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214 VOYAGE DE LA BONITE.
Quant à la question du mode d’individualité de la
Spongille, nous croyons que la marche que nous avons
suivie dans la série de nos recherches pour tâcher de
la déterminer exactement, est la seule que la logique et
les principes de l ’histoire naturelle nous prescrivaient.
Nous avons dû constater cette individualité, en la
prenant a son origine comme corps reproducteur, et
en la suivant attentivement dans la succession des
phases de son existence, lorsqu’elle se conserve intacte,
tout en reconnaissant sa tendance à s’unir, se
greffer et se confondre avec ses semblables. D’où la dénomination
d’individualité adimlislincte qu’il faudrait
lui imposer, pour exprimer sa tendance à devenir indistincte,
à se confondre et à former des masses
monstrueuses viables. Ainsi, dans notre manière de
voir, il faudrait, non-seulement renoncer à découvrir
les petits polypes spongiaires, à l’existence desquels
Lamarck croyait, et ne point considérer comme des
individus spongillaires les parcelles du lissu vivant
des Spongilles, ainsi que l’ont fait MM. Turpin et Dujardin,
qui n’ont admis leur individualité qu’en raison
de leuis mouvements. Dans ce cas, toutes les parcelles
des tissus vivants des animaux, surtout lorsqu’elles
vont pourvues de cils vibrátiles, seraient autant d’individus,
ce qui n’est point admissible : au reste, ces
parcelles ou fragments très-petits du tissu d’une Spongille
ne pourraient être considérées comme de véritables
individus, que dans le cas où elles deviendraient
de véritables embryons bouturaires de Spongilles,
qui parviendraient ensuite à leur état parfait. Mais la
NOUVELLES RECHERCHES SUR LA SPONGILLE. 215
petitesse des parcelles du tissu des Spongilles, figurées
par MM. Dujardin et Turpin comme les animalcules
de la Spongille, nous paraît être si grande, que la
viabilité de la Spongille écrasée, et celle de chacune
de ces parcelles est graduellement affaiblie et bientôt
complètement dissipée; et c’est cette destruction des
parcelles de Spongille, et par analogie des Spongiaires
, qui oblige de les assimiler aux parcelles de tissus
animaux qui, quoique animés de mouvements, ne tardent
pas à mourir.
Le degré très-infime de l’animalité el de l’individualité
de la Spongille, et par analogie de tous les Spongiaires,
nous semble démontrer nettement que ces
corps organisés forment rexlrême limite du règne
animal, sans appartenir cependant au règne végétal.
Nous ne pouvons donc considérer comme valables
tous les arguments présentés par un grand nombre
de naturalistes, en faveur de la végétabilité de la Spongille
et de tous les Spongiaires. Nous aurons l ’occasion
de réfuter tous ces arguments dans la suite de nos
recherches. Nous sommes bien aise cependant de présenter
ici les résultats des observations comparatives
que nous avons faites sur les embryons ciliés de la
Spongille et sur ceux de la Vaucheria Ungeri (Tburet,
Ann. des Sciences natur., mai i 844)- La notice ci-
jointe de ces résultats a été adressée à l’Académie des
sciences, dans sa séance du 28 décembre i84o.
Nos premières observations sur ce sujet avaient pour
but d’examiner les ressemblances et les différences
qui pouvaient exister entre les embryons d’un orga