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MORUE. (U ) Efpèce de Gade, 1
Gadus Morhua. L I N. Syjl. nat. P i fie s Jugul.
Gadus , n°. 3.
Gadus tripterygiuscirratus 3 caudd fubtzquali ,
radio primo anaü Jp'tnofo. ■ Ibid.-
I'aun. fuec. 308.
Gadus dorfo tripterygïô , ôre cirrato , caudâ oeqùùli
fe r è y cum. radio primor fpinofa. A r t b d i . fy n . 35.
Morhua vulgaris (- muxima afellorum fpecies. ) ;
B e l l o n .
Morhua Jîve molva altéra. A LD R O V. X. 3* c*. 6.
p. 289. 0 ^ ^ ' ■
Molva 3 Morhua. Jo n s t o n . L . 1 . tit. 1 . c. i .
art. 2. t. 2. f . 1'. " - ' ’
Molva vel Morhua ( altéra mitwr. ) G e sNe r .
/*. 88. 102.
Molua. R'ôndëï; X. 9. x. 14. p. 280. -
Molvus feu Morhua r altéra minor. G .e s N E R.
{ Germ. ) fo l. 40. b.
Afeilus n ia jo r . S ç H O K E V . p . 18.
. ChI rlet. p . 121.
.. Afeilus major vulgaris , Belgis Cabuidu. W 1J>
1 VGHBY. p. 165.
' Afeilu s major vulgaris. Raï. p . 53.
‘ : Gadus Kabelja. h . Wgoth. 176»'
Cabliau. S t r o m . S o n d . 317.
La Morue. D u H a m el , Traité des Pêches 9
fécondé partie y fe 61. 1 . p. 36 & fu iv . pl. 4. fig. f.
En Suède, Cablia; en Danemarck, Kablag.
Parmi les divers animaux qui fourniflènt à la
fubfiftance de l’homme, il n’en eft peut-être pas
qui foit tranfporté auffi loin dans autant de régions
différentes que celui-ci. Ce poiffon, dont il le fait
une fi'grande oonfomtnaiion dâns nos ‘'climats, où
Fon fçait le conferver, en profitant des moyens
que lui offre, pour cet effet, l’élément même où
il vit ^ ne s’écarte guère des mers du Nord. Par
cette difpofitiorr, il devient une reffource affurée
6c permanente pour les habitants du Danemarck,
de la Suède , de l’Iflande & des pays voifins ,
qui, au défaut du froment, qu’un terrein froid &
ingrat leur refufe, fe nourriffent de ce poiffon au
ïeu de pain, & trouvent encore dans leur fuperflu
une branche de commerce dont la fécondité égale
Fétendue ( 1 ). On fçait à quel point les Morues
abondent, fur-tout près du banc de Terre-Neuve,
où elles fe préfentent en foule autour des Pêcheurs
de toutes les nations, rafl'emblés pour les prendrej
& embarraffent même quelquefois , par leur multitude
, les navires dont elles feront bientôt la
rkheffe. Enfin, la guerre qu’elles font aux autres
poiffons devient encore à notre égard une nouvelle
caufe d’abondance ; ce font elles qui, en donnant
la chaffe aux Harengs, dont elles font très-avides 9
occaffonnent les retours fréquents de ces animaux
vers nos côtes, & font ainfi, de ce qui échappe
à leur voracité, une forte de tribut qu’elles nous
envoyent tous les ans à des époques marquées.
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Le célèbre Leuwenhoeck (2) a prouve', parafes
obfervations, qu’une Morue 'ordinaire produifoit
neuf millions trois cents quarante-quatre mille oeufs*
D’après ce calcul immenfè au lieu de s’étonner,
comme on l’auroit pu faire d’abord , de ce qu’une-
efpèce attaquée de toutes parts fe conferve auffi
nombreufè, on feroit plutôt tenté de demander
comment le baffin des mers n’eft pas comblé par
fes habitants.
La Morue s’appelloit autrefois plus communément
Molue. Quelques Auteurs la nomment Mer/üf. En
Hollande, & -dans plufieurs pays du Nord , elle
porte les noms de Cabeliau, Cabiliau ou Cabliau ;
&- ces noms fe trouvent encore orthographiés de
plufieurs manières dans les divers Auteurs. ( Voye£
C a b e l i a u .)
