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’’dont on vous a traités à Derri. Ils pourroient prendre la fantaifie d’en ufer de la
"même façon à votre égard. I! ne ièroit pas en notre pouvoir de vous eu garantir.
’’Notre force n’eft pas capable dc rcfifter ici au Peuple, lorsqu’il vient à fe révolter.
’■J’ai donc ju g é, qu’il écoit plus convenable. Si pour vous & pour nous, de vous con-
’’duire dans cette Maifon de Campagne, où vous ièrcz en toute fureté.”
Nous entrâmes dans fes raifons, & nous commençâmes à le croire plusiionnêce-
bomme, qu’il ne nous avoit paru dans fes prémiéres démarches. Je puis mcnie dire
à fa louange, qu’il foutinc depuis ce caraâtére afiez bien ; car quoiqu’il ne laifiâc échapper
aucune des occafions où il pouvoir nous cxcroquer quelque petit prélcnt, il ne
laifià pas néanmoins de nous fervir de tout fon pouvoir.
Cependant le féiour, que nous nous voyions réduits à faire dans une campagne,
n’écoic guère de notre goût; &: nous ne manquâmes pas de parler de notre départ.
Mais pour cela il faloit une Barque; & il n’y en avoic point à Efiùacn. L e fils de
l’Aga nous offrit néamnoins, en tout cas, d’en faire venir une du Porc de la Cacaraéle.
Je vis qu’il fe panèroic quelques jours, avant que nous pulfions l’avoir: ainli je lui fis
demander, s’il ne pourroit point me procurer un bacceau, ou un Canot, pour aller de
Tautre côté du N il, où je fuuhaicois de voir les Antiquités, donc le Valet de TAga
m’avoic parlé, avant que nous parciliions pour Derri. ”Je te (àcisferai me dit-il; mais
’’ce n’cft pas le tout qu’un Canot. 11 te faut encore une Efcorce, pour te garantir des
’’infultes des Arabes, qu’on rencontre quelquefois de ce côcé-là;” & fur cc que je répondis,
que nous irions en aifez grand nombre, 8c aflèz bien armés, pour ne rien
craindre, il promit d’y penfer, & nous laifla afièz contens de ià conduite.
Nous prîmes alors pleine poffeifion de notre nouvelle demeure, q u i, au lieu de
chambres, n’avoit que trois efpéces de remifes voûtées, 8c pourvues chacune, pour
tous meubles, d’un Divan de maçonnerie. Celle du milieu, recevoic le jour, par
toute fa façade, qui étoit entièrement ouverte. 1! y avoit pourtant encore une Cuiline
découverte par en haut, outre un petit réduit, où logeoic un Efclave avec ià femme.
Il étoit le Châtelain, ou le Concierge du Chateau. Son Maître lui avoir donné ordre
dc nous obëir en toutes chofes; & il devoit nous remettre les clefs cous les foirs.
Ce qu’il y avoic de meilleur dans cette Maifon de Campagne, c’écoit une grande
Cour remplie dc Brebis & de volailles. L e tout étoic à notre (èrvice, à condition que
nous le payerions; c ’eft à dire plus cher qu’au marché.
Sur
Sur le corps du principal bâtiment regnoic une platce forme, ti'ès-propre pour
s’y rôtir au Soleil, qui y donnoit tout le jour. ü n auroit pu pourtant y reipircr la
fraîcheur, le foir 8c la nuit; mais il y avoic un grand obftaclc; car on y avoic porté,
depuis long-tems, les immondices de la maifon: elles s’y étoient pourries; & donnoient
une odeur, qui ne permettoic pas dc s’y tenir long-tems.
Nous étions accoutumés à loger fi étroitement dans notre barque, que malgré
le peu dc commodité, qu’il y avoit dans cette maifon, nous nous trouvions mieux que
nous n’avions été depuis long-tems : nous y étions du moins au large. Cet avantage
ne nous touchoic guère pourtant, & nous foupirions après le moment où nous pourrions
quitter ce trifte féjour.
LU N D I , 13. J a n v ie r .
D n nous avoic avertis ie matin, qu’il y avoit à Effuaen une petite barque, qui offroit
de nous mener au Cayre. J ’allai la voir; mais elle écoit trop petite; & le Maître de-
mandoic45.Sévillans pour notre pafiàge. Je n’écois pas tenté de conclurre le marché;
& le Fils de TAga, qui arriva dans ces entrefaites, n’y voulue pas non plus confentir.
II dit que le voyage écoit aflez fatiguant par liii-mcine, fans en augmenter la fatigue,
en fe mettant dans une prilon; & il me fit efpérer qu'il arriveroit dans peu une barque
plus large. J ’accordai pourtant avec le Maître de cdle-ci, pour qu’il me menât le
lendemain de Tautre côté du Nii; & le Fils de l’A g a me promit deux Janifiàires, avec
le Valet, qui in’avoic parlé des Antiquités, qui s’y trouvoient. Cétoit lui qui devoit
fervir dc guide.
M.ARDI, ii[. J a n v ie r .
I 3 ès le matin, je pallài de Tautre côcé du Nil. J ’étois accompagné des Pércs, des
Janiflàircs & des Valets. Nous fûmes obligés de defcendre le Nil plus d’une licuë,
parce que le bord du Fleuve, entre Tlsle Elephantine, & le Continent, du côcé Occidental
n'avoit pas aflèz de fo n d , pour en pouvoir approcher avec une barque.
l.orsque nous eûmes mis pied à terre, il falut remonter, le long du rivage,
aulfi haut que nous étions defccndus. Notre Guide nous fit, après cela, traverfer des
montagnes fablonneufes, qui dans ce quartier s’approchent jusqu’au bord du Fleuve.
Cétoit la marche la plus incommode du monde; car outre que nons avions à monter
dans des Sables; cc qui eft fatiguant; ils cachoietu à leur furface, quancicé d’épines,
qui u’accominodüicnt pas nos jambes nuës; comme on les a toujours dans ce Pays-là.
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