdu les papiers, qui contenoienc les mefu-
res & les delTeins des Antiquités de Lux xor. Je n’y avois pas pris garde dans le tems.
Je m’cn apperçus à Carnac, & j’envoyai d’aboixl le Valet pour les chercher, avec ordre
d’offrir le Bachflcb à celui qui les auroit trouvés. J ’écüis encore aux ruïnes, quand
il revint me dire, qu’il n’en avoic pu avoir aucune nouvelle. J ’etois fort en peine; &
je ne voyois guère de poifibilité à réparer cette perte.
Quelqu’un avoic pourtant trouve ces papiers, donc le Schech s’écoic emparé,
pour en faire fon profit. Il n’eût garde de les faire voir d’abord. Il étoic perfuade,
que nous nous trouverions toujours trop heureux de les rachczccr; & i! vouloit effayer
auparavant d’autres moyens, pour tirer quelque chofe de nous. Quand il v it, qu’il
ne pouvoit rien obtenir, il montra enfin les papiers, & offrit de les rendre, moyennant
vingt Sévillans. Je lui fis répondre que je lui confcillois de les bien garder; que
je n’en avois plus befoin; & que j’avois trouvé celui, dont j’écois le plus en peine. Je
défendis au Valet d’en parler davantage; & j’ordonnai au Reys de détacher ia barque,
pour mettre au large.
On fe mit aulfi-côc en de\'oir d'éxécucer cet ordre ; mais le Schech, qui n’y trou-
voie pas fon compte, fe jecca, avec quelques Arabes, fur le Matelot, qui décachoic la
corde, & Teinpêcha de faire fon office. Nous accourûmes à fon fecours. Nous appliquâmes
, à droit & à gauche, de fi rudes coups de croffe de fufils, que le Schech &
les Arabes furent contraints de lâcher prife. L a barque gagna après cela le Courant,
& nous fîmes route, comme fi nous ne nous inquictcions plus des papiers.
Ce n’étoic pas ce que le Schech fouhaicoit. II nous fuivic toujours, le long du
rivage, jusqu’-à ce que la nuit commençât à venir. A lo r s , il nous cria de mettre à
terre; qu’il nous rendroic nos papiers, & qu’il fe contenceroi: de ce que nous lui donnerions.
Nous abordâmes cffcêtiveinenc ; mais nous eûmes la précaution de ne faire
defcendre que le J u if feul; & nous tenions la barque le plus près de la terre qu’il écoit
poffible. Les papiers furent rendus, pour une piaftre. Je ne foaurois exprimer la
joie que j’eus, en les recouvrant. Nous reprîmes le Juif; & nous avançâmes à la rame,
jusque vers les neuf heures du foir, que nous tûmes obligés de mettre ù terre encre
GAMOLA, & SOES.
11 s’étoic élevé un vent fi fort, que la barque ne pouvoit pas tenir contre.
Tom. JI. X x x ME