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176 Voyage d’Egypte
Cependant je me trouvois extrêmement fatigué dc la marche que j’avois faite
ce jour-la. Elle avoit été rude, fur-tout parce que le terrein étoit par-tout, ou raboteux,
ou couvert de fable. L a grande chaleur avoit auffi beaucoup contribué à l’abattement
où je me crouvois ; fans compter, que je ne m’étois pas encore bien remis de la
maladie que j’avois eifuyée au Cayre. 11 me prit, le même jour, un grand mal de
tête & une fièvre violente ; de force que je commençai à craindre pour une rechutce.
VENDR ED I, 13. Décembre.
J ’avois été fort mal toute la nuit; mais un grand vomiiTcment qui me furvint, m’emporta
la fièvre. Il me laiiTa pourtant encore le mal de tête & un grand abattement.
Comme le calme continuoit, nous fûmes obligés d’avoir recours à la corde; &
nous laifiâmes à notre droite les deux Villages,
KURNABILAL,
& ELL-AKALITA.
Nous gagnâmes même vers le foir, celui de
NEZLETAMERIS.
Il eft du même coté &: nous y mouillâmes aflèz près d’
ELL-TSCHELAME.
C’eft une Ville afièz confidérable, accompagnée d’une Mofquée, & qui eft
voifine d’
ARMENT,
Ce n’eft plus aujourd’hui qu’un fimple Village ; & c’étoit autrefois une Ville
nommée Hermonthis. On y découvre quelques antiquités ; mais la foibleftè, où
j’écois ne me permit pas dc m’y rendre : outre cela j’aurois trouvé bien de la difficulté
pour perfuader à notre Reys de s’y ai-rêcer.
Nous vîmes, chemin faifant, quantité de Cabanes d’A rabes, difperfées dans
la Campagne. Quelques-uns de nos gens mirent à terre pour aller à celles qui étoient
les plus près du Fleuve, afin d’y chercher du froment peur nos Poules ; mais ces Arabes
ne connoifiènt point l’ufage de faire des provifions. Ils ne vivent que du jour à la
journée; & comme ils n’ont presque rien à manger: encore moins ont-ils quelque
chofe à vendre.
Nos Gens tirèrent ce jour-là fur plufieurs Crocodiles, fans en tuer aucun. La
plus grande partie de ces Animaux ne fe iaifibic point approcher. II s’éiançoienc dans
l’eau, avant qu’on fût à la portée du fufil.
SAMEDI,
li de Nubie. 1 7 7
SAMEDI, 14. Décembre.
^ Î o u s n avions point de vent : ainfi il falut de nouveau recourir à la corde ; & ce fut
de cette manière que nous avançâmes, depuis Arment, jusqu’à
ELL-RETSEGAET,
Village fitué du même côcé. L e terrein qui fe trouve entre deux, & qui peut
avoir une licuë & demie d’étenduë, eft rempli d’anciennes ruïnes bien remarquables.
En continuant notre route, nous vîmes tout de fuite fur la rive Orientale du
N il, cinq Villages; fçavoir:
HAMBDIE,
MAGDSCHERGARONA,
TOT, autrefois TYPHIUM,
SENEMJE,
& GIBBÂEG.
L e dernier de ces Villages eft fitué vis-à-vis de celui de
DEMEGRAED.
Il tient la place de l’ancienne CrocodilopoHs. Nous mouillâmes auprès, &
nos Gens qui mirent pied à terre, dans cet endroit, y tuèrent quelques oyes du Nil.
Je me trouvai, ce jour-là, aficz bien rétabli, à un peu de foiblefiè près, qui
me refta toujours. .
Le s terres des environs de Demegracd paroifibienc avoir été négligées. On ne
les avoit point cultivées depuis la dernière inondation du N il; & le foleil les avoit tellement
déflèchées, qu’elles étoient pleines de crevafiès fi profondes, que je n’en pou-
vois atteindre le fond avec une zagaye de fix pieds de longueur. On fe mettoic
pourtant en devoir de les labourer; & fix boeufs attelés à une charuë, avoient bien de
la peine à les remuer.
D IM AN CH E , 15. Décembre.
N o u s eûmes bon v en t, toute la nuit ; mais notre Reys ne fut pas d'humeur de mettre
à la voile. Quand le jour commença a paroître, nos Gens deicendirenc pour
aller à la chafiè, & inc laifièrent feul à bord, avec le Valet Juif.
Il y avoit eu un grand calme tout le matin ; mais vers les huit heures un vent
frais s’étant lev é, le Reys fe mit en devoir d’en profiter. L e Valet J u i f voulut alors
exiger d’un Barberin, qu’il allât appeller nos Gens. Celui-ci dit qu’il n’en feroic rien.
Ils fe prennent de paroles, fe difputenc & s’echanffent au point, que le Barberin, qui
avoit un morceau de bois à la main, en appliqua un coup fur la tête du Juif. Celui-ci
Tom. II. y y voulut