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De plus il faifoit une chaleur extrême; de forte que le chemin, que notre Guide avoic
fixé à la durée dc quelques pipes dc t-abac, nous fembla d’une longueur épouvantable.
A u bouc de trois heures de marche, nous arrivâmes enfin au lieu que nous
cherchions, fins autre accident que celui dc nous être bien lafies. Mais quel fut mon
ctonncmcnc, quand au lieu dc quelques fuperbes anciens Edifices, je n’apperçus que
de vieilles mafures dc briques & dc bouë ? Je fis demander au Valet de TAga, fi c’écoient
]ù ces belles chofes, qui valoienc plus que ce que j’avois vu dans Tlsle Elephantine? Il
répondit tranquillement, qu’oui; & comme il s’appercut que j’cn étois irrité, il chercha
à m’adoucir, en difant, que je verrois quelque chofe de plus beau en dedans. Il falut
prendre patience, & avancer pour entrer. Je n’y trouvai non plus que de vieilles mafures.
Je commençois à éclattcr contre mon homine, qui ne fit que rire de la colère
où il me voyoit, comme s’il eut voulu plaifanter de ce qu’il m’avoit trompé de la force.
Je cherchai à éteindre ma colère par le boire & le manger que j’avois fait apporter
avec moi. Je me refis en même tems de ma fatigue; & je me rappellai alors,
que le Drôle m’avoit parlé de Momies, de Peintures & d’Infcripcions. Je lui en fis
demander des nouvelles; & il offrit de m’en donner de bien fures, en me montrant
toutes ces chofes. Au(fi-côt, il me conduifit dans un endroit, dont les murailles étoient
effeaivemenc peintes; mais lorsque je les v is , je ne doutai pas un moment que toutes
ces mines ne fuffent des reftes d’une Eglife, & d’un Couvent Copte, ou Grec. Ii me
mena après cela dans une efpèce de Cimetière, donc les Arabes ont ouvert les tombeaux.
11 me donnoit quelques os de morts pour des Momies: encore, paffe, s’il en
avoic fait des Reliques. Il ne manquoit plus après cela qu’à me montrer les Infcrip-
cions. Il n’y fut pas embarraffé, quand je les lui fis demander. 11 foutinc la gageure
jusqu’au bouc, & me fit remarquer des Cellules ruïnées où Ton avoit écrit, avec du
charbon, fur le plâtre dont les murailles écoienc enduites.
Mon homme n’en demeura pas-là: il fe picqua de faire plus qu’il n’avoit promis.
11 me (ic defcendre dans un endroit, où on voyoit un puits à moitié comblé. ’’T iens,
”clit-il, voila l’endroit où les tréfors font enterrés. Si m fçais les tirer de-là : tu feras
’’futfifammciic payé de la peine que tu as prife de venir jusqu’ici.” Je me mis à rire,
à mon tour, de la fimplicité de cc Barbarin, commune à tous fes Compatriotes. Je
jugeai alors, que ces Couvens ruinés pourroient bien avoir occafionné le fentimcnt général,
qu’on y a enterré des tréfors. 11 peut fc faire, que les Moines, en danger de
voir leurs Couvens détruits, enccrroient Targencerie & les Reliquaires de leurs Eglifes ;
que les Arabes, dans la fuite, ayant découvert quelques-uns dc ces tréfors, fc font
imaginés q u il y en avoit partout; & que comme ils ne fçavent pas faire de différence,
entre une ruïne antique, & une ruine moderne, ils croient qu’il y a des tréfors dans
tous les endroits, où ¡I y a eu des Edifices. Je crois même, qu’on ne courroie pas
risque de fe tromper, fi on difoir, que la confervation de tant d’Antiquités, qu’on admire
encore aujourdhui, n’cft duc qu’à cette fauffe perfuaiion, bien incommode pourtant,
& bien périlleufe, pour un Vo yageur, qui cherche à y fatisfaire ià curiofité.
Comme j’avois tant fait que de me rendre fur le lieu, je voulus le voir entièrement.
J en fis tout le cour ; mais, à dire le v ra i, je n’y apperçus rien qui valût la
peine d’être remarqué. Je ne trouvai, que les vcftiges d’un bâtiment, qui avoic été
habite par des Chrétiens uniquement occupés au culte du vrai Dieu. Du refte ce bâtiment
écoic d’une mauvaife conftruffion, & fitué dans le terrein le plus ftérile du monde.
On n y voit à perce de vuë , que des plaines & des montagnes couvertes de fable.
L ’eau, félon les apparences, n’y étoic pas fort bonne; &: fi ceux qui ont demeuré dans
ce lieu, étoient obligés d’en aller chercher à la rivière, ils avoient affez d’incommodité
pour fe la procurer.
Après nous être un peu repofés, nous nous mîmes en chemin, pour regagner
notre barque. L a marche qu'il nous falut faire pour cela, fut encore plus désagréable,
que celle du matin. Prémiérement nous étions alors cous frais; & Tcfpérance de voir
quelque chofe de beau nous encouragcoic: au lieu qu’à notre retour, nous étions déjà
las de la marche précédente; & dc plus, nous avions le déplaifir de nous être fatigués
inutilement.
N i en allant, ni en revenant, nous ne rencontrâmes perfonne fur la route.
• Autant que je puis Tiinaginer, les Arabes ne viennent guère dans ce quartier, que
quand ils s’attroupent pour y aller chercher quelque chofe. Je payai trois Sévillans,
pour la Barque ; & j’cn donnai deux qui furent partagés entre les Janiffaircs 5: le Valet
dc TAga. Ces derniers furent plus contens de ma libéralité, que je ne le fus de la
corvée que j’avois faite.
ME CR EDI, 15. Jan v ie r .
L e Fils de TAga nous amena un Reis, dont la barque étoit au Port de la Cataraêle ;
& il devoit la faire defcendre, dans trois jours, à Effuaen. Nous accordâmes avec lui,
moyennant ibixante Sévillans; ce qui faifoit dix Sévillans par rames. Il s’obligea de
Torn. I L R r r nous
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