La Morue a le corps épars & un peu arrondi,,
le ventre très-daillant ,1e -dos 6c les côtés d’une
couleur olivâtre fale, mouchetée de taches jaunâtres
, & le ventre blanchâtre. Ç’eft de cette
couleur, affez femblable à. celle de l’Ane , que ce
poiffo'ri a pris, chez les Auteurs Latins, le rjom
à'Afellus - Une ligne large & blanche règne le
long des côtés , en partant de l’angle fupérieur
des ouies, formant enfuite une courbure-qui répond
à toute l’étendue de la cavité du ventre ,
& de-là fe prolongeant fur une. même dire&ion
jufqu’à la queue. Les écailles font petites & très-
adhérentes à la peau : une membrane lâche &
diaphane- recouvre les yeux , dont les -iris font
blancs. Mais quoique la Morue ait de grands yeux,
on prétend qu’elle .ne voit guère clair, ce qui a
donné lieu au proverbe , yeux de Morue , pour
défigner- ceux ;qui n’ont / pas la vue diftin&e
comme il arrive foüvent aux perfonnss qui ont
de grands yeux à fleur/de tête, avec'de larges
prunelles. On obferve fous la mâchoire inférieure
un barbillon fufpendu à l’angle même de cette
mâchoire, & à peine long d’un doigt. La langue
eft large , ronde , molle & dépourvue de demi-
cu’es ; mais les mâchoires portent des dents difi-
poféès fur plufieurs rangées, dans l’une defquelles
il y en a de beaucoup plus longues que dans les
autres : entre les dents fixes , il s’en trouve de
mobiles, comme au brochet ; d’autres petites dents-
ferrées font au haut & au bas du palais , vers-
l’orifice de l’eftomac, ainfi qu’entre les dernières
ouies.
Ce poiffon a trois nageoires fur le dos ; la
première eft garnie de quatorze rayons, & chacune
des deux autres de dixr-oeuf. Les nageoires
de la poitrine en ont dix-huit-; celles du ventre,
qui, dans cette efpèce, font fituées antérieurement
aux nageoires de la poitrine, n’ont chacune que-
fix rayons. Il y a deux autres nageoires derrière
l’anus ; l’une a vingt rayons 6c l’autre, qui lui
eft poftérieure , en a feize ; le premier rayon
de la nageoire antérieure eft court & épineux :
11 r . SctafeM* G) %• Phyf. 4*-
-v M O R
îa nageoire de la queue eft,plate & fans divifiorts.' !
L’individu d’après lequel a. été faite la deferip-
tion précédente , que nous avons traduite de
Wi’llughby , avoit deux pieds neuf pouces de
longueur. Il s’en trouve de fenfiblement plus
longs ; quelques-uns ont jufqu’à quatre pieds.
- M. Anderfon (i) dit que le Cabliau fe nourrit
de toutes fortes' de; poiffbns , principalement de
Harengs , & de gros: & petits Crabes de mer ,
comme on le voit tous les jours en ouvrant les
Cabliaux que l’on pêche auprès d’Hilgeland, à
l’embouchure de l’Elbe. Selon le même Voyageur,
on ne fçauroit trop admirer la promptitude avec
laquelle la digeftion fe fait dans ces animaux. Tout
petit poiffon avalé eft entièrement digéré en moins
de fix heures. L’a â on de cette faculté digeftive
a été auffi obfervée dans des Cabliaux qui avoient
avalé de .gros Crabes. Des Pêcheurs expérimentés
ont affiné M. Anderfon que l’écaille était - la première
attaquée dans les eftomacs de ces poiffons ;
qu’elle devenoit bientôt auffi rouge qu’une écreviffe
qffon fait bouillir dans l’eau ; qu’elle fe diffolvoit
enfuite en forme de bouillie épaiffe , & qu’à ta fin
elle fe digéroit tout-à-fait, comme les Tortues de
mer font cogérées, promptement dans l’eftomac
du Crocodile, félon le rapport du Père Feuillée,
dans fe continuation du Journal des Obfervations
Phyfiques.
Mais ce qu’il y à de plus fingulier dans ce qu’on
rapporte du poiffon dont il s’agit ici , c’eft la
manière dont il remédie fur.le champ aux accidents
où l’expofe fon avidité; car toutes les fois
qu’il a avalé avec fa proie un morceau de bois ,
ou quelqu’autre chofe d’indigefte, il vomit, dit-on,
fon eftomac, le retourne devant fa gueule ; &
après l’avoir vuidé & bien nettoyé dans l’eau de
la mer, il le fait rentrer à fa place, & fe remet
auffi-tôt à manger. Ce fait eft raconté entr’autres
par Denis, dans fa defeription des côtes de l’Amérique
feptentrionale. Cet Auteur remarque auffi
que la Morue verte ou blanche , & la Morue fèche
ou Merluche s ne font que le même poiffon différemment
préparé. Nous parlerons plus bas des
préparation s. que l’on fait fubir aux Morues dans
les divers pays.
