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D uh. Traité des Pêches , 2e part. fe£t. 2, chap, I.
p l . 1. fig . 1,
En Suède, Lax ; en Allemagne , Lochs ; en
Angleterre -, Salmon.
Le Saumon paroît avoir été inconnu aux anciens
Grecs, ce qui venoit fans doute de ce que ces
peuples n’avoient point pénétré dans l’Océan, où
ce poiffon fait fa demeure ordinaire, au-lièu
■qu’on le rencontre très-rarement dans la Mediterranée.
Mais il étoitfort recherché par les Latins,
comme il paroît fur-tout par un paffage d’Aufone,
où ce Poète, après "avoir décrit l’agilite avec laquelle
il remonte du fond de l’eau à la furface,
parle de la propriété qu’il a de fe conferver frais
pendant long-temps, & de la bonté de fa chair ,
qui le rend digne d’être fervi dans ces repas ou
la délieatefle des mets laiffe lçs convives indécis
fur le choix , ( dubicefàtiurus fercula menfoe ). On
fçait que ce poiffon fe porte avec une forte d’em-
preffement à paffer de la mer dans les fleuves
dont il remonte le cours. L’accroiffement confi-
dérable auquel il parvient multiplie les reffaurces
que nous en retirons, & nous avons trouvé l’art
de les prolonger, par les différentes préparations
que nous lui faifons fubir, pour le garantir de la I
corruption.
Ce poiffon, fuivant Artedi, a la tête petite à J
proportion du volume de fon corps, ôc d’une 1
forme qui imite celle d’un cône, fur-tout lorfque j
la gueule eft fermée. Dans le même, cas, le mu-
feau eft plus avancé que la mâchoire inférieure.
Les narines font fituées plus près des yeux que
du mufeau» ôc percées de part & d’autre d’une
dopble. ouverture. Les yeux, dont- la pofition eft
fur les côtés de la tête, font ronds, & ont leurs
iris-d’une-couleur argentée , avec une nuance de
verdâtre ; leurs prunelles font noirâtres, & d’une
forme arrondie poftérieurement, & terminée en
angle un peu aigu à leur partie antérieure.
Les opercules des ouies ont auffi un éclat
argentin , & font formés de quatre lames offeufes ,
ôc de douze offelets un peu larges & légèrement
courbes , unis entr’eux par une membrane. Les
ouies, au nombre de quatre de chaque côté, ont
chacune, à leur concavité , une double rangée de
tubercules femblables à des dents, & un peu rudes
au toucher ; ceux de la rangée intérieure font les
plus courts, fur-tout dans la plus grande des ouies,
où ceux qui compofent la rangée extérieure font
en-même temps très-longs Ôç très - aigus. Tous les
offelets qui bordent la convexité des mêmes parties
font doubles. Les opercules font marqués de taches
noires, d’une figure arrondie , mais irrégulière. On
voit de pareilles taches en - deffus ôc un peu au-
deffous des lignes latérales. Ces lignes font droites,
ôc plus voifines du dos que du ventre.
Les mâchoires font garnies chacune d’une feule
rangée de dents aiguës, en plus grand nombre dans
la mâchoire d’en-haut que dans l’inferieure. Entre
ces dents il y en a quelques-unes .plus petites ôc
mobiles. Sur les côtés du palais font, de part &
d’autre, deux nouvelles rangées de fortes dents,
difpofées longitudinalement , entre lefquelles. il y
en a quelques-unes d’une moindre groffeur, fituées
vers la partie antérieure. Tout le milieu du palais
eft lifte ; mais à l’entrée de la gorge , vers les parties
fupérieure ôc inférieure de la plus petite des
ouies, on apperçoit encore quelques dents aiguës
recourbées en-dedans.
La première nageoire du dos „a quinze rayons,
dont les trois premiers font courts ' ôc fimples ,
les autres rameux,. le quatrième ôc le cinquième
très - longs , ôc les deux derniers placés très - près
l’un de l’autre. La fécondé nageoire du dos eft
épaiffe, d’une couleur noire , d’une confiftance
membraneufè , & dépourvue de rayons.
Les nageoires de la poitrine font noirâtres à
leur extrémité , & garnies chacune de quatorze
rayons, dont le premier, eft très- long & fimple,
les fuivants font rameux, ÔC le dernier, eft très?
court.
