
du defTous du corps, depuis le bout de la
lèvre fupérieure jufqu’à la nageoire de la
queue ; 30. les nageoires; 40. les téguments
& les couleurs.
On diroit donc : la carpe devient fort
grande ; on prétend qu’il y en a de plus de
quatre pieds de longueur. Les Carpes les
plus communes dans les marchés de Paris
n’ont que dix à douze pouces depuis le
bout du mùfeau jufqu’à l’extrémité de la
nageoire de la queue ; elles pèfent près
d’une livre. La plus grande hauteur du
corps, prife en-devant de la nageoire du
dos, eft le quart de la longueur totale du
Poiffon. Les longueurs de la tê te , de la
queiie & de’ la nageoire de la queue font
égalés entr’èlles, & font chacune le tiers
de la longueur de la Carpe, mefurée entre
tête & queue, e’eft-à-dire depuis le derrière
de la tête jufqu’à l’origine de la nageoire
de la queue. Il y avoit dix pouces de longueur
entre oeil & fourche , c’eft-à-dire
l ’angle que forme la bifurcation de la
queue, fur une Carpe qui pefoit une livre
cinq onces êc demie, & qui avoit un pied
huit lignés de longueur depuis le bout du
mufeau jufqu’à l’extrémité de la nageoire
de la queue.
J’ai trouvé les mêmes proportions fur
une Carpe qui avoit un pied & demi de
longueur depuis le bout du mufeau jufqu’à
' l’extrémité de la nageoire de la queue, &
qui pefoit quatre livres trois onces.
La plus grande convexité de la partie
fupérieure de la Carpe s’étend depuis le
bout du mufeau , qui eft obtus, jufqu’à
la nageoire du dos; le refte de la partie
fupérieure, jufqu’à l’origine de la queue,
qui eft fourch ue , & la partie inférieure,
depuis le bout du mufeau jufqu’à l’anus ,
ne font que peu convexes ; le refte de la
partie inférieure, jufqu’à l’origine de la
queue, eft un peu concave.
Les nageoires font de médiocre grandeur,
excepté celle du dos, qui eft fort étendue
de devant en arrière.
, Tout le corps e ft écailleux, à l’exception
de la tête. Les écailles font fort grandes,
excepté fous là poitrine, fous le ventre &
la queue 5 elles ont des reflets dorés fur un
fond brun âu-deffus du corps, jaunâtre atl
milieu ôt jaune en deffous. La tete a les
mêmes couleurs fans reflets dorés.
Par cét expofé de la grandeur, de la
figure êc des couleurs de la Carpe, on peut
avoir une idée allez jufte de ce Poiffon ,
le diftinguer parmi les autres, & lé re-
cOnnoître lorfqu’ôn le verra feul. Cette
exquiffe fuffira pour les gens qui ne veulent
avoir qu’une connoiffance fuperficielle des
parties extérieures de la Carpe : on les
priverait de cette connoiffance , en leur
donnant la defcription qu’Artedi a faite de
ce Poiffon ; ils cherchetoient en vain la
figure entière de la Carpe au milieu de fes
différentes parties ; ils ne la trouveroient
jamais. -
On connoît une Carpe dès qu’on la
voit ; fes dimenfions, fa figure extérieure,
fes couleurs font donc un bon caractère
di il in ét i f : certainement il eft infaillible
pour- les gens qui ont cette figure affez
préfente à l’efprit pour la reconnoître
auffi-tôt qu’ils l’apperçoivent. Il en eft de
même de tous les objets qui nous font
familiers ; nous fçavons les connoître ;
mais nous ne pouvons pas tranfmettre
cette connoiffance ; il faut l’acquérir foi-
même, excepté dans des cas particuliers,
oii les objets ont des fingularités remarquables
, que l’on peut retenir aifément ;
encore on peut s’y tromper, s’il y a d’autres
objets qui aient les mêmes fingularités.
Pour avoir la preuve de la certitude d’un
caraftère diftinftif, il faut nécelfairement
employer l’art des diftributions méthodiques.
Lorfqu’on voudra connoître une Carpe ,
fuivant les règles de cet a rt, il ne faudra
pas chercher les vrais caractères diftinftifs
de ce Poiffon dans la defcription qu’Artedi
en a faite; quoiqu’ils s’y trouvent, il ne
feroit pas poflible de les y démêler. Je
fuppofe que tous les caraftères de la conformation
extérieure de la Carpe & de fes
couleurs foient compris dans les dix-huit
articles de cette defcription ; il faudroit les
comparer avec les caraftères de tous les
autres Poiffons connus, pour avoir les
caraftères diftinftifs de la Carpe ; on feroit
obligé de faire Une diftribution méthodique
des Poiffons pour connoître une
Carpe. Il ne faut donc pas confulter la
defcription qu’Artedi a faite de ce Poiffon,
mais la méthode qu’il a donnée pour diftinguer
les Poiffons, ou celle d’un autre
Auteur.
