? ..
ï f !iî.
: n m
P l a n c h e CNXo.X CXXIXL.. &CXLI.
P l a n c h e CXLII.
210 Voyage d'Egypte
Cette partie de l’isle paroît la plus ruïnée; mais le Temp le, marqué dans le
deffein fous Lit. A . femble être d’une grande beauté. 11 eft très-bien confervé ; & les
orncmens, ainfi que les Chapiteaux des colonnes, font de la dernière délicaceffe.
Voilà tout ce que j’ai pu obferver, en allant ; mais au retour la fortune me favorifa
davantage. Quoique le Reys voulût alors recommencer fes mêmes Chanfons:
à quoi il ajoutoit, que fon Equipage étoit fatigué d’avoir ramé tout le jour, il ne s’op-
pofa pas néanmoins fi vivement à mon defièin. 11 y confentit même, après que j cûs
gagné moi-même le Pilote, par le moyen d’un Sévillan, & qu’une autre Perfonne en
eût fait autant auprès de l’Equipage.
L e Reys fc fit mettre à terre alors, avec le Frère de l’A g a , & avec le Janiffaire.
Ils fe rendirent tous crois à Efiüaen par terre; & nos Barbarins, animés par le préfent
qui leur avoic été fait, jouèrent de la rame de plus belle; de forte qu’ils attachèrent
bien-tôt la Barque à l’Isle d’ElI-Heift.
Comme il étoit déjà tard, j’eus deficin d’abord de différer ma curioficé jusqu’au
lendemain matin; mais la nuit iè trouvant belle, & mon impatience redoublant par-là,
je demandai fi Tlsle étoit habitée. On me tic entendre, que je n’y crouverois perfonne.
Cette réponfe m’anima. Je me munis de mes mefures de mes papiers & d’une lanterne
, & je defcendis avec une feule Perfonne de notre Compagnie.
L a première chofe à laquelle nous peniâmes, fut dc faire le tour de Tlsle, pour
avoir une idée générale de la fituation des Edifices; & j’cn donne le Plan dans mes deffeins.
Il eft fuivi de deux Coupes, prifes fur le travers de Tlsle, & reprcfentées
dans une même feuille; & dans une troifiéme feuille, on a une troifiéme Coupe priib
fur la longueur de Tlsle.
Nous fûmes bien furpris, quand nous apperçumes parmi ces Antiquités un
afièz gi-and nombre de Cabanes de Barbarins ; & nous crûmes véritablement que notre
Pilote nous avoic joué un mauvais cour. Cependant nous ne laifiâmes pas d’avancer;
& comme nous n’entendions aucun Chien aboyer, cela nous raffura un peu. Enfin
nous nous trouvâmes entièrement hors d’intrigue, envo yant que ces Cabanes étoient
déferces & en ruïne.
Nous ne balançâmes pas alors à entrer dans le grand Temple d’Ifis, monument
des plus fuperbes, & qui refte presque entièrement fur pied. J ’en fis une Ebauche
génégénérale,
oii je marque, fous L i t . C . TEntrée principale. L a Cour intérieure fe
voit X//. D . L a fécondé Encrée eft défignée, L it . E . ■ L e Veftibubule fuit,
L it . F . La Baffe-cour vient en fuite L it. G . Diverfes Chambres font repréfcncées
fous, L it . H .\ & la Cour extérieure eft marquée, L it . 1.
De-là nous allâmes voir un autre Temple, qui, quoique beaucoup plus petit eft
d’une beauté & d’un goût extraordinaires. Il eft marqué, Lit. A . ' , & je crois que
ce doit être le Temple de TEpervier; car Strabon, Livre XIII. fait mention d’on T em ple
de ce nom. Il y a encore d’autres Temp les , que j’ai marqués, Lit. K . mais le
tems ne me permit pas de les examiner en d’ecail.
A la prémiére pointe du jour, j’apperçûs des Efcaliers, qui me firent juger,
que Tlsle avoic par-tout des Souterreins. Je tentai de defcendre en divers endroits;
mais il ne me fut pas polfible d’avancer bien loin. T ou s les paffages étoient remplis,
ou bouchés d’immondices, ou de décombres.
Quand le jour fut v enu, je m’occupai à deifiner diverfes forces de Colonnes &
de Chapiteaux, que j’ai repréfentés dans une feuille particulière ; & j’y ai ajouté Torne-
ment, qu’on obferve non feulement fur Tcncrée principale du Temple d’Ifis; mais en- ^ X L I V ^
core fur presque toutes les portes Egyptiennes. Je Tai marqué L i t . A .
J ’avois déjà commencé à tirer les Hiéroglyphes du grand frontifpice, quand
quelques Barbarins du voifinage, qui venoient de fe lever, apperçurenc notre Barque,
& jugèrent que quelqu’un avoit deiTein de mettre pied à terre dans Tlsle. Us crièrent
aufii-tôt au Pilote de s’éloigner, & de ne pas permettre, que perfonne defcendîr. L e
Pilote ainfi que fon Equipage, gagné par nos largefics, ne fit pas grand cas de ces
ordres. Mais une Centaine de Barbarins, ayant paru, dans le moment, fur le bord
du N il, & menacé de brûler la barque, fi elle ne s’éloignoic, il prit Tépouvante, vint
à moi en diligence, & me pria de me rembarquer. Je Tamufai le plus qu’il me fut
polfible, afin dc gagner du tems. Il me falut pourtant lâcher prife, lorsque tout
l’Equipage de la Barque furvint, & me fit entendre qu’il n’y avoic pas de fureté à demeurer
plus long-tems dans ce lieu.
Je ne quittai cette Isle qu’avec beaucoup de regret. Un feul jour auroit fuffi,
pour deifiner une infinité de Hiéroglyphes, capables d’éclaircir THiftoire & le culte
d’ Ifis. Mais la prudence vouloit que je cédaffe à la néceifité. Je me félicitai néan-
nioins de ce que j’avois gagné fur ces foi-ces d’Ennemis ; & je fouhaite que quelque
autre après moi ait le bonheur d'achever un ouvrage que j’ai ébauché.
G g g 2 Pour