Les nageoires du ventre font d’une couleur blanchâtre
, avec des teintes de noirâtre vers leur
fommet ; elles ont chacune neuf ou dix-rayons,
dont le premier & le fécond font très-longs, ôc.
les fuivants d’une forte confiftance , ÔC très rameux
à leur extrémité , excepté le dernier qui eft fimple
■ & fort court. Près de la partie fupérieure de cha-
; cune des mêmes nageoires, on voit une grande
apophyfe écailleufe.
La nageoire de l’anus eft blanche & un peu
épaiffe ; elle a douze ou treize rayons , dont les
trois premiers font courts & fans divifion, le quatrième
& le cinquième très-longs.& rameux à leur
extrémité, ainfi que les fuivants. La nageoire de la
queue eft noirâtre, légèrement échancrée ; elle a
dix-neuf rayons, fans compter d’autres rayons plus,
courts,fitues fur les côtés.
La peau du Saumon, félon Willugbby, eft u-n
peu épaiffe. La chair eft rougeâtre à l’intérieur , ÔC
garnie de graiffe par intervalles. Les nageoires font
pareillement épaiffes & vifqueufes. Le même Autour
penfe que le nom de S aima 3 que l’on a donné
à ce poiffon , vient du mot f a l 3 parce qu’on lui
fait fubir l’opération de la falaifon, pour le conferver,
à moins qu’on ne faffe dériver le même
nom- de falire ( fauter ), à caufe de l’agilité avec
laquelle le Saumon bondit dans l’Océan.
On a prétendu que les Sàumons parvenoient, en
très-peu de temps, à leur entier développement.
Mais Willugbby affure que les Pêcheurs Anglois
fçavent obferyer, d’une année à l’autre, les progrès
de ce développement, qu’ils défignent par
l’âge du poiffon, ôc que les Saumons n’arrivent
que la fixiènre année- au dernier terme de leur
accroiffement.
On prend des Saumons qui égalent les Morues
1 en groffeur. Bellon dit qu’il s’en trouve qui ont
i trois coudées en longueur, ôc qui font auffi gros
que. la cuiffe* Mais il eft rare d’en prendre de ce
J à l’extrémité de leur mâchoire inférieure, un caru-
a îage qui les incommode beaucoup, au point que 9
j ne pouvant prefque plus prendre de nourriture ?
ils deviennent maigres ôc languiffants ; mais qu’à
leur retour à la mer , le cartilage tombe , ôc le
poiffon reprend fon embonpoint. Mais on a des
obfervations qui prouvent qu’il y a des Bècards
mâles ôc femelles, qui ont fait dans les eaux douces
un féjour trop court, pour qu’il ait pu influer
d’une manière auffi fenfible fur la conformation
de leurs mâchoires.
volume , & Fon peut dire en général que la taille
moyenne de ce poiffon eft entre deux pieds ôc deux
pieds ôc demi de longueur totale.
Quelques Auteurs donnent différents noms aux
Saumons3 fuivant leur groffeur; on nomme les
plus petits Digitales, ôc ceux qui ont pris tout leur
accroiffement Salmones. Entre ces deux termes,
©a diftingue deux variétés intermédiaires, dont
on appelle la plus petite Salure , ôc l’autre Farione.
Dans le commerce, on admet trois elpèces de
Saumon, fçavoir les Saumons proprement dits, ou
oeeux qui font pat venus à leur groffeur ; les Grils 3
Tocans ou Saumoneaux, qui font les plus jeunes, ou
du moins qui ont un volume peu confidérable,
de quelque caufe que provienne leur petiteffe, ôc j
enfin les Bècards, qui ont la mâchoire d’en - bas
d’une forme particulière. C’eft fur quoi il eft né-
ceffaire d’entrer dans un certain détail.
Dans les Saumons qu’on nomme Bècardsji la
mâchoire inférieure, au-lieu d’être à-peu-près
droite, fe recourbe vers le haut , de forte que fon
extrémité entre dans une cavité qui fe forme a la
mâchoire fupérieure. On prétend que les Bècards
ont les écailles plus brunes & moins brillantes
que les autres Saumons, Ôc que les. autres taches
font brunes ôc peu . diftinftes. D’autres difent au
contraire que ces taches fönt plus vives Ôc plus
variées fur les Bècards. On ajoute que leur tête
eft plus groffe proportionnellement au volume
du corps, qui eft plat, menu Ôc alongé ; que la
nageoire de la queue eft auffi plus longue ôc plus
profondément échancrée , qu’enfin leur chair eft
d’un rouge plus pâle ôc a peu de délieatefle. Il
paroît cependant certain qu’il y a des Bècards
très-gros ÔC d’un goût très-délicat. Tels font ceux
que l’on prend dans laSemoy, auprès de l’abbaye
de,1a Val-Dieu, aux environs deCharleville.