Lorfqu’on fait la defcription d’un Poiffon,
il faut,-après avoir défigné fa figure &C fes
couleurs, rapporter fes caraftères diftinftifs.
Suivant la méthode de Linnæus , la Carpe
eft.de la claffe des Poiffons abdominaux,
parce que c’eft un Poiffon épineux qui a
des nageoires inférieures fur le ventre. La
Carpe appartient au genre des Cyprins |
parce que fes mâchoires n’ont point de
dents, ôc qu’il fe trouve trois rayons à la
membrane des ouies. Enfin, les caraftères
fpécifiques de la Carpe confiftent en ce
qu’il y a quatre barbillons à la mâchoire
de deffus, & neuf rayons dans la nageoire
de l’anus.
Les Auteurs les plus modernes fe font
imaginé que les deferiptions dévoient toujours
être très-courtes ; ils ont eu en vue
d’expofer beaucoup de chofes en peu de
mots. Ce projet auroit été très-bon, s’ils
avoient pu l’exécuter fans mettre autant
d’obfcurité que de brièveté dans les deferiptions.
Le moyen qu’ils ont employé ne
pouvoit pas réuflir ; ils ont affemblé deux
ou trois termes qui avoient des lignifications
différentes , & n’en ont fait qu’un
feiil mot ; par exemple, foramen oblongo-
rotundum, radius pinnee truncaio-obtufus. Il
ne fe peut pas qu’un orifice oblong foit
rond ; mais cet orifice peut être arrondi :
dans ce cas, il approcherait de l’ovale plus
ou moins régulier. Quoi qu’il en fo it, le mot
cblongo-rotundus ne donne aucune idée nette.
La lignification du mot truncato-obtufus
n’eft pas plus claire : ce qui eft tronqué
ne peut être pointu ; donc il eft obtus ; par
confequent le mot truncato-obtufus eft une
forte de pléonafme. Une defcription qui
auroit été abrégée par dps exprefiions aufîi
inutiles , aufîi équivoques & auffi obfcures ,
feroit fans doute une mauvaife defcription.
Je vais en donner un exemple, en raffem-
blaçt plufieurs éxprefllons tirées du livre [
de M. Pallas, intitulé Spectlegia Zoologica
fafe. V II & V I I I , pour faire une defcription
fiftive.
Cap ut cathttoplateum , microlepidotum, pla-
nilatemm, vertex inter oculos canaliculatus,
fundo canaliculi uniporcato.
RoJSrum ftbanguleuum fupra os tritubercu-
lofum, alepidotum, ponferum , fubappendl-
culatum, triincato-oblufum.
Oculi infidentes cranii gemino procejfui
offeo-infundibuliformi.
Crijla inter oculos femilanceolato-longitu-
dinalis.
Opercula branchiarum unifpinofa : foramen
branchiale oblongo - rotundum : membrantc
branchiales fexradiatce pediculum gulce ami-
calantes.
Radil pinnee dorfi triqitetro-fibulati.
Pinnee ventrales fubuniradiatee triangulari-
acutee.
Corpus microlepidotum, ovato-lanceolatum
convexo-tetraedrum , triquetro-carinatum.
Color argenteo - inauratus , rivulus fufetts
obliquas à pinna dorfi priore ad pecloralem ,
pone ijlum rivulus utrinque bicruris.
Telles font les exprefîions que j’ai tirées
des Ouvrages de M. Pallas , pour faire la
defcription d’un Poiffon imaginaire. On
doit regretter que des obfervations bien
faites n’aient pas été énoncées en des termes
plus intelligibles. Il eft fâcheux qu’il fe foit
introduit dans l’Hiftoire Naturelle un ufage
fi contraire à la clarté que doivent avoir
les deferiptions, & à la pureté de la Langue
Latine.
J’ai fuivi le fyftême de Linnæus, pour
diftribuer les genres de chaque claffe & les
efpèces de chacun des genres. Je n’ai pas
changé les dénominations des genres & des
efpèces autant que je l’aurois defiré , pour
les rendre plus inftruftives, parce que je
penfe qu’il ne faut changer les noms des
objets de l ’Hiftoire Naturelle que dans une
né.cefîité abfolue ; mais je voudrois que
chaque nom indiquât une qualité ou une
propriété de la chofe dénommée, afin que
la lignification du nom d’un Poiffon en
donnât déjà quelque connoiffance. A infi,
en prononçant le nom du Poiffon, on fe
formerait quel^i’idée de l’animal ; en