xxit I N T R O D U C T I O N .
lignes & les hameçons. Les Pêcheurs qui
fe fervent de ces cordes font appelles, dans
le même pays, Pêcheurs Palangriers , au lieu
que fur les côtes de l’Océan on les nomme
Amplement Pêcheurs Cordiers.
2,°, Pêche aux filets.
Nous avons vu que l’art de la pêche aux
halneçons confifloit à profiter de la voracité
du Poiffon pour l’engager à fe prendre
de lui-même au piège caché dans l’amorce
qu’on lui préfente, & fur laquelle il fe jette
avec précipitation. Il s’agit ici des moyens
qu’on a imaginés pour prendre les Poiffons
au partage , en leur oppofant des tiffus de
mailles qu’ils ne voyent pas, & que l’on a
appellés en général rets ou filets, mais qui
prennent enfuite différents noms particuliers
, fuivant les diverfes formes qu’on
leur donne , ou les diverfes manières dont
on les employé.
Quelle que foit la pofition que l’on
donne au filet, elle efl toujours telle que
le Poiffon , qui efl porté par fon inftinâ
à fuir en avant, fe trouve arrêté par les
mailles, dont l’ouverture n’efl pas fuffifante
pour lui permettre de s’échapper. Nous
verrons aufli dans la fuite qu’il y a des
filets dont les mailles font fi bien proportionnées
au volume des Poiffons, que
ceux - c i-, après y avoir paffé la tê te , y
refient engagés par les ouies, fans pouvoir
avancer ni reculer.
Les pêches au filet on t, pour la plupart,
l ’avantage de nous procurer du Poiffon en
abondance , fans exiger aucune. confom-
mation d’appâts. On ne fait ufage de ce
moyen que pour quelques cas particuliers,
comme lorfqu’il s’agit d’inviter les Poiffons
à s’arrêter au-deflus de l’ouverture d’un
file t, que l’on relève aufli - tôt qu’on les
voit attroupés autour des vers de terre ou
autres amorces qu’on leur préfente. On fe
fert aufli d’appâts dans la pêche des Sardines
, pour déterminer ces Poiffons à
s’élever du fond de la mer & à donner
dans les filets qui dérivent à fleur d’eau ;
c’efl ce qui s’appelle bouetter, affaner ou
affamer. L’appât dont il s’agit, & que l’on
nomme réfure, rave ou rogue, efl fait avec
des oeufs de Morue ou de Maquereau.
On employé aufli une efpèce de réfure
faite de fretin, c’efl-à-dire de petits Poiffons,
dont on forme une pâte. Cet appât, que
l’on appelle menue, coûte fort cher, ce qui
n’empêche pas qu’il ne s’en farte une grande
confommation pour la pêche des Sardines,
q u i, par cette raifon , devient à la fois
difpendieufe & très - deflruélive à l’égard
des autres efpèces de Poiffons.
Mais fi les pêches au filet ménagent en
général beaucoup plus les appâts, que les
pêches aux haims, elles entraînent, d’une
autre part, un dommage confidérable. Nous
avons déjà remarqué que les Poiffons, au
fortir des filets , fe trouvoient fouvent
morts ou meurtris & en mauvais état. Mais
■ ce n’efl là qu’un inconvénient affez léger
en coinparaifon des autres. Les filets que
l’on traîne, &c qui font chargés d’un lefte
de plomb ou de fe», bouleverfent les fonds
en les labourant, détruifent le frai qui s’y
trouvoit dépofé, font périr une multitude
de petits Poiffons qui s’y étoient réfugiés,
& d’infeâes propres pour les nourrir, en
forte qu’il ne faut qu’une feule pêche de ce
genre pour ruiner les: efpérances de plu-
fieurs pêches abondantes.
D ’ailleurs les filets emportent une quantité
confidérable de fretin, que les Pêcheurs
jettent enfuite fur le rivage comme inutile,
ou dont on fe fe rt, foit pour engraiffer les
terres, foit pour nourrir des Canards &C
autres animaux , dont une feule troupe
confomme en un jour de quoi repeupler
toute une rade.
M. Duhamel , dans une Differtation
femmaire, qu’il a inférée à la fin dé fa
quatrième feélion (première partie, p. io o
& fuivantes ) , déplore, avec tout le zèle
d’un vrai citoyen, les abus énormes qui
réfultent des pêches dont on vient de parle».
C ’efl à cette caufe qu’il attribue le déchet
fenfible que l’on obferve dans le produit
des pêches, qui font aujourd’hui moins
abondantes qu’autrefois. Il indique les réformes
à faire pour remédier à ces abus,
ou du moins les diminuer fenfiblement, &
les efpèces de pêches qu’il feroit à defirer
I N T R O D
que l’on confervât, en même temps que
l ’on profcriroit ces pêches deflruâives ,
qui ne fourniffent. à nos befoins qu’en ab-
forbant une grande partie des reffources
deflinées à perpétuer un de nos plus précieux
moyens de fubfiflance.
