
même jufqu’à cinq ou fix jours, à ce qu’on affùre j
pourvu que le vent foit au nord. Elles fe plaifent
dans l’eau douce, pure & claire ; aufli tes Pêcheurs
choififfent-ils pour les prendre , le temps ou les
rivières ont été troublées par les pluies, ou bien
ils troublent l’eau exprès ; de-là eft venu le proverbe
, pêcher en eau trouble, pour déligner ceux
qui s’enrichiffent en profitant des malheurs d’autrui,
des diffentions .& du défordre des familles.
Les Anguilles demandent encore une grande
quantité d’eau ; autrement elles meurent, comme
cela arrive à plufieurs autres poiffons. On prétend
qu’elles ne peuvent fupporter aucun changement
confidérable ; & que fi on les met en été dans une
eau plus chaude que celle ou elles étoient auparavant
, elles périffent fur le champ.
Il arrive quelquefois aux A n g u ille s . de quitter
leur élément ordinaire ; M. Mofely en a vu fe
traîner dans les prairies, comme autant de ferpents,
& palier d’un folle dans un autre. Il foupçonne
que ce n’étoit pas feulement 'pour changer de demeure
, mais aufli pour attraper les limaçons qui
étoient cachés dans l’herbe. En 112.5, il y eut
une fi forte gelée , que les Anguilles furent forcées
d’abandonner l’eau , & fe retirèrent dans les prairies
, où le froid les fit toutes périr.
Selon Albert le Grand , il n’y a point & A n guilles
dans le Danube, ni dans les autres rivières
qui s’y déchargent, & fi l’on y en met,- elles y
meurent. « L’Allemagne , dit Nauclerus, eft arro-
fée de tous côtés par différens fleuves , dont les
eaux entrent dans le Rhin ou dans le Danube , &
on a fait cette obfervation fingulière , que parmi
ces fleuves , qui ont, en plufieurs endroits , une
four ce commune , ceux qui fe déchargent dans le
Danube ne nourriffent point d’Anguilles , tandis
qu’on en trouve dans ceux dont les eaux vont fe
mêler avec celles du Rhin. »
On prétend que les orages caufent aux Anguilles
une violente agitation & une efpèce d’étouffement,
& qu’alors on les voit s’élever du fond de'l’eau à
la furface pour y refpirer. Elles cherchent leur vie
de préférence pendant la nuit, & fe tiennent profondément
cachées durant le jour.
L'Anguille a la vie fort dure ; fon corps écorché
<&. coupé par morceaux , remue & palpite pendant
un certain temps, mais fur-tout fon coeur. Ce
poifïbn v it, pour l’ordinaire , iept à huit ans.
Quant à la génération des A n g u ille s , c’eft une
queftion qui a fort exercé les Sçavans , & fur
laquelle les fentimens ont été partagés. Ariftote
[ D e H ift. animal. L . vi. c. 14. i d . l . iv. c. 11.)
affùre qu’il n’a trouvé dans les Anguilles qu’il a
diffequées, aucune des parties qui diftinguent les
fexes , d’où il conclut que ce poiffon ne peut fe
reproduire , ni par accouplement, ni par le moyen
des oeufs. Il penfe que Y Anguille naît du limon qui
a fermenté fur les bords des étangs & des rivières.
Ces conjectures ne coutoient rien dans un temps
où l’oo. étoit perfuadé que plufieurs efpèces.d’animaux
étoient le produit de la putréfaâion ; mais les
découvertes modernes ont fait voir que les A n guilles
avoient toutes les parties fexuellès comme
les autres poiffons , & que leur reproduction étoit
foumife aux mêmes loix ; cependant nous allons
rapporter différentes opinions à ce fujet.
On a cru que; lçs Anguilles naiffoient fur les
ouies du petit poiffon nommé Able. ou Ablette.
On a prétendu aufli que les Lamproies, les Morues,
les Eperlans , les Alofes & les Perches ,
étoient fujettes à produire de véritables Anguilles ?
&. à les nourrir fous la peau , dans les parties charnues
, pendant l’été , temps auquel on fait peu de
cas de ces poiffons. Mais des yeux plus attentifs
ou plus éclairés n’auraient vu fans doute dar.s
ces poiffons que des vers , qu’une apparence
trompeufe a fait prendre pour des Anguilles. G’eft
encore à la reffemblance qu’a ce poiffon avec
d’autres animaux, qu’il faut attribuer l’opinion
ridicule de certains Pêcheurs , qui affurent que les
Anguilles fraient avec des Serpens.
