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6a Voyage d'Egypte
On voit fur k Hanche LIII. Let. A . un morceau de Digue, pratiquée au bord
du N il; & par occafion j'avertirai, que ces Dignes font en général aflez mal entretenues.
J'ai aulfi repréfenté fur la même planche la manière de donner l'eau à la
Campagne, quand elle en a befoin; & cette vue eft prife aux environs de Deir cil
Lodivie. J'ai principalement obfervé ces deux manières d'arrofer les terres, depuis
le Cayre jusqu'à Derri.
T o u t cela ne ièroît pas encore fuffiiànt. L a fécherefiè eft fi grande, que le
ten-ein n’a pas feulement befoin d'une inondation générale, il demande encore, que,
quand les eaux du N il commencent à baiffer, on ne les laiffe pas s’écouler trop promptement,
i! faut donner le tems aux terres, de s’en imbiber & de s’en abbreuver.
Cette néceffité a , depuis long-tems, fait chercher les moyens de pouvoir retenir
l'eau & de la conferver pour l’arrofcment des terres. L e s Anciens y avoient
réuifi à merveilles; & de leur tems on voyoit tout le terrein dans une beauté fiorif-
faiite, jusqu’au pied des Montagnes ; mais le cours du tems & les diverfes défolations,
dont le Royaume a été affligé, ont tout fait tomber dans une telle décadence, que, fi
une extrême néceifité n'obligeoit les Arabes à travailler, dans moins d’un liécle,
l'Egypte fc trouveroit réduite à un aulfi trille état que la petite Barbarie, au voifinage
des Cataraaes, où on ne laboure, & ne cultive guère, que l'efpace de vingt à trente
pas de terrein, au bord du Fleuve.
Ces moyens confîftent en des Digues & en des C a l i jc b s , ou Canaux, que 1 on
coupe, ou creufe, dans les endroits, où le bord du Nil eft bas. On les conduit
jusqu’aux montagnes, au travers des Provinces entières; de forte que, quand le Nil
croît, fes eaux entrent dans ces Califchs, qui les introduifenc au dedans du Pays, à
proportion de la hauteur du Fleuve.
Quand il eft cru à fon point, & qu’il a répandu fes eaux fur la furface de la
terre ; c’eft alors qu’on penfe à les retenir durant quelque tems, afin que les terres
ayent le loifir de s’abbreuver fuffifamment. Pour cet effet, on pratique des Digues,
appellées G i f le r , qui empêchent que l’eau ne s’écoule, & l’arrêtent, autant de tems
qu’on le juge à propos. Enfin quand la terre eft afièz arrofée, on coupe le G ifle r ,
pour faciliter l’écoulement des eaux.
T o u t le bonheur & le bien d’une Province dépend de la bonne direftion des
Califchs ; mais comme un chacun cherche à en cirer du profit, jusque-là que le Bey de
^ de Nubie. 63
Gize en retire aftuelleinent plus de 500. Bourfes par an , les Califches tombent, çà &
là, dans une grande décadence; ce qui caufe, que la fertilité de 1
proportion.
; diminue à
L a conquête de l’E g yp te , faite dans une feule campagne, par Selim I. Empereur
des T u r c s , le rcndoic entièrement maître de ce Royaume, mais ne lui donnoit
pas une entière fureté de l’obeïfiànce de fes Habitans. L a Haute-Egypte iur-cout,
qui n’avoit point fenti la force du bras du Vainqueur, & qui étoit gouvernée par plufieurs
Princes Arabes, ne l’avoic reconnu pour Maître, que dans la vuë d’éviter la dé-
folacion du Pays. L e Conquérant ne l’ignorok pas; & il jugeoic bien, que ceux ,
que fa préfence tenoit fous le jo u g , lui échapperoient bientôt, lorsqu’il fe feroit retir
é , k moins qu’il n’y mît ordre, en y écablifiknt une forme de gouvernement capable
de lui affurer la poffefiion du Pays, & de le défendre en cas de befoin.
Depuis la fondation de la Monarchie Ottomane, on avoit pour maxime générale
k la Porte, qu’en fait de Gouvernement, il ne faloit pas trop s’attacher aux régies
de l’équité ; & qu’on devoit plutôt fe porter aux dernières cruautés, que de fouffrir
la moindre oficufe faite au pouvoir fouverain.
Selim étoit de caraftére à fuivre, au pied de la lettre, cette maxime barbare
de fes Ancêtres; mais comme il ne voyoit pas l’E gypte fuffifamment fubjuguéc, &
que lui-même étoit appellé ailleurs avec fes troupes, il jugea , qu e , pour fe délivrer
de toute crainte & pour prévenir les révolutions, il convenoit d’établir une forme
de Gouvernement, de nature à pouvoir réduire, avec le tems, ce Royaume au point,
qu’il fouhaicoit, par le moyen du peu de T u r c s , qu’il laifferoic dans le Pays,
Pour cet effet, il créa un Bacha, à qui il déféra le Gouvernement entier de
l’Egypte, L e pouvoir de cet Officier étoit defpocique, & il n’avoit à rendre compte
de fa conduite qu’à l'Empereur feul, félon le bon plaifir de qui il devoit être changé,
ou d’année en année, ou de deux en deux ans. Vingt-quatre Beys furent établis,
en même tems. Leur charge confiftoic à gouverner les Provinces, où ils agiffoienc
auffi dcfpociqueinent, que le Bacha dans tout le Royaume. Ils étoient à la nomination
du Bacha, qui avoit droit de les rappeller, comme lui-même pouvoit l’être par
la Porte Occomannc. Un d'eux étoit obligé d’accompagner le Carats, ou T r ib u t,
du Royaume, que l’on envoie tous les ans à Conftantinople: un autre étoit tenu de
conduire le Caravane à la Mecque; & ceux, qui fe trouvoient hors d’emploi, devoienc
affifter, une fois par femaine, au Divan, ou Confeil du Bacha, afin d’y apprendre
0 ^ 2 les
Conquere de
l’Egypte, par
Sdim 1.
Form e de
G ouvernem
ent qu’il y
établit.
BACHA
d’Egypte.