
I N T R O D U C T I O N .
F r a i e t OE u f s d e s P o i s s o n s .
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JL es Poiflons jettent leur fra i, c’eft - à-
dire leurs oeufs, dans certains temps de
l’année : cette époque varie fuivant les différentes
efpéces de Poiflons. Les oeufs forment
dans le corps de la femelle deux maffes
oblongues, allez ccnfidérables, relativement^
la groffeur du Poiffon ; la liqueur
' prolifique dans les mâles eft fournie par
deux vifcères, allez femblables par leur
forme aux ovaires des femelles, & qu’on
nomme laites. Les Poiflons n’ont point les
parties de la génération externes & fail-
lantes , excepté les Poiflons cartilagineux.
Aulîi ce font les feuls ‘qui s’accouplent :
parmi les autres Poiflons, le mâle s’approche
de la femelle dans le temps du frai ; il fe
frotte quelquefois contr’e lle , & répand fa
liqueur prolifique fur les oeufs qui 'fartent
du corps de la femelle; quelquefois il féconde
les oeufs, lorfque la femelle les a
rejettes| 6c même quelques jours après.
Ceci a lieu à l’égard des Çapelans d’Amérique
, qui font des Poiflons voyageurs ;
les femelles arrivent plulieurs jours avant
les mâles ; elles jettent leurs oeufs en très-
grande abondance fur les bas fonds ; ils
s’attachent aux rochers & aux diverfes
plantes marines ; la mer paroît alors toute'
jaune ; bientôt arrivent les mâles par troupes
innombrables; ils jettent leur liqueur prolifique
fur les oeufs, & la mer paroît alors
blanche comme du lait. La plupart des Poif-
fons jettent leurs oeufs dans des endroits oh
il y a peu d’eau, 6c parmi les pierres ; ils
s’approchent alors des rivages, ou quittent
la mer pour remonter dans les rivières
& auffi haut qu’il leur eft poffible. C’eft;
pour frayer que les Saumons quittent chaque
année la mer, & remontent dans les rivières
jufques vers leur fource.
Les oeufs qui n’ont point été fécondés
n’augmentent point de volume ; mais des quels
ont été imprégnés de la liqueur du
mâle, ils s’enflent, grofliffent & laiffent
bientôt échapper les petits qu’ils renferment.
On a enlevé du corps de quelques
Truites des oeufs; on les a mis dans un
baquet avec de l’eau, & on a répandu dans
l’eau de la liqueur des mâles en leurpreffant
le ventre; les oeufs ont été ainli fécondés
& ont produit des petits ; ceux au contraire
qu’on n’a point mis en contaû avec la liqueur
des'mâles n’ont rien produit. Cette
expérience, qui a été répétée plulieurs fois,
6c toujours avec le même fuccès , prouve
que les oeufs des Poiflons ne font point
fécondés avant de fortir du corps de la
femelle.
Quelques efpèces ne jettent point leurs
oeufs au hafard, elles les gardent fur leur
corps , jufqu’à ce qu’ils ayent donné naif-
fance aux petits; le Cheval marin eft dans
ce cas.
Dans quelques efpèces de Poiflons on
voit de petits tubercules fur tout le corps,
au moment du frai ; ces tubercules difpa-
roiffent enfuite. On a défigné ces Poiflons
fous le nom de Pifces ciavati.
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I N T R O D U C T I O N . X V
P Ê C H E .
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L a pêche eft l’art de prendre les Poiflons.
Cet art, joint à celui de la chaffe, met
l’homme en poffeflion d’une multitude
d’êtres animés, qui fourniffent à fa nourriture
6c à fes befoins. Inférieur aux uns
en force, aux autres en agilité, féparé d’un
grand nombre par un élément différent
de celui qu’il habite, il triomphe de tous
les obftacles par les reffources de fon intelligence
, & employant à propos des armes
meurtrières & des pièges ingénieux, tantôt
il arrête en un moment fa proie, qui le
fuyoit d’un vol léger, ou d’une courfe
rapide ; tantôt il la tire du fond des eaux,
où elle fembloit être à l’abri de fes attaques,
& fignale par-tout fon empire , autant par
la manière de vaincre, que par la multitude
des viûoires.
La chaffe eft un exercice qui plaît au plus
grand nombre des hommes. La pêche, quoiqu’elle
ferve auffi quelquefois d’amufement,
eft plus particulièrement un métier auquel
fe confacre une claffe d’hommes d’un rang
inférieur, mais précieufe par les avantages
importants que la fociété retire de fon travail.
La pêche fur mer contribue à former
les bons matelots ; elle les familiarife avec un
élément redoutable ; leur apprend à braver
les vents & les flots , & les difpofe , par un
laborieux apprentiffage , à fervir d’abord
fur les navires de commerce, & enfuite fur
les efcadres deftinéês à repouffer les ennemis
de l’é ta t, ou à étendre nos conquêtes dans
les pays lointains.
La pêche, la vénerie &c la chaffe au v o l ,
ont plufieurs procédés qui leur font communs.
On tend des filets pour y envelopper
différentes efpèces d’oifeaux 6c d’animaux
terreftres. On fait quelquefois ufage du
fufil, pour tuer le poiffon dans les étangs.
Mais il eft vrai de dire en général, que
la pêche eft un art très-diftingué des deux
autres, par la nature des pièges, des amorces
& des divers moyens particuliers qu’elle
emploie pour furprendre le Poiffon, 6c
le tirer de fa retraite.
Il eft probable'que l’on a commencé par
prendre à la main les Poiflons qui reftoient
fur le fable, dans les lieux où la mer, qui
les avoit apportés, les laiffoit à découvert
en fe retirant. Cette manière fimple de
pêcher eft encore ufitée dans certains parages
abondants en Poiflons, ainli que dans
quelques baffins fitués entre des rochers,
où il relie un peu d’eau lorfqiie la marée
eft baffe ; car les Poiflons qui n’ont pas
fuivi le retour de l’eau y font très-aifés à
prendre, & l’on y forme artificiellement
des efpèces de réfervoirs, que l’on nomme
parcs, en pratiquant des enceintes à claire-
voie , avec des filets , des claies , des
pieux, &c.
La prife des Poiflons qui venoient s’offrir
comme d’eux-mêmes fous la main, a inf-
piré le defir de s’emparer auffi de ceux qui
etoient entraînés par le cours des eaux ,
ou qui reftoient enfoncés à une certaine
profondeur ; 6c l’efpoir de fe procurer des
aliments également variés 6c délicats, a
fait imaginer une multitude d’inftruments
ingénieux, q u i, par différents moyens,
aflortis aux lieux & aux autres circonf-
tances , nous enrichiffent tous les jours
des tributs de la mer, des fleuves 6c des
étangs.
On peut diftinguer les pêches, relativement
aux inftruments qu’on y emploie,
aux endroits où elles fe fon t, 6c aux différentes
efpèces de Poiflons que l’on fe pro-
pofe de prendre. Parmi ces trois divifions,
nous adopterons de préférence la première,
quiaétéfuivie parM. DuhamelDumonceau
de l’Académie Royale des Sciences, dans
fon excellent Traité général des Pêches, où
nous puiferons une grande partie de ce
que nous avons à dire ’fur cet objet. En