de la porte, & dc I’entre-dcux des colonnes de la face; mais ce font là des ouvrageg
des Arabes, qui ont voulu remplir les vuides, pour pouvoir renfermer leur Bétail
dans ce T em p le , qui ne fert pas maintenant à d’autres ufages.
On doit confulter la Planche C X V . où j’ai deffiné cette Antiquité, quoiqu’avec
affez de peine, tant à caufe d’un abfcès très fenfible, qui m’étoit furvenu, qu’à caufe
de l’inquiétude que me donnoient les Arabes.
Comme la jaloufie de ce Peuple m’étoic parfaitement connue, j’avois eu la précaution,
en entrant dans le T em p le, de m’y placer derrière une colonne, & de laiffer
quelques-uns de nos gens à la porte ; mais cela n’étoit pas fuffifant, pour me délivrer
des importuns. Les Arabes étoient accourus en foule, 5r le bruit qu’ils faifoient ctoit
fi grand, qu’il falut que j’expédiaffe mon deffein à la hâte, de peur qu’ils ne vinffent me
fiiifir, dans le lieu où je in’étois caché. Je forcis donc; & cette Canaille demanda
d’abord, pourquoi j’avois été écrire dans cet endroit? Comme on étoit bien fû r, que
perfonne ne m’avoic vu, nos Gens nièrent le fa it; mais les Arabes n’cn voulurent pas
démordre ; & un d’eux ayant apporté à la fin pour preuve une écrkoire à la T urq ue ,
que j’avois oubliée de reprendre, nos Gens en parurent un peu décontenancés. Les
Arabes en de\’inrenc plus infolens Sr demandèrent à voir mes papiers; mais je le
refufai conftamment.
Cependant nous faifions en forte d’avancer, à grands pas, vers notre barque,
quoique la foule qui groffiffoit toujours, nous fuivît de bien près. A la fin même ils
en vinrent à nous jetter des mottes de terre & des pierres ; mais nous ne fîmes pas
femblanc de nous en appcrcevoir. L a partie écoic trop inégale, pour en venir aux
mains avec eux. D’ailleurs nous nous étions approchés de la Barque : Nous appellâ-
mcs à nous ; & on nous apporta des fufils & des piftolets. Ce fut le coup de partie.
Les Arabes ne nous virent pas plutôt les armes à la main, que la plus grande partie
d’encre eux fe fauva. L e s plus braves fe tinrent encore à quelque diftance, pour
voir ce que nous voudrions entreprendre; mais toute notre ambition n étoit que d’arriver
fains & faufs à notre Barque. Dès que nous y fûmes nous nous tînmes tranquilles
: fur-tout mo i, à qui le mouvement avoit fait ouvrir mon abfcès ; ce qui me
foulagea extrêmement.
Il y a quelque chofe de bien furprenant dans cette jaloufie, que les T urc s &
les Arabes font paroître pour leurs Antiquités, dès qu’ils voient que quelque Etranger
les vient examiner. Cette jaloufie eft même d’autant plus étonnante, qu’on s’apperçoic
aifément, qu’ils en font eux-mêmes peu dc cas, & que s’ils trouvent trop de peine
à les
à les démolir, ils enplàtrcnc les figures de bouë & dc terre, & emploient ces vénérables
monumens à renfermer leur bétail, qui les remplit d’ordures. Mais autant qu’on
le peut comprendre, & comme je l'ai déjà infinué dans plus d’un endroit, la véritable
caufe dc cette jaloufie vient de la fuperftition, qui régne dans le P ay s , & qui leur per-
i'uade, que cous les Etrangers font autant de Magiciens, & que les defièins qu’ils lèvent
font autant de talismans.
J e ne dois pas oublier d’avertir, que les Parats n’ont point cours à Effcnay, ni
au deffus. On n’a pour le commerce, que des Bourbes, donc les 12. font un Parat,
ou des Scvilians qu’on reçoit pour cent Paracs la pièce.
Une autre remarque à faire, c’eft qu’il n'y a rien de plus rare ici que le bois.
Nous en voulûmes acheccer; mais on n’en trouve point pour de l’argent.
Enfin je dois obfcrver, que les Arabes, qui demeurent au deffus d’Efiènay,
font appelles A b a b u d a . Ce font des Rebelles; & il faut continuellement employer
la force pour les foumettre.
L e foir, à fix heures, le Cacheff partit dans une barque accompagnée de deux
autres, chargées de Soldats. Son départ fe fit au bruit des Timballes, qu’il avoit à
bord de fa Barque. Deux heures après, nous mîmes à la voile & nous avions le
vent bon.
M A R D I , 17. D é c em b r e .
A , peine néanmoins eûmes-nous fait route Tefpace d’une demi-heure, que le Vent
ceffa. Cela nous obligea, après avoir pafiè
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V illage , un peu au deffus d’Ei'icnay, & du même côté, de gagner la terre,
près de
S E R N I IG ,
Autre V illage , fitué à rOricnc du N il, & tant foit peu plus haut que celui de
Duccg. Nous y avions à peine attaché notre barque, qu’une de celles qui écoienc
chargées dc Soldats, vint fe placer tout près de nous. Cc voifinage nous inquietta.
Ils font fi peu difcipiincs, & fi infolens, qu’il ii’y a pas de plaifir à avoir à faire avec eux.
Nous eûmes foiu dc nous bien tenir fur nos gardes. Heureufement le vent fe leva,
au bouc d’une heure ; & nous quittâmes cet endroit, pour fuivre notre route.
Tom-. JI. Z z Dans