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eîl devenue trop , nombreufe dans la première
ruphe. - . : , , •>
Le Hareng eft du nombre des poiffons dont les
écailles luifent dans les ténèbres. Ozanam rapporte ,
( Traité des P hofphor es naturels, L. i.c. 11.) qu’une
perfonne étant entrée pendant la nuit dans une cui-
iine, fut très-effrayée à la vue d’une lumière 'aflez
éclatante qui brilloit derrière la porte, 8c que, le
fçiit ayant pté examiné, on trouva que c’étoit des
ouies de Harengs frais qui répandoient une lueur
phofphorique au milieu de Toblcurité.
• La pêche des Harengs occupe les jdoliandoi;s , j
lès Anglois 8c les François. Les, premiers, ainfi
que quelques Anglois 8c pluiieurs François , vont
au-devant de ces poiffons jufqu’aux îles Orçades ,
& à la hauteur d’Hitland. La plupart des Anglois ,
& plufieurs Pêcheurs des deux autres nations ;,
attendent qu’ils foientparvenus aux .cotes du. Nord
de, l’Angleterre ; les Pêqfieurs hauts Normands font
principalement cette pêche, dans la Man dm enfin,
les Bretons prennent les Harengs fur les cotes de
leur province. On penfe aflei généralement que
ce font les Hollandois qui ont commencé à faire
des pêches eonfidérables.de Harengs. Quelques-uns
cependant prétendent qu’ils ont été prévenus par
les Bafques, dé . d’autres par les Dieppois..
I^es filets dont on Je , fert pour la pêche des
Harengs dans la Manche * fontdes. Manets, qu’on
nomme en quelques endroits Warnettes pu Mar-
fpiques. Les mailles de ces "filets n’ont guères qu’un
pouce d’ouverture ên quarré. On affemble plufieurs
pièces de fil et .que .l’on coud les unes au bout des
autres , pour former la tellure entière, Comme le
Hareng' s’enmaille d’autant plus Facilement, que
le filet eft tendu moins roide , on ne le lefte point
parle pied, 8c l’on donneù la corde qui en borde;
la tête, 8C qui eft attachée de fept en fept mailles ,
moins de longueur que n’en a la teffurç, enforte
que fi chaque pièce de filet a quinze ou dix-huit
brades , la corde dont elle eft bordée n’en aura,
que neuf ou dix. De cette manière, le filet refte,
toujours un peu pliffé fur la corde , & flotte en
qHjlque façon, ce qui fait que le poiffon s’engage
mieux dans les maille?. La même corde porte des .
flottes de liège , dont les morceaux ont environ,
deux pouces en quarré, & comme le liege ne fuffi-
roit pas pour empêcher le filet d’aller au fonds de
l’eau , fur-tout quand il eft chargé de poiffon , on
ajoute de diftance en diftance des barils vuides ;
ces barils font attachés à des cordes verticales , ap-
peilées Bandïngues, dont les extrémités inférieures,
tiennent à une corde fituée, tranfverial.ement, 6c
qu’on nomme halin. Il faut que le halin..foit plus
long que la tefTure , enforte qu’il y ait une certaine
diftance entre celle-ci 8c le bateau dans lequel on
retient un bout du haiin. Toute la tefTure eft Tuf-
pendue au halin par d’autres cordes verticales attachées
à l’un 8ç à l’autre, d’efpace en efpace ,. par
leurs extrémités. De plus , on amarre a celui dès
fcouts du halin, qui doit reflet à la mer^ un baril
de forme conique, que l’on nomme de bout, ôt
qui fert de bouée ou de lignai pour reconnoître
la polition du filet. (Jfoyeç ce qui a. été dit lur les
manets, à l’article P ê c h e dans TIntrodu&ion ).
D’après ce qui précède, on conçoit que non-
feulement la tefTure, mais les flottes de liège ,
le halin & les bandïngues , font plongés dans l’eau $
, lorTque le filet eft tendu ; les barils lèuls furnagent
Ôc foutiennerit la tefTure , dont l’effort, pour tomber
au fond , eft déjà balancé en partie par la
I légèreté des flottes.
C’eft vers la fin de Septembre , ou dans les
premiers jours d’OCiobte, que les Harengs commencent
à entrer dans Ja Manche, & la pêche s’en
continue jufqu’à la fin de Décembre , ou même
plus tard. Les Pêcheurs le rendent au lieu de la
pêche avec des bateaux à la rame -, & plus fouvent
encore à la voile. Ils mettent leur teflure à l’eau ,
ne retenant dans le bateau qu’un bout du halin,
% ji§ laifîent enfuite dériver le bateau conjointement
avec le filet.
