reux repoussés de la société dès leur
enfance. Tout ce qu’on en raconte
fait moins connaître l’Homme dans
son état réputé primitif, que le penchant
qu ont la plupart des Hommes
civilisés à saisir les moindres occasions
d’occuper d’eux les trompettes de la
renommee. On représente ces prétendus
enfans de la Nature comme des
brutaux , à peine doués d’instinct,
privés de l’usage de la parole, ne poussant
que des cris inarticulés, sans
mémoire et ne pouvant jamais ou du
moins qu’imparfaitement apprendre à
parler. Leur découverte cause d’abord
une grande rumeur dans les gazettes,
ils finissent par mourir ignorés dans
quelque hôpital de fous. L’observation
de ce genre d’infirmes ne peut jeter la
moindre lumière sur l’origine de notre
espèce ; ce n’est point d’après ces excep -
tions qu’il faut étudier l Homme tel
qu’il dut être au premier temps de son
apparition sur la terre. Pour rechercher
l’histoire de son enfance sociale ,
nous tenterons une autre voie.
« Quand l’Homme le voudrait, dit
Cuvier % il ne pourrait marcher autrement
qu’il ne marche; son pied de
derrière court et presqu’inflexible , et
sa cuisse trop longue ramèneraient
son genou contre terre; ses épaules
écartées et ses bras jetés trop loin de
la ligne moyenne, soutiendraient mal
le poids de son corps, le muscle grand
dentelé qui, dans les quadrupèdes ,
suspend le tronc entre les omoplates
comme une sangle , est plus petit dans
l’Homme que dans aucun d’entr’eux ;
* Règne animal, t. I, p. 83.