11 ne manquoit plus à toutes ces illufions
fur la production des A n g u illes , que celle d’un
homme qui s’imaginât en pouvoir produire a
volonté. Abraham Mylius nous en a donne la-
recette que voici : « Au mois de Mai, après une
rofée abondante, coupés avant le lever du Soleil *
deux gafons égaux que vous mettrez l’un fur l’autre
du côté de l’herbe, au bord d’un vivier expofé au
nord, où le Soleil darde fes rayons ; vous en
verrez pulluler au bout de quelques heures fin
effain de petites Anguilles. »
Nous avons une obfervation de Rondelet qui
mérite une toute autre attention. « J’ai Vu-, dit-il 5
des Anguilles qui s'unifiaient étroitement pour s’accoupler
, & je ne crois" pas que ces animaux foient
entièrement'dépourvus des organes néceffaîres à la
génération , puifqu’on trouve au bas du ventre la
vulve dans les femelles., &. la femence dans les.
mâles ; & fi l’on n’àpperçoit pas ces parties , c’eft
qu’elles font, âinfi que les oeufs, enveloppées de
beaucoup de graiffe. »
Après une obfervation qui paroîffoît fournir a
Rondelet une arme viftorieufe pour détruire les
anciens préjugés fur la naiffance des Anguilles , on
eft étonné de voir cet Auteur compofer , pour
ainfi dire g avec les partifans de. la génération fpon-*
tanée, &. ajouter que dans ce cas., il faudra diftin-
guer pour les Anguilles deux manières de fe reproduire
, l’une par l’accouplement x & L’autre par
la corruption.
Redi affùre que toutes les Anguilles de la rivière
d’Arno defcendent chaque année, au mois d’Août,
vers la mer pour y faire leurs petits , lefquels remontent
de la mer dans cette rivière jufqu’à.Pife g
régulièrement depuis le mois de Février jufqu’en
Avril. D’autres difent la même ehofe de toutes les
Anguilles en général ; mais ils ne nous apprennent
pas. comment fe fait leur génération* Willughby
& R a i a v o u e n t e u x -m êm e s q u ’ils n ’o n t là - d e ffu s
a u cu n e c e r titu d e .
Quoique ce point d’Hiftoire Naturelle ne foit
pas encore bien éclairci, cependant les plus fortes
raifons d’analogie nous portent a croire que la
reproduélion f e s Anguilles eft foumife aux-memes j
loix que celle des autres efpèces d’ani'maux. Mais ,
les Naturaliftes modernes , en demeurant d’accord j
furie fond de la queftion, font partagé? pour j
fçavoir fi Y Anguille eft ovipare ou ^vivipare ,
c’eft-à-dire , fi fes oeufs Portent avant d’être éclos , j
ou s’ils éclofent dans le fein même de l'Anguille ; ;
& s’ils en fortent tout formés , comme ceux -de la j
"Vipère. Ce dernier fentiment paroit prouve par j
une obfervation du Doéteur Elfner. (Ephem. d A l - J
lemagne., Décurie l r e , an. l re , p. 242. ) P raP_. j
porte que paffant un jour devanj une femme qui j
faifoit rôtir des Anguilles , il la vit tirer je ne fçais
quoi de gros du corps d’un de ces poiffons , & que
cette femmè , fur les queftions qu’il lui fit, l’affura
que c’étoit la matrice qui çontenoit plufieurs
petites Anguilles enveloppée? chacune dans leur
membrane , d’où cet Auteur conclut qu’il faut
mettre les Anguilles au nombre des animaux vivipares.
Cette obfervation, qui depuis a été confirmée
par plufieurs autres, a paru équivoque à Vallif-
nieri ; il foutient que tes prétendues Anguilles ne
font autre chofe que des -vermiffeaux, tels qu’il
s’en trouve dans le corps des animaux , & que
Y Anguille eft réellement ovipare. Cependant il
paffe aujourd’hui pour confiant quece poiffon eft
.vivipare comme la Vipere^
La chair de Y Anguille eft molle , tendre , nour-
riffante &. d’un goût agréable ; mais elle contient
beaucoup de parties vifqueufes & groflières qui la
rendent très-difficile à digérer, &. qui doivent la
faire rejetter fur-tout par ceux qui ont l’eftomach
foible &. délicat. Aufli n’y a-t-il pas de poiffon qui
ait autant befoin d’être corrigé par l’affâifonne-
ment que celui-ci. On fale quelquefois les A n guilles
pour les garder 3 & celles-ci ne font pas
fi nuifibles à la fanté, parce qu’une partie de leur
phlegme eft diflipée , &. que le fel a atténué &
•détruit l’autre.
