
voyant ce Poiffon, on fe rappelleroit mieux
.ion nom. Les qualités apparentes font préférables
aux propriétés cachées pour entrer
dans la lignification des noms. Quel que
foit le caraêtère que l’on emploie, il né
peut être bon qu’autant qu’il eft particulier
au Poilfon que l’on dénomme. Cette condition
eft fort difficile à remplir, parce que
le s caraâères exclufifs font très-rares ; cependant
on en peut citer quelques exemples :
les noms de Marteau, de Scie 8c de Spatule
expriment très-bien les formes extraordinaires
8c particulières de ces trois efpèces
de Poiffons.
11 y a des Poiffons qui ont des caraûères
évidents ■, que l’on a exprimés par le nom
qu’on leur a donné : par exemple, le nom
du Barbeau défigfie bien clairement la forte
de barbe, compofée de quatre barbillons,
qui eft au bout de la gueule ; mais ce caractère
eft fautif , parce que plufieurs efpèces
de Poiffons , fur-tout dans le genre des
Cyp rins, tels que la. Carpe , le Goujon ,
la Tanche, ont aufli des barbillons', que
l’on pourroit prendre pour la barbe du
Barbeau.
Les noms de p!ufieu.rs efpèces de Poiflons
expriment quelqu’une dé leurs propriétés;
le nom dp Grondin vient dé qu’il'grogne.
On a do'nné lé nom d’Iditnyocolle au
Poiffon dont on tire de la colle. La Torpille
, Torpédo , a été ainfi nommée , parce
q v ’elle. catife de la torpeur & de l’engour-
diffemènt lorfqu’on la touche.
Les Grecs ont donné à un grand nombre
de Poiffons des noms qui fignifioient une
o lt deux'chofes relatives aux propriétés
ou aux qualités de cés Poiffons : par
exemple, ceux qui fe cachoient dans le
fable étoient appelles Ammodytes, parce
que ÀpftoV lignine fable , & J'vttk plongeur.
Mais pour entendre des étymologies tirées
d’une Langue ancienneil faut avoir appris
cette Langue. A préfent peu de gens fça vent
le Grec ; ceux qui l’ignorent trouveront à
la fin de ce volume l’explication de plufieurs
dénominations génériques des Poiffons qui
ont été tirées du Grec, 8c dont les étymologies
font eoonuesv
La Langue Françoife pe permet pas la
réunion de deux dénominations en tut
feul mot : on ne pourroit pas. dire Sablé-
plongeur comme én Grée Ammodyte. Les
Nomenclateurs rigoriftes ne veulent pas
employer dans une dénomination deux
mots au lieu d’u n, comme dans le nom
de Bande d’argent, qui a été donné dans
ce Dictionnaire à un Poiffon du genre des
Clupes ; cependant cette dénomination dé-
ligne parfaitement fon caractère diftinâif,
qui confifte dans une large bande de couleur
argentine placée le long des côtés du
corps.
J’ai compofé des noms de deux adjeétifs :
par exemple , j’ai nommé Blanc-jaune un
Poiffon du genre des Salmones , parce qu’il
a le corps blanc 8c les nageoires jaunes.
Linnæus l’avoit appellé Niloticus ; mais il
y a beaucoup d’autres Poiffons dans le Nil.
LinnæuS avoit donné le nom d’Atlierinoides
à la Bande d’argent ; ce nom ÿ Atherinoid.es
fignifïe en Grec petite chofe de peu de
valeur, ou un épi, parce que les arêtes de
ce Poiffon , que l’on apperçoit à travers
fon corps, ont quelque reffemblance avec
les barbes d’un épi. Il y a fouvent de l’incertitude
dans les étymologies ; mais quand
èlles fer-oient certaines, il n’y auroit pas
moins de difficulté à les entendre, lorfqu’on
ne fçauroit pas la Langue dont elles
feroient dérivées ; il faudroit fe les faire
expliquer; ce feroit une étude fuperflue.
Il faut que chaque Nation parle fa
Langue, pour que toute inftruftion puiffe
y être -généralement répandue. Il eft né-
ceffaire qu’il y -ait une Langue commune
entre toutes les Nations,; pour la -corîef-
pondance des Sçavans : les Langues anciennes
font très - convenables pour cet
ufage, d’autant plus que les acceptions de
leurs termes font: fixées irrévocablement ;
mais les dénominations tirées de Ces Langues
pour lés objets de l’Hiftoire Naturelle ,
doivent être regardées par chaque Peuple
comme étrangères à leur Langue , 8c feulement
comme fynonymes des noms qui y
font ufités pour les mêmes chofes. Lorfque
nous .fommes obligés de donner un nom à
une chofe nouvellement connue, ou qui
n’a pas encore été nommée , çe nom doit
fe prêter au génie de notre Langue; en y
introduifant des noms tirés des Langues
anciennes, on la feroit defeendre du point
de perfeâion oh elle n’eft parvenue que
dans l’efpace de plufieurs fiècles. Cependant
j ’ai été obligé de conferver quelques noms
de Langues étrangères , entr’autres des
noms d’hommes, que l’on s’eft avifé de
donner à des Poiffons. M. Pallas a nomme
Koelreuter & Schloffer deux Poiffons du
genre des Gobies.
Il m’a toujours paru qu’il étôit ridicule
8c même injufte de changer des noms
d’homme, par une forte de traveftiffement,
pour les faire paffer d’une Langue à une
autre ; on a peine à reconnoître fon propre
nom ; c’eft ce qui m’eft arrivé à moi-
même , après que le mien a été travaillé
par M. Pallas. Je ne fçais pourquoi M. Pallas
n’a pas pris le même foin de fon propre
nom, lorfqu’il a écrit en latin; mais je
fuis bien aile qu’il l’ait laiffé intaft, parce
que fi j’avois vu Pallafus ou- Pallafius ,
j’aurois eu peine à y reconnoître Pallas.
. Ces confidérations m’ont empêché d’altérer
les noms de MM. Koelreuter 8c Schloffer ;
on en a déjà abufé, en les donnant des
Poiffons. Qui pourroit fe plaire à entendre
appeller de fon nom un animal, quel que.
fût cet animal ?