Un des plus confidérables Edifices, c’eft le G r en ie r de f fo ß p h . Il occupe
une grande place, ceinte d’une muraille touc-à-l’entour; & on a pratiqué en dedans
diverfes réparations. On y dépofe le Bled qu’on paye pour tribut au Grand-Seigneur,
& qu’on apporte des divers Cantons de l’Egypte. Ce Bled, qui y demeure
tout à découvert, nourrit tous les jours une grande quantité des Tourterelles & d’autres
Oifeaux, qui le viennent piller. Les portes ne font fcnnées qu’avec des ferrures
de bois; mais les Inipeâeurs de ce Grenier, après avoir fermé une po rte , y ap-
pofenc leur fceau, fur une poignée de bouë, donc ils fe fervent en guife de cire. Du
refte, ce Grenier n’a rien d’antique, quoique fon nom paroiflè en impofer. Ses murs
font en partie du tems des Sarazins. On y a employé quelques pierres de taille;
mais la plus grande portion eft conftruite de méchantes bricques, & de bouë, comme
on en ufe tous les jours au Cayre, pour bâtir.
Les maifons de plaifance des Grands-Seigneurs n’ont rien qui -réponde à leur
nom. Ce ne font que de vaftes Salons, mal diipofés, avec trois, ou quatre Divans
en dedans. Ces Divans mêmes ne font que de petits trous, qui forment une efpèce
de Labyrinthe, & ont ce feul avantage, qu’ils procurent au Maître la commodité
de voir fes Femmes & fes Efclaves, fans que l’une puifle s’appercevoir de ce qui fe
pafie chez l’autre-
A u x environs du Vieux Cayre, furtout du côté de l’Orient, on ne découvre
rien d’agréable à la vuë. Ce font des Collines ftériles, qui femblent être formées
de cendres & de décombres.
i i de Nubie. 55
qui porte les eaux du Nil au Grand-Cayre. L e 19. Novembre, tems auquel j’etois
prêt à partir pour 1a Haute-Egypte, ce Canal pouvoit à peine fouffrir, qu’on le paflât
avec de petits batteaux vuides; & quand je fus de retour, je le trouvai entièrement à
feç, le 24.de Février 1738. Sa largeur eft de 200. pas ordinaires, & fa longueur
d’un quart de lieuë de France.
Il peut y avoir un quart de lieuë, du Vieux-Cayre à l’Enceinte du Grand-
Cayre, & une demi-lieuë, du Vieux-Cayre à Boulac.
Ce Bourg s’entretient du voifinage du Grand-Cayre, donc il eft comme l’entre- BOULAC.
pôc & le havre. Il eft ficué à l’Orient du Nil ; & il a au Nord le Califch, qui, comme
je l’ai déjà remarqué, conduit l’eau du Nil au Grand-Cayre.
A u milieu de ce Fleuve, entre le Vieux-Cayre & G iz e , fe trouve l’Isle de
Rodda, qui eft presque auiïï longue que k Vieux-Cayre, lors qu’elle n’eft pas inondée
dans fa pointe feptencrionale; mais dans k tems de l’inondation, elle perd un
quart de fon étendue. Elle peut avoir dans fon milieu 500. pas de largeur. L ’extrémité
Septentrionale fe termine en pointe ; & la face du Mokkias occupe toute la
largeur de la partie Méridionale.
Presque toute l’is k eft diftribuée en jardins, & n’a d’autres Habitans que des
Jardiniers, avec les Ouvriers, qui leur font néceffaires pour leur travail.
P l a n c h e
X X iV .
On peut dire, que la Ville eft entièrement ouverte, car elle a feulement, du
côté du L e v an t, un peu de muraille, qui fubfifte encore, depuis k tems des Sarazins.
Cela ne fçauroit guère fervir à fa défeniè. On en a fait un autre ufage : on
y a pratiqué des Places, où les Payfans apportent la Volaille & les autres denrées,
■qu’ils ont à vendre.
L e Canal, qui eft entre le Vieux-Cayre & l’IsIe de Rodda, a été creufé de toute
ancienneté. II commence au Bazar, & finit auprès de la Maifon d’eau. On
paffe tout cet efpace à pied fec, lorsque les eaux du Nil font baffes; mais quand ce
Fleuve s’eft enflé, on y voit paffer toutes fortes de bâtimens, & même jusqu’à des
Barques. L e 23. de Juillet 1737. il étoit entièrement à fec; mais, à la fin de ce
Mois, ii n’étoic pas poffible de le paffer à g u é ; & le 14. d’Août l’accroiffement des
eaux étoit déjà fi fort, qu’on étoit en état d’ouvrir la Digue d u 'C a lifch , ou Canal,
qui
L e M O K K IA S , ouM ikk ias , ouvrage des Sarazins, fait fon principal ornement.
Il cire ibn nom de l’ufage, auquel on l’a confacré ; car M o k k ia s fignifie
M e ju r e . On y obferve effe£tivement, chaque jo u r, par le moyen de la Colonne
graduée, l’accroiflèiTienc ou la diminution des eaux du Ni!; & c’eft fur cela que les
Crieurs publics fondent les proclamations, qu’ils font de ces événemens, à différentes
heures, par la Ville.
Son Baffin eft dans une T o u r quarrée, environnée d’une Gallerie, qui a diverfes
fenêtres, & qui eft terminée par une voûte à l’Arabesque; comme on peut k voir
plus clairement dans mes deffeins; ainfi je me bornerai à rapporter l’Infcription Arabe,
qu’on lit à l’entrée du Mokkias. L a voici, fuivaut l’explication, qui m’en a été
donnée ;
0 2 L ’En-
L e MOKKIAS.
Planches
XXIII.
XXV. <Sc
XXVI.