A n g u i l l e d e m e r . Voyeç C o n g r e .
A n g u i l l e é l e c t r i q u e (T). Efpèce de Gymnote.
Gymnotus eleElricus. L i n . Syjl. nat. Pifces apodes
Gymnotus. n°. 2.
Gymnotus nudus , dorfo dpterygio, pinnâ caudali
obtufijjimâ 3 anali annexa, ibid.
Gymnotus caudâ truncatâ , maxillâ inferiore
longiore. GRONOV. Zoopk. n°. 169/ tab. 8.
%. ».
Gymnotus. M u s s c h e n b r . lntrod. t. 1. p. 2 9 0 .
Toorpedo by de Engelfen Numeel. Defcrip. Z u -
rinam. L e e u w a r d , 1 7 1 8 . in-4 0 . p i 1 9 4 .
S ïd d e r v i s . A l l A M a n d , i n A U . Harlem, v o l . 2 . p .
372. 37%
j B e e f A al. Gronov. in Vigtge{. Verhand. vol.
j 3. p. 468. tab. 26. fig. 8. ..
Gymnotus nïgricans , capite plagioplateo , cauda
curtà, obtufâ 3 virtute torpédo. Seb. Thef. vol. 3.
p. 108. 7i°. 6. tab.^ 34. fig. 6. pejjjma.
Poiffon Trembleur ou Torpille. Gumilla.
Defcript. de l’Orenoque. tom. 3. p. 136. '
Meer-Ael , id eft , Anguilla marina Nieuhojji.
Rai. Synops. pîfc. p. 149. n°. 4.
Aft. Helv. 4. p. 2.7, tab. 3. fig. 1, 2, 3.
Le phénomène d’un poiffon, qui, par le feul
contaél , imprime une fecouffe &. une agitation
intérieure à l’homme , ou à tout animal qui 1 approche,
a été regardé pendant long-temps comme
un fait unique, dont il n’y avoit d’exemple que par.
rapport à la Torpille. On a trouve depuis d autres
poiffons, tels que l’Anguille de Surinam dont il
s’agitici , qui étoient doués de la même propriété ,
& les découvertes en ce genre ont eu le meme
fort que d’autres découvertes analogues faites dans
le règne minéral, ou la propriété de s eleélrifer
par la feule chaleur , reconnue d’abord uniquement
dans la tourmaline , l’a été depuis dans plufieurs
fchorls , dans la topaze du Bréfil, & jufques dans
les calamines cryftallifées qui appartiennent aux
fubftances métalliques. On fçait quece neft que
dans ce fiècle qu’on eft parvenu à expliquer ces-
différens faits d’une manière fatisfaifante, a 1 aide
de-la théorie de l’éleâricité conçue de développée
par le célèbre Franklin. ( Voye£ T o r e i l l e . }
L’Anguille éleêlrique eft d’une forme très-différente
de celle de la Torpille , qui eft un poiffon
plat du genre des Raies. Elle a le corps arrondi 9
très-alongé, à-peu-près femblable a celui de 1 Anguille
ordinaire. Sa furface eft muqueufe', liffe fur
le dos, & fillonnée par des rides fur les côtés.
La tête eft courte , un peu plus large que le corpsg
plate en deffus , inclinée par fa partie intérieure ,
convexe & un peu faillante fur les cotés , légèrement
bombée au milieu de l’efpaèe qui eft entre les
angles de la gueule Sc les ouvertures des ouies
d’une forme approchante du cylindre dans fa partie
inférieure, du refte nue & dépourvue d’écailles.
L’ouverture de la gueule eft ample, & fituée
tranfverfalement à Fextrêmité antérieure de la
tête. Les lèvres font molles , épaiffes , charnues
& recouvrent les dents. Les mâchoires dont
l’inférieure dépaffe celle de deffus , font courbées
en forme d’arc. Les dents font nombreufes, petites,
aiguës, difpofées comme par pelotons fur
les bords intérieurs des mâchoires. La langue eft
large, arrondie à fon fommet, graffe & charnue ,
liffe , attachée d'un bout à l’autre par deffous , à
la partie fur laquelle elle repofe.
Les narines, fîtuéès vers le bord de la partie
antérieure de la mâchoire de deffus , font: percées
chacune de deux trous voifins l’un de l’autre,
dont Fan-teneur eft couvert par une efpèce de
valvule qui a la forme d’un mammelôn ; l’autre
eft fimple eft d’une figure circulaire^