Cette pêche ne le fait que la nuit , 8c les Pêcheurs
font obligés, pour éviter les abordages ,
d’avoir un ou deux fanaux allumés 8c un peu élevés
au-deflus du pont ; cette lumière a de plus l’avantage
d’attirer le poiflbn , & c’eft pour cette raifon
que les grandes lumières qui viennent de terre ,
font contraires à la pêche. On met ordinairement
le filet à l’eau vers les huit, heures du foir , 8c
on le retire lorfqu’on juge qu’il s’y eft pris un
nombre fuffifant de poiffons.
Pour relever le filet, on fe fert ordinairement
d’un cabeftan , & il y a des matelots qui détachent
les bandïngues du halin, à mefure qu’elles paroif-
fç,nt, 8c les mettent à bord, ainfi que les barils.
En même-temps, deux matelots faififlent la teflure,
l’un parla ficelle des lièges, & l’autre par le pied
du filet, qu’ils tirent à bord, 8c qu’ils embarquent
par le milieu du bateau , tandis que d’autres matelots
, placés derrière eux, les aident à hâler le
filet.
Cependant une partie des matelots, à mefure
qu’on retire, le filet ,/ démaillent les Harengs qui
y (ont engagés ; mais, comme en le fecouant fur
le pont, on fait tomber tous les poiffons qui ne
font pas bien emmaillés , il en rentreroit dans la
mer un certain nombre qui feroient perdus, s’il n’y
avoit un homme qui préfentât fous le filet un manet
pour les recevoir , 8c il arrive quelquefois qu’il
en prend, dans une feule marée, de quoi remplir
un . ou deux barrils. _ . ,
H y a des çirconflances qui fervent d’indices
aux matelots pour juger que la pêche fera abondante
; ainfi ils en augurent favorablement, ïorf-
qü’aprèfs ;une agitation de la mer , il fur.vient un
calme accompagné de brouillard ou de brume ,
lorTque les vents foufflent de la partie d’où viennent
les Harengs, qui alors fe rendent plus promptement,
6c en plus grand nombre fur nos côtes , lôrfqu’il fe
' raffembîe dans un même endroit beaucoup d’oifeaux
marins
fnarins , avides de la chair des poiffons , tels que
les Gros-gris j les Margattes, les Goeflans les
Poules de mer, &e. ou lorfqu’on voit paroitre de
petits Chiens de mer & autres poiffons voraces qui
luivent les bancs de Harengs pour s’en nourrir.
Les eaux troubles , entre les bas-fonds, font
encore un préfage favorable , ainfi que certaines
taches d’une matière onéfueufe , qu on nomme
graijjin, 8c qui flotte fur l’eau comme de 1 huile ,
au-deffus des endroits oii il y a beaucoup de
Harengs.
Çpmme la pêche de ces poiffons fe fait de nuit,
on en apperçoit ies bancs ou bouillons, lorfqu ils
font près de la furface de l’eau , a un certain éclat
.qui fort de la mer. Car on fçait qu’aux endroits où
cet élément eft agité, fa furface répand une lumière
phofphorefcente, qui a donné lieu à diverfes conjectures
de la part des Phyficiens,mais dont la caufe i
n’eft pàs encore bien connue.
La pêche du Hareng en Bretagne, ainfi que celle
qui fe fait à Ÿarmouth, au nord de l’Angleterre,
6c dans les autres mers , différé peu , quant au
fond, de. celle qui vient d’être décrite. Ce font J
prefque toujours des filets en nappes Ôc dérivants
que Ton employé à cette pêche , quife fait feulement
à. des époques différentes, fuivant que les
bancs de Harengs arrivent plutôt ou plus tard dans
les divers endroits où les Pêcheurs fe font rendus. ^
En Bretagne, lorfque le temps permet aux bateaux
de fe rifquer un peu au large, ils prennent des Harengs
même à la ligne. On en pêche aufli en Norvège,
avec deshaims qu’on attache au nombre, de
trois ou quatre au bout d’une même ligne. Enfin
on prend accidentellement des Harengs dans lès
étentes, ies parcs & autres filets en enceinte tendus
à là baffe mer.
Nous terminerons cet article par quelques details
fur les préparations que Ton fait fubir au
Hareng, pour le mettre en état d’etre tranfporte
au loin, 6c de fe conferver. Ces préparations fe
réduifent en général à deux, dont Tune confifte
»faler le poiffon, ôc l’autre à l’enfumer.
