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ibantinople, à T un is , à T ripo li, & , pour ainfi dire, dans toutes les Villes commerçantes
de la Méditerranée, fur-touc dans le Levant. Ils n’ont ni privilèges particuliers
, ni proceflion déclarée ; mais ils fç'avent s’en procurer par leurs intrigues. Ils
s’attachent toujours au plus fort; c’eft-à-dirc aux Chefs du Gouvernement, qui demeurent
au Cayre. Il leur en coûte à la vérité quelque chofe; mais ils s’en dédommagent
d’ailleurs ;• car ils mettent fi bien cette proteftion à profit, qu’ils emportent
communément le prix dans les occafions, où il y a quelque chofe à gagner. Cela
leur donne encore du relief panni les T u r c s , & les garencit des avanies & des inful-
tes, à quoi d’autres Nations, plus privilégiées que la leur, font fouvent expofces.
Deux faits, que je vais rapporter, pourroient faire croire, qu’on n’a pas grand égard
pour les Juifs à Aléxandrie. Un Douanier y fut tué il y a peu de tems; & une
inaifon fut brûlée par la Populace, qui y fit périr tous ceux, qui étoient dedans.
Mais ces accidens peuvent arriver ici à tout le monde, en pareils cas. L e Douanier
fut tué par un Janiffaire, à qui il refufoit de diminuer la T a x e de la Douane;
& la maifon fut brûlée, dans une émeute populaire; parce qu’on ne vouloit pas rendre
un Homme, qui s’y étoit retiré, après avoir bleffé, ou battu un T u r c . Il n’y
eut point de facisfaêlion. Ce n’eft pas la mode ici. L e Coupable prend la fuite.
On fe contente ordinairement de cela ; parce qu’on a pour principe, (\\xiine cho fe
f a i t e n ’e ft p o in t à reârejjer . Cependant depuis le meurtre du Douanier, il y a
toujours une garde à la Douane.
Puisque j’ai tant fait, que de parler d’une Nation, il eft naturel de faire con-
noicre les autres; & pour rentrer en quelque manière dans l’ordre, je donnerai le
prémier rang aux T u r c s , comme à ceux , qui ont en main les rênes du Gouvernement.
Ils tiennent des garnifons dans les deux Pharillons, & ils en ont encore
une dans la Ville même. Elle confifte dans un petit nombre de Janiffaircs & d’Af-
fafs. L e Gouverneur, qui les commande, eft un A g a , & fait fa réfidence dans
un des anciens Boulevards. Il y a auffi un Cadis, qui juge dans les caufes civiles.
L e s autres T u r c s , qui habitent à Aléxandrie, font pour la plupart des Ar-
tifans, ou des Gens qui tiennent boutique. Il n’y a parmi eux qu’un fort petit
nombre de Marchands. Ceux-ci font commimcinent à leur aifc, quoiqu’ils ne le
faffent pas trop paroître, comme je l’ai déjà remarqué plus haut.
L e s Chrétiens Coptes, Grecs, & Arméniens, qui font du Pays même, fc
trouvent en affez grand nombre à Aléxandrie. Ils n’y font pas néanmoins grande
figure. Ils s’entretiennent, à peu près, fur le même pied que les T u r c s : avec
cette différence, qu’ils font généralement méprifés. Cependant, parmi les Grecs &
les
les Arméniens il fe rencontre quelques Marchands étrangers, qui font affez bien
leurs afiaires. L e Patriarche Copte occupe dans cette Ville la Chaire de Sc. Marc,
quoiqu’il réiidc ordinairement au Cayre. 11 fe dit Succefièur de ce St. Apôtre &
Evaiigelifte; & dans cette qualité, il prétend marcher de pair avec le Pape. S’il
étoit en même tems Souverain temporel comme celui-ci, il ne manqucroic pa s, fans
doute, de faire bien valoir fa prétention; mais vivant dans l’esclavage, comme le
refte de fa Nation, fa puiffance eft bornée à gouverner les mauvaifcs confcicnccs de
ibn troupeau.
J ’cspére, que Mrs. les Européens ne prendront pas en mauvaife part, fi je
les nomme les derniers. Mon intention a été bonne. Je ne les ai pas voulu
confondre avec les autres Habitans d’Aléxandrie. En tout cas, comme ils y font
Etrangers, ii n’écoit pas naturel de leur afiîgner le prémier rang. 11 eft bon d’avertir,
que tout Européen paffe ici fous le nom de Franc. Ceux qui y demeurent
font les François & les Anglois. Les premiers fe flattent de fe faire mieux re-
fpe£ler ; mais les derniers font peut-être un meilleur commerce.
Les François tiennent ici un Confuí, dépendant de celui du Grand Cayre.
L a Cour de France donne ordinairement fon Plein-pouvoir à fon Ambaffadcur à
Conftancinople; & c’eft lui qui pourvoit aux Charges vacantes. Ce Confuí a ,
pour Aflîftans, un Chancelier ¿¿ un Drogman : chacun avec commiiïïou de la Cour
tout comme lui. Il gouverne ordinairement fa maifon : le Chancelier a foin de la
correfpondance, & juge les différens entre les Marchands & les Cajjicaines, ou Maîtres
qui conduifent ici des Vaiflèaux de la Nation; & le Drogman fe mêle des affaires,
qui concernent les intérêts des François avec les Turcs.
Suivant les Traites convenus entre les deux Cours, les Privilèges des François
font affez confidérables; mais leur force eft trop petite à Alexandrie, pour y
pouvoir foutcnir ces avantages. Ils n’y ont qu’une douzaine de Marchands, donc
un feul Italien de Nation fait le commerce, pour fon propre compte. Les autres
font feulement les Faftcurs de divers Marchands du Cayre, à qui ils ont foin d’envoyer
les marchandifes, qu'on débarque ici.
J ’ai déjà donné une idée d e là manière, dont on s’y prend, pour diminuer
leurs privilèges, par rapport aux droits de la Douane. L e fa it, que je vais rapporter,
fora connoître, comment ils fc foiuicnnent dans ces mêmes privilèges. J a i
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