Cette conformation particulière de la mâchoire
de certains Saumons s a fait donner a ce poiffon,
par quelques Auteurs , ôc en particulier par Caf-
£10 dore , le nom d'Anchorago , parce qu’on a
' comparé 1 efpèce de crochet que forme alors
cette mâchoire, à celui d’un ancre de navire.
Les fentiments font fort partagés fur la caufe de
la difformité dont il s’agit. Johnfon penfoit que
c’étoit un accident- naturel, qui furvenoit aux
mâles dans le temps du frai, ôc qui étoit une
efpèce d’arme dont ils fe fervoient pour défendre
leurs oeufs contre les poiffons voraces. D’autres
foupçonnent, au contraire, que ce font les femelles
qui contra&ent cette difformité , en heurtant leur
mufeau contre les cailloux ôc les pierres qu’elles
dérangent pour préparer l’endroit où elles doivent
dépoler leurs oeufs. Mais on affure que parmi les
Saumons Bècards, il y en a de mâles Ôc de femelles,
ce qui fuffit pour détruire les deux opinions que
nous venons de rapporter.
Quelques-uns veulent que l’eau douce foit très-
contraire aux Saumons y ôc difent que quand ces
poiffons y ont fé jour né longtemps, U fe forme »
Le fentimenrqui paroît le plus plaufible, ôc qui
a été adopté par M. Duhamel, eft que la difformité
des Bècards dépend d’un vice de conformation
que la maigreur rend plus fenfible, en faifant
fortir davantage les contours de la mâchoire ;,
car la plupart de ces poiffons dépofant leurs oeufs
au haut des rivières, y éprouvent la maladie du
frai, qui les fait maigrir, en forte que ceux chez-
qui le vice dont il s’agit eft en quelque forte
héréditaire , deviennent entièrement Bècards
après avoir féjourné quelque temps dans les eaux
douces. D’apres cette fuppofition , il en feroit des
Saumons Bècards comme de certaines races d’animaux
, diftinguées des autres par une' conformation:
particulière de quelques-uns de leurs membres , ôc
qui fe perpétue dans les individus de la même
race.
Rondelet dit que les Saumons fe plaifent tellement
dans l’eau douce , qu’ils remontent le cours-
des fleuves ôf. des ruiffeaux jufqu’à leur fource»
M. Duhamel appuie ce feætiment , en afférant
qu’il en a vu de gros à Saint-Chaumont, ôc même
plus haut dans la Loire. Il faut pour cela , comme
le remarquent Gefner ÔC d’autres Auteursy que ces*
poiffons ayent franchi un gi and nombre de pièges-
qu’on leur a tendus pour les prendre au paffage»
Cet Auteur, & beaucoup d’autres, difent qu’ils-
s’élancent fort haut au-deffus de la'furface de l’eau,,
ôc qu’ils franchiffent des cataraftes de plus de huit
pieds de hauteur. Çambden rapporte que dans la
province de Pembrokeshire , fituée à l’oueft de
l’Angleterre, on s’arrête pour admirer la force ÔC
l’adreffe avec laquelle les Saumons s’élancent dans-
la rivière du Zing, au fortir de la mer, à l’endroit
où cette rivière forme, par fa chute, une nappe
d’une hauteur conffdérable. Il ajoute qué cet endroit
s’appelle pour cette raifon, le fa u t du Saumon*
Michel Drayton va encore plus loin ; il dit qu’à
cette cataraÔe , les Saumons , pour vaincre la force
du courant, prennent leur queue dans leur gueule»
pour la bander comme un arc , ôc fe redreffent
enfuite en frappant l’eau, comme feroit, en fe
débandant, un reffort fortement tendu. Ont-ils
manqué leur coup ? ils recommencent la même
manoeuvre, jufqu’à ce qu’ils ayent furmonté l’obf-
tacle. «Je crois , dit M. Duhamel, après avoir cité
ce fait, que tout cela fe réduit à dire, que quand
un Saumon trouve fur fon paffage un courant tres-
rapide»il plie fors corps, afin que pai des coups