On attribue affez généralement l’invention de la
falaifon du Hareng au nommé Guillaume Beuke-
lings, né dans la Flandre Hollandoife. On dit quil
mourut en 1397, 6c Ton prétend que 1 Empereur
Char lès- Quint, dans un voyage qu’il fit aux Pays-
Bas, alla avec la Reine de Hongrie vifiter le tombeau
de Beukelings , comme pour rendre hommage
à la mémoire d’un homme qui avoit mieux
fervi fa patrie, en lui procurant une branche de
commerce aufliféconde , que n’auroit fait un grand
Capitaine par des conquêtes eonfidérables.
On appelle Harengs braillés ceux qu’on a Taies
groffièrement, foit pour qu’ils fe confervent pendant
quelques jours , jufqu’à ce qu’on en faffe le
débit, foit pour les préparer à une fécondé opéra-,
tion qui confiftera à les faler entièrement ouw à les
faurir -, c’eft-à-dire, à les enfumer, comme nous le
dirons bientôt. Quant aux Harengs que Ton nomme |
Hijloire Naturelle. Tome 111.
frais 3’ tout Te monde fçait que ce-font ceux qui
n’ont paffé par aucune préparation , 6c que les
chaffes-marée tranfportent fur-le-champ aux endroits
où doit s’en faire la confommation.
Il eft avantageux que les Harengs braillés qu’on
livre aux faleurs ayent été auparavant habillés,
c'eft-à-dire , qu’on leur ait ôté les ouies, autrement
ils font très - inférieurs à ceux qui ont été
Talés, lorfqu’ils étoient encore frais.
Avant de faler les Harengs, on les caque, c eft-
à-dire , qu’on leur arrache les opercules des ouies ,
s’ils n’ont été enlevés d’avance , 6c avec eux l’efto-
mac ÔC Tinteftin qui répond à Tanus , en forte qu’il
ne refte dans le corps que les oeufs & la laite. O11
charge de cette opération des femmes que 1 on^
nomme caqueufes.
Les Harengs br aillés caques font mis dans des
tonnes ou de grands barils , avec une certaine
quantité- de Tel; on les y arrange groflîèrement
fans les fouler, ôc on les laiffe s’afraiffer deux-
mêmes dans ces barils, pendant quelques heures. .
Enfuite les Tonneliers mettent les fonds aux barils
; ce font ces Harengs que l’on appelle Harengs
falés en vrak.
On les laiffe ainfi enfermés pendant quinze
jours ou trois femaines , pour leur donner le temps
de prendre le fél 6c de s’en pénétrer. Les Harengs ,
à mefure qu’ils s’affaiffent, rendent leur eau; il
s’en forme une faumure qui fumage le poiffon ,
6c que Ton empêche de couler ; fans cette précaution
, le poiffon qui refteroit à fec fe gâteroit.
Après qu’on a tiré les Harengs des tonnes en
vrak, on les paque en baril. Des femmes com-
mifes pour cet effet, après avoir lavé les Harengs
dans leur faumure, 8c les avoir laifles s’égouter dans
des corbeilles à claire-voie, les prennent un à
un pour les arranger par lits, Ou. les paquer
dans différens barils; elles; les preffent le plus,
qu’elles peuvent les uns contre les autres?, obfer-
vant toujours de leur mettre le. ventre en-haut.
On les foule enfuite, à l’aide d’un faux fonds,
que Ton fait entrer dans Touverture fupérieure
du baril ; pour cela on monte fur le faux fonds,
6c Ton fait un ou plufieurs fauts , fuivant que les'
Harengs ont été plus ou moins ferrés par les
paqueufes. Si Ton ,§ft obligé de fauter plufieurs
fois, on met de nouveaux lits de Harengs, à
mefure. que les premiers s’enfoncent. Enfin les
Tonneliers relient en plein les barils , 6c les
ferment exactement, de manière qu’ils font en
état d’être tranfportés. Ces barrils portent le
nom de caques. Les Harengs, après cette prépa.- -
ration, prënnent le nom de Harengs falés ou préparés
en blanc.
Il nous-refte à, parler des Harengs qui ont été
expofés à la fumée , 6c qu’on appelle Harengs fors ,
faurs , forets ou foris. Ce furent des Normands des
environs de Dieppe qui imaginèrent, il y a plu-
fxeürs fiëcles, cette préparation. Il y a encore aujourd’hui
des defeendansde ces premiers fauriffeürs