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Voyage d'Egypte
s envers nous." Ii parut content de cette déciaration, & nous iai® depuis
ME CR EDI, % .y a n v i t r .
N o u s avions fait route, toute ia nuit, à ia faveur du courant. Nous continnSmcs
de même jusqu’à midi, que nous fûmes obligés de mettre à terre, à caufe d’un Veut
de N o rd , qui étoit trop fo r t, & qui nous empêchoit d’avancer. Nous attachâmes la
Barque au bord Oriental du N il, près de
D E N D O U R .
Nous avions fait un peu plus dc la moitié de la route, de Derri à la CataraSe:
route où l’on a beancoup de peine à faire des provifions. On ne trouve que quelques
moutons extrêmement maigres & des Chevres, qui ne valent rien. Les Poules font
très-rares; & les oeufs par conféquent ne font pas communs. A l’égard du pain , on
n’en vend point. L e s Barbarins ne font moudre le bled, qu’à mefure qu’ils veulent
cuire; & les gâteaux qu’ils font, ne font jamais qu’à moitié cuits. Cc qu’il y a de plus
désagréable, c’cft que, quand on rencontre quelque chofe à achetter, la marchandife
vendue, livrée & payée, ne fait pas une vente parfaite. Nous en eûmes ce même
jonr une preuve convaincante. Notre Valet avoit adieité un mouton, qu’un Barbarin
avoit amené à la barque, dans le deflèin dc le vendre. Après bien des conteftations,
il le laiflâ pour deux Sévillans, avec lesquels il s’en alla. Mais, au bout d’une demi-
heure , il retourna pour demander fon mouton, & offrit de rendre l’argent, qu’il avoit
reçu. Indignés de fon procédé, nous réfutâmes de rompre le marché; d'ailleurs nons
avions befoin du Mouton. Là-deflus notre Homme s’obftina, fit un vacarme terrible,
& aflcmbla tant de monde, par fes cris, q u e , pour n'être-pas obligés d'en venir à
qnclques extrémités, nous acquicrçames à là demande. moyennant les deux Sévillans
qu’il reftitua. L a Comédie ne finit pas-là. Un moment après, il retourna avec le
même Mouton, dont il demanda trois Sévillans. Noos voulûmes le chafler. Qtiand
il vit que nous ne paroiflions pas avoir envie de Ion Mouton, il prétendit nous obliger
à le prendre, pour le prix qui lui en avoit été donné la première fois. Nous fîmes
les difficiles. Enfin on s’accommoda; & le Mouton nous demeura pour im Sévillan,
& quelques mefures de blcd, cc qui étoit pourtant au deifous dc ce qu'on lui avoit
donné au commencement.
JEUDI, 9. Jan v ie r .
Q u o i q u e le vent du Nord fût encore aflez fo rt, nous ne laifiâmes [ S de faire route,
tout
tout le jour, par le moyen de la rame & du courant 5 de forte que, vers le foir, nous
gagn’âmes le Village d’
A B O H U E R .
Nous approchâmes de la terre ; & nous en avions fait autant ce jour-là en divers
endroits, fans pourtant nous y arrêter. On nous avoic feulement demandé, commenc
on nous avoic permis de retourner de Derri. Quelques-uns avoient ajouté fort civilement,
qu e , (i le Reys vouloit nous faire defcendre chez eux, ils parcageroient le butin
avec lui. Mais à Abohuer une vingtaine d’Homines ofèrent venir à la nage jusqu a
notre barque, pour y demander des nouvelles de notre voyage. Ils fe tinrent pourtant
dans de certaines bornes, & ne marquèrent aucunement avoir envie de nous faire
du mal. Ils témoignèrent feulement beaucoup de furprife, de ce qu’on nous avoic
laifle échapper fi aifément.
Comme depuis Efluaen jusqu’à Derri, on n’a pas Tufage de traverfer le Nil avec
des Canots, les Habitans fçavent fuppléer à ce défaut de diverfes manières. J ’cn ai
déjà donné deux. En voici une troiiiême aficz finguliére. Ils fe mettent à cali-four-
chou fur un grand morceau de bois, après avoir ajufté leurs habits fur leur tête, en
forme dc Turban. Ils y attachent aufiî leur Zagaie. Enfuite, il fe ièrvent de leurs
bras, en giiife de rames, & travcrfeiu ainfi le Fleuve, fans beaucoup de peine. Cette
manière eft encore en ufage un peu au dcfious d’Efluaen ; & même dans des endroits
où il y a plus de Crocodiles qu’ici. Cependant on n’apprend pas qu’il arrive aucun
malheur; & ceux qui fe baignent, tous les jours, dans le N il, ne prennent non plus
aucune précaution contre cet Animal.
V EN DRED I, 10. Jan v ie r .
O n reprit ia rame de grand matin, parce que le Vent du Nord continuoit toujours.
L ’après-midi nous mîmes à terre à
U B S CH I IR .
L e deficin ctoit pris de refter, toute la nuit, devant ce Village. Cependant à
force de fuüicitacions, & par quelques libéralités que je fis, j’obtins que nous ferions
en forte de-gagner
G IE S IR E T E L L H E IF F .
J'ai déjà dit, d’avance, de quelle manière j’émployai toute la nuit à examiner
les magnifiques Anciquiccs de cette Isle, jusqu’à ce que Timportunité des Barbarins
m’obligeât de me retirer, le lendemain matin. Ainfi je me contente dc renvoyer le
Leêleur à la relation que j’en ai donnée.
P p p 2 SAMEDI,