douleurs et de tristesse; rebut de la
nature, il ne jouit d’aucun avantage
sans l’aeheter au prix de son repos, et
demeure en proie à tous les hasards
de la fortune. Quelle est sa force devant
celle du Lion, et la rapidité de sa
course auprès de celle du Cheval? A-
t-il le vol élevé de l’Oiseau, la nage
du Poisson, l’odorat du Chien, l’oeil
perçant de l’Aigle, et l’ouïe du Lièvre?
S’enorgueillira-t-il de sa taille auprès
de l’Eléphant, de sa dextérité devant
le Singe, de sa légèreté près du Chevreuil
? Chaque être a été doué de son
instinct, et là nature a pourvu aux besoins
de tous : elle a donné des serres
crochues, un bec acéré et des ailes
vigoureuses à l’Oiseau de proie : elle
arma le Quadrupède de dents et de
cornes menaçantes; elle protège la
lente Tortue d’un épais bouclier ;
1 Homme seul ne sait rien, ne peut
nen sans 1 éducation ; il lui faut enseigner
à vivre, à parler, à bien penser ;
il lui faut mille labeurs et mille peines
pour surmonter tous ses besoins. La
nature ne nous instruisit qu’à souffrir
la misere, et nos premières voix sont
des pleurs. Le voilà gissant à terre,
tout nu, pieds et poings liés, cet être
superbe, né pour commander à tous
les autres. Il gémit, on l’emmaillote,
on 1 enchaîne, on commence sa vie
par des supplices, pour le seul crime
d etre né. Les Animaux n’entrent point
dans leur carrière sous de si cruels
auspices; aucun d’eux n’a reçu une
existence aussi fragile que l’Homme;
aucun ne conserve un orgueil aussi
démesuré dans l’abjection; aucun n’a