fchie commerçante. On y apporte, tous les jours de marché, des denrées de tous les
lieux voifins, parce qu’on eft toujours aiTuré de s’en pouvoir défaire. A\’ec cela tout
y eft à fort bon compte. Nous eûmes un Veau de lait de Buffle, pour quarante parais
; des poules, à deux parats la pièce ; & ainfi du refte.
Cet endroit eft encore renommé par une forte de Conferve, qu’oit y fait en
gi-ande quantité, & donc les Turcs & les Arabes font grand cas, à caufe de fa douceur.
E n me promenant au Bazar, j’y rencontrai deux de leurs prétendus Saints, que
le Marché y avoit attirés. Ils étoient nuds comme la main ; & ils couroient comme
des Fous par les ruës, en branlant la tête, & en criant de toute leur force.
Une Fille de joie y étoit encore v enue, pour embellir la fête par fa préfence.
Elle avoit le vîiàge découvert, ainfi que la gorge, & fa cbcmife étoit blanche; au lieu
que celle des autres Femmes eft bleue. Sa tête, fon cou, fes bras & fes jambe.?,
étoient ornés de quantité de Quincailleries; mais cous ces embcIlifTemcns ne ia caraflé-
rifüienc pas fi bien, que fon air effronté & iès geftes lascifs. Il femble, que ces fortes
de Perfonnes doivent, dans tous les Pays avoir une marque commune, qui les fafiè
diftinguer. Celle-ci en avoit pourtant une extraordinaire; c’cft qu’cllc l’emporcoic infiniment
fur les autres pour ia laideur.
Avant de quitter Mesfchie, il faut dire à fa louange, qu’elle a de très-beaux
Colombiers, & qu'ils font en très-grande quantité. File eft aufiî accompagnée d’une
Mofquée; & on y voit un Cimetière très-vafte, où l’on peut remarqueiTes différens
Monumens, donc on honore ici la mémoire des Morts. Elle doit cette dernière di-
ftinflion à la hauteur de fon aiTiccte, qui fait qu’on y apporte les morts dc tous les endroits
voifins, pour qu’ils ne foient pas expofés aux inondations annuelles du Nil.
L e s Chrétiens Coftes, de même que les Profelytes de h P r o p a g a n d a , ont
dans cette V ille , & même dans toute l’écenduë des Etats de l’Emir d’Achmiin de fort
grands privilèges. Ils ne craignent pas d’y frapper un Mufulman : au lieu que dans
d’autres Quartiers, dès qu’on en vient-l'i, on court risque dc la mort.
L e s deux jours que nous nous arrêtâmes à Mesfchie, nous y vîmes arriver une
grande quantité de barques. Elles y vinrent dans la môme intention que nous; c’eft-
à-dirc pour y faire des provifions.
MECREDI
i i de Nubie. 149
MECREDI, 4. D é c em b r e .
N o s provifions étant faites nous mîmes à la voile vers les huit heures du matin; &
nous eûmes bien-tôt gagné deux Villages qui font à l’Occident dn Nil ; l’un nommé :
GHARAFFE,
L ’autre appellé:
EL HAIGUA.
Mais ce dernier eft, à près d’une lieuë dans les terres.
Nous pafiâmes en fuite entre quatre autres Villages ; fçavoir :
GALEFMUND, &
TUG,
T o u s deux à l’Occidcnc du Nil.
L e s deux autres fitués à l’Orient du F leu v e , fe nomment :
ELL ASAUVIE &
ELL HAUUIE,
C ’eft un peu au defius de ce dernier V illage , que fe termine la partie Orientale
des Etats du Prince d’Achmiin.
Nous eûmes enfuite à notre droite le Village d’
ASSERAT;
E t enfuite celui d’
ELL GHORAEN,
A u deffus duquel fe termine la partie Occidentale des Etats du même Prince.
Vis-à-vis d'Ell-Ghoran, on apperçoit :
DEIR MELAC,
Où les Coftes ont un Couvent ; & où il y a un Cimetière pour les Chrétiens
de Girgc.
Enfin nous nous trouvâmes entre deux autres Places, donc la prémiére n’eft
qu’un Village appellé :
SCHARAQUE.
II eft pourtant affez renommé, parce qu'il donne ordinairement une retraite
affurée aux T urc s mécontcns du Gouvernement, ou qui ont d’autres raifons pour s’y
retirer. L e s Arabes qui y demeurcnc maintiennent fi bien leur liberté, qu’ils ne
payent aucun tribut, fi ce n’eft à leur Schech. Il y a aux environs dc Scharaque, diverfes
Grottes dans les Montagnes ; mais il ne in’écoit pas permis dc les aller voir.
T om . I I . P p L'iraris
Voyez
la Carte
du N il, Planche
XCII.