Fragm ent
d ’un marbre
chargé d’H iéroglyphes.
P l a n c h e
XII.
Fig. 2.
■ i:
reftera fort peu de chofe à dire, coucliant ce fuperbe Monument. Un chacun eft
en état d’en juger par lui-même; fur-tout quand j’avertirai, que le fû t eft d’ une feule
pièce de marbre granité; que le chapiteau eft d’une autre pièce de marbre; & le
picdeftal d’une pierre grife, approchante du caillou, pour la dureté & pour le grain.
A legard des dimenfîons, on les trouve marquées fur la Planche, qui donne le dei-
fein de cette Colonne.
Pour ce qui eft du fondement iiir lequel pofent le picdeftal 5: la colonne,
on le trouve ouvert d’un côté. Un Arabe, dit-on, ayant creufé fous ce fondement,
y mit une boite de poudre, afin de faire fauter la Colonne en l’a ir, & de fe
rendre maître des tréfors, qu’il s’iinaginoic être enterrés deiTous. Malheureufement
pour lu i, il n’étoit pas bon Mineur. Son entreprife échoua. L a mine s’éventa,
¿ ¿n e dérangea, que quatre pierres, qui faifoient partie du fondement, dont les crois
autres côtés reftcrenc entiers. L ’unique bien, qui en réfuîta, fu t , que les Curieux
étoient désonnais en état de voir quelles pierres on avoit employé à ce fondement.
J ’y ai remarqué une pièce de marbre blanc Orienta!, tout rempli d’H iéroglyphes, ii
bien confervés, qu’il m’a été aifé de les deiliner exactement. Une autre grande
pièce, qui n’eft pas partie de fa place, & qui demeure cependant -i découvert, eft
d’un marbre de Sicile, jaunâtre & tachecté de rouge. Il a également fes Hiéroglyphes
, mais tellement endommagés, que je n’en ai rien pu tirer. Un morceau d’une
petite colonne avoit encore fervi à ce fondement, ainfi que quelques autres morceaux
de marbre, qui n’ont rien de remarquable.
J’ai déjà dit, que le dommage n’a été fait que d’un côté. Cc qui a été enlevé
du fondement laiffe tout au plus un vuide de trois pieds, au deffous du piede-
ftal; & le milieu, ainfi que les trois autres côtés, reftenc dans leur prémiére folidité.
Cependant Paul-Lucas, qui ne s’eft pas contenté de nous donner un dciTeiii peu exaét
de cette Colonne, nous la repréfcnte encore, comme ne poihnc plus effêclivemcnt
que fur la feule pierre du milieu. Dans le fonds on pourroit lui paifer cette faute ,
comme tant d’autres; mais qu’un Confuí général, qui a demeuré ièize ans au Cayre,
qui prétend avoir mieux vu qu’aucun autre Vo yageur, & qui a demeuré aifez long-
tems à Aléxandrie, pour pouvoir examiner cette Colonne, fe foie contenté de copier
le deffein qu’il a trouvé dans Paul-Lucas ; c’eft ce qui n’eft pas concevable. Peut-être
avoic-il des raifons de politique pour en uicr de la forte. Il formoic le projet de iran-
fporter cette Colonne en France ; & ne la reprcfentant ailîfe que fur une feule pierre,
clic en paroiffoic d’autant plus aiCéc à deiccndrc, & à embarquer. J ’avouërai
ccpcncependant
que ce qu’ils cn 'd ifen t l’un & l’autre eft plus e x aS que le deffein
qu’ils donnent.
Après avoir confidéré la Colonne de Pompée & les antres objets dont j’ai
fait mention, il ne s’offre plus d’ailleurs à la vu e , qu’une campagne rafe. On me
dit néanmoins, qu’il y a dans le voifinage des Catacombes, & qu’un quart de lieue Catacombes,
de chemin y conduit. C ’en eft aifez pour m’engager à faire cette traite. Nous
arrivons bien-tôt au lieu indiqué: nous y entrons; & nous trouvons une longue allée
fouterraine, qui n’a rien de particulier. Elle refiemble, pour la largeur, aux Catacombes
de Naples. Cela ne valoit pas la peine de nous y arrêter davantage.
Nous prîmes donc la route du Califch, ou Canal de Cléopatre, qui fournit de l’eau
douce à Alexandrie, pour tout le cours de l’année.
En defcendant la Colline, nous entrâmes dans une plaine, toute couverte de
brouifailles, qui ne portent que des câpres; & en avançant davantage, nous nous engageâmes
dans un bois, ou dans une forêt de dattiers. L eu r fertilité fait voir,
qu’ils fe reifentent du voifinage du Califch, donc les eaux leur font portées par quelques
canaux d’arrofeinenc, pratiqués encre les arbres. Nous traveriames ce bois,
& nous rencontrâmes enfin le Califch.
Bois ou Forêt
de dattiers.
T.CS bords de ce Canal font couverts de différentes forces d’arbres, & peuplés
de divers Camps volans de Bédouins, ou d’A-abes crrans. Ils fonr-là pour faire Bédoins, ou
paître leurs troupeaux, dont ils fe nourriiîèiic, vivant d’ailleurs dans une grande pau- rans.
vrecé. Us voudroienc bien être plus à leur aife ; & je n’ai pas oublié, qu’un jo u r,
que je fortois de bon matin par la porte de Rofette, une vingtaine d’entre eux avoit
grande envie de me dépouiller ; & ils auroienc mis leur dcfîcin à éxecution, fi un
Janiffaire, que j’avois avec moi, ne les en avoit empêché. Ces Arabes reffemblenc
aux Hirondelles: tant qu’ils jouïffcnt, dans un lieu, du bcau-tcms & de l’abondance,
ils y demeurent ; mais dès que la difctcc vient, ils délogent, & vont chercher des
endroits plus fertiles. C’eft à ces changemens de demeures, auffi-bicn qu’à leur
pauvreté, qu’ils doivent la liberté, donc ils jouïfîènt. 11 leur feroit fort difficile de
la garder, s’ils avoient plus de bien qu’ils n'en ont.
L e Califeh, à ce que l’Hiftoire nous apprend, fut pratiqué pour faciliter le LeCalifth
Commerce, & pour porter les marcliandifes, du Cayre à Alexandrie, fans les ex- '^ciSpaKe^'^
poièr
Tom . I . D