Nous allons maintenant donner une idée
des principales efpèces de filets qui' font
en ufage , ;ainfi que de la manière de les
employer.
La première, dont parle M. Duhamel,
efl celle qu’on appelle épervier, furet, m
Jean, &c. C’efl un filet en forme de cône
ou d’entonnoir, bordé d’une efpèce de
chapelet fait avec des balles ou des anneaux
de plomb. Le bas du filet , qui excède le
chapelet de douze à dix-huit pouces,: efl
retrouffé en dedans du cône, & foutenu,
de diflance en diflance, par des cordons,
en forte-que cette' portion du filet forme,
autour de l’embouchure, des bourfes dans
lefquelles le Poiffon s’engage. Il y a de
petits éperviers qui n’ont point de bourfes
à leur ouverture, & dont le réfeau fe termine
au chapelet.
■ Dans les petites rivières, on traîne l’é-
pervier : pour cela , on attache deux cordes
à deux points de l’ouverture du filet,
diflants entr’eux environ d’un efpace égal
à la largeur de la rivière. Deux hommes,
placés des deux côtés du courant, 'tirent
ces cordes, de manière que la portion du
filet qu’elles interceptent foit à-peu-près
tendue à la furface de l’éau, tandis que les
plombs entraînent le refie de l’embouchure
vers le fond ; un troifième homme tient la
corde qui répond à la pointe du filet, &
qïioiqu’il la làiffe flotter , il s’apperçoit
cependant s’il y a des Poiffons de pr is,
aux fecouffes qu’ils impriment au filet, &
qui fe communiquent à la corde. Alors
les deux premiers Pêcheurs lâchent leur
corde, afin que toute la circonférence du
filet porte fur le fond ; l ’autre Pêcheur
tire doucement à lui la corde attachée au
fommet du filet , en fe balançant fur fes |
jambes, pour faire en forte que les plombs
fe rapprochent les uns des autres & ferment
î embouchure ; & des qu’il s’apperçoit que
les plombs ont quitté le fond , il tire de
U C T I O N. xxiij
toutes fes forces, pour mettre promptement
le filet fur le rivage : alors, faififfant
la corde qui porte les plombs, il la parcourt
en vuidant les poches du filet, rejette à
l’eau les herbes , la v a fe , les coquillages
& les petits Poiffons qui s’y trouvent, &C
ne met en réferve que ceux qui peuvent
être de quelque débit.
On jette l’épervier, au lieu de le traîner,
dans les grandes rivières, dans les étangs,
entre les roches , même à quelque diflance
du rivage, pourvu qu’il s’y trouve beaucoup
de Poiffon, & que la nappe d’eau ne
foit pas trop épaiffe. Cette pêche exige
beaucoup de force & d’adreffe de la part
du Pêcheur. Lorfqu’il veut jetter fon filet ;
il lié à fon poignet gauche la corde qui
répond à la culaffe , & de la même main
il faifit tout l’épervier, environ à deux
pieds au-deffus du chapelet; il rejette en-
fuite fur fon épaule gauche environ un tiers
de la circonférence de l’embouchure ; il en
prend'un autre tiers de la main droite, ôc
laiffe pendre le refie.
Tout étant ainfi difpofé , il détourne
fon corps vers la gauche ; puis le ramenant
avec vivacité vers la droite, il jette dans
le. même fens & abandonne le filet, qui fe
déployé en formant la roue. Xe chapelet
tombe auflî-tôt au fond de l’eau, & enferme
les Poiffons qui fe trouvent fous le corps
du filet. Le Pêcheur relève enfuite fon
épervier par un procédé femblable à celui
qui a été décrit plus haut. Cette pêche n’ëfl
pas defbuclive, fur-tout quand les Pêcheurs
ont l’attention de rejetter à l’eau lés petits
Poiffons.
On a donné les noms de carrelet, carreau
ou carré à une autre efpèce de filet fait en
forme de nappe, qui a f ix , fept ou huit
pieds de côté. Cette nappe efl attachée par
les quatre Coins aux extrémités de deux
perches courbées en arc de cercle, & liées
l’une fur l’autre à l’endroit où elles fe
Croifent. On donne au filet une forme un
peu bombée, pour empêcher les Poiffons
de fe fauver, en fautant par-deffus les bords
| de la nappe. On attache les deux perches
courbes à l’extrémité d’une autre- perche ,
I par l’endroit où elles fe réunifient en fe