La Morue eft un aliment fa-in , quand elle eft
nouvelle : «elle convient, difent les Auteurs de
j) la Matière Médicale, en tout temps, à toutes
» fortes d’âges & de tempéraments. Sa peau eft
» graffe & de bon goût * & fon foie paffe pour
it un excellent manger. Mais quand elle a été falée,
v on doit la faire bien deffaler avant de la manger,
3> fans quoi elle altère & échauffe beaucoup (2) ».
Willughby dit que les greffes têtes de Morues font
fort recherchées pour leur délicateffe , & fervies
fur les tables des riches comme un mets exquis.
( 1 ) Rift. Nât. de Tlflande-.
• (2 ) Spite de la Mat. Médic. de G.eoffroy, tome 2 ,
premiere partie.
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Quoique les Morues ne foient pas fort communes
fur nos côtes, on ne lame pas d y en
prendre quelques-unes, foit dans les parcs, foie
avec les lignes qu’on met à la iper pour pecher
d’autres poiflbns , foit dans les- Folles ou autres
filets qu’on tend par fond. Il n’eft pas ordinaire
de prendre de groffes Morues par ces fortes de
pêches mais dans la Manche on en prend affez
fouvent de jeunes, qui ne-font pas plus groffes
que des Merlans, 6c que les thaffes-Maree melent
dans leurs paniers avec ce poiffon.
On prend plus communément de groffes Morues
à l’ouverture de la Manche, ou à l’entrée ‘de la
mer d’Allemagne. On tend, pour cet effet, de
groffes cordes par fond, garnies chacune de plufieurs
haims. ( Voye% F O N d. )' Ces Morues fe
confomment fraîches dans les villes voifines de la
mer ; on en porte même à Paris , lorfque 1 air eft
frais ; elles s’ÿ vendent fous le nom de Cabliau ,
parce qu’ordinaïrement elles viennent des Cotes
de Flandre, où les Morues fe nomment ainfi.
On appelle improprement Morues de Meufe
celles'qui ont été prifes par des bâtiments partis
de l’embouchure de la Meufe. , , & qu’on dépofe
au retour dans des réfervoirs, qui ne font quelquefois
que la coque d’un vieux vaiffeau expofe
su courant de la même rivière. Ces Morues pèlent
jufqu’à vingt livres ; elles font très-délicates, &
plus èftimées que celles du grand-banc de
Mande ; aulfi-fe vendent - elles à un plus haut
prix. La pêche des Morues fe fait encore à l’aide
des haims, foit le long, des côtes de l’Ecoffe, 6ç
fur-tout vers les. bancs qui font au nord de ce
pays , foit à l’oueft du royaume d’Irlande, foit
enfin fur plufieurs bancs qui font hors de la
Manche, dans la mer d’Allemagne , & en particulier
fur le Dogger.s bancs y ou banc dès Chiens,
fitué entre la côte occidentale d’Angleterre & celle
qui eft à l’orient des Provinces-Unies. Ce banc a
environ cinquante lieues d’étendue, & il eft probable
que le nom qu’on lui a donné vient de ce
qu’on y trouve quelquefois une très-grande quantité
de Chiens de mer, qui s’y rendent par ffotsx
comme tous les autres poiffons de paffage.
Mais il n’y a point de lieu où la pêche de la
Morue foit auffi abondante que fur le grand banc
de Terre-Neuve-, ifie fituée fur La côte orientale
de l’Amérique feptentrionale, à l’entrée du golfe
de Saint - Laurent, 6c qui a été cédée , comme
„ l’on fçait, par les François aux Ànglois en 17,63 ,
avec cette claufe : que les François auront la liberté.
1 de la pêche & de la fecherie fur une partie des cotes
de cette ijle.
Les Morues n’ont point de marche réglée ; elles
affeÛent tantôt un lieu 6c tantôt un autre. Cependant
on peut dire en général que vers le 15 de Juin
ou un peu plus tard , ces poiffons, fur -tout les
jeunes, quittent les grands-fonds, pour aller à la
pourfuite des Harengs & des Càpelans ; que c’eflr
au mois cfe Juillet qu’ils donnent en plus grande