la P a ix de Waroux annula toutes ces décisions et ordonna que les monnaies
seraient reçues partout « selon le loy du pays 1 » .
Cependant de nouvelles dissensions ne tardèrent pas à se produire entre
les Liégeois et le clergé, parce que, le vieux gros tournois étant remonté, les
gens du peuple ne pouvaient, sans trop de perle, payer leurs cens selon la
loi et la paix de Waroux. Le magistrat de la cité s’étant adressé à l’évêque
ët au chapitre, et leur ayant remontré que ce nouveau dommage venait
s’ajouter à ceux de la dernière guerre, il fut arrêté, de commun accord,
le 1 9 mars 1 3 4 8 , que le petit florin d’or de Florence aurait cours, durant
dix ans, pour trente-trois sols, monnaie commune de Liège, le royal pour
quarante, l’écu d’or pour quarante-quatre, et les autres monnaies à l’avenant.
En outre, l’évêque promit de faire forger des deniers d’argent de deux sols,
dont les vingt-huit seraient reçus pour huit deniers de bonne monnaie (donc
trois et demi pour un), en payement des cens dans la cité, sa banlieue et
franchise 2.
Le chroniqueur Radulphe de Rivo, confondant le statut de 1 3 4 8 et celui
de 1 3 3 8 , qui suit, rapporte les choses d’une autre manière. Le peuple,
dit-il, prétendait ne payer, pour un denier de bonne monnaie de Liège,
que trois deniers de « commun payement » ou monnaie courante, tandis
que le clergé exigeait davantage. A la fin, l’évéque, après avoir entendu les
parties au palais, les détermina à fixer la valeur de l’ancien denier à quatre
deniers courants, et cela pour le terme de cent ans, dans la cité et sa
banlieue. De plus, pour donner satisfaction à ce que, de part et d’autre,
on demandait avant tout, il s’engagea à faire forger une monnaie irréprochable
et légale; en quoi il tint parole, car les deniers de deux sols, vulgairement
nommés Bourgeois, qu’il s’empressa de frapper, furent tarifés au delà
de six sols, peu d’années après L
* Ordonnances dé la principauté de Liège, 1" série, p. 280.
2 Pièces justificatives, n° V.
3 1347 (in fine). Via sedata hoc tempestate, alia non minoris periculi Leodii in ttr clerum et
populum de valore manette exeitala est. Vulgus contendebal pra denario bante manette leodiensis
sohiendos tantum très den. pagamenti (ut aiebant) ourrentis; clerus amplius exigebal. Tandem
lurbarmn osor episcapus, convacalo ad suam aulam populo, partibus bepevole comiterque au#*
tis, persuasit ut p ro simili denaria, in eiuitate et cirea c m infra banni Im am , durante
On se demande, en lisant la charte de 1 3 4 8 , ce qu’était le sol, monnaie
commune de Liège, dont il fallait cinquante-six pour huit deniers de bonne
monnaie (sept pour un) et seulement trente-trois pour un florin d’or de
Florence. Quoi qu’il en soit, il résulte de ce qui précède que les nouvelles
pièces de deux sols n’étaient pas précisément d’argent, mais de billon, puisqu’elles
ne valaient que les */t de l’ancien denier. D’ailleurs, leur nom de
Bourgeois venait d’une monnaie de bas aloi, frappée en France par Philippe
le Bel '. Ces pièces, comme la plupart de nos plus anciens deniers de billon,
n’ont pas été retrouvées.
Lorsque le terme de dix ans accordé par les lettres d’Englebert fut
expiré, le magistrat de Liège renouvela ses remontrances à l’évèque. Le
13 juillet 1 3 8 8 , on convint de part et d’autre, avec l’assentiment du clergé,
que, dans la cité et la banlieue, les rentes foncières constituées en vieux
gros, en noirs tournois ou autres espèces, seraient payées, durant cent ans,
sur le pied de quatre deniers de petite monnaie courante pour un denier de
bonne monnaie ; en d’autres termes, qu’on acquitterait l’ancien gros tournois
de huit vieux deniers par trente-deux deniers de « commun payement 2 ».
La règle établie en 1 3 3 8 fut définitive et le denier de cens, qu’on trouve
plus tard qualifié de boné, continua de valoir quatre deniers liégeois.
Pendant qu’il était en lutte ouverte contre son peuple, Engleberl de
la Marck transporta plusieurs fois sa résidence à Maestricht. C’est là , sur
le territoire de Saint-Pierre, qu’il établit son principal atelier monétaire, afin
sans doute de le mettre à l’abri d’un coup de main des Liégeois. Ainsi qu’on
l’a déjà vu (p. 1 5 2 ) , il ne fit monnayer dans sa capitale que vers la fin
de son règne.
tOO annorum curriculo, i tantum denarii mouette currentis solverèntur. Quam pacem epi-
scopus sigillo proprio munitam cotifirmavit. Et, quod clerus populusque imprimis petebal,
legalem justamque monetam cttdere promisit, quod et re ipsa prcestitit. Nam dènarios vulgo
Burgenses diclos valoris duorum solidorum mox cudit, qui non multis post annis sex solido-
rum valorem superarunt. (Radulphus de R ivo, dans Chapeauville, t. III, p. S .)ie - Zantfuet
(Ampl. coll., t. V, col. 2S0) n’a guère fait que transcrire le texte de Radulphe.
1 Buar.ENsis, Moneta argentea minutior, in l,allia Philippo Pulcro rognante primum citsa.
Cusos etiam Burgenses Leodii docet Radulphus de Rivo. (Du Cange.) .
2 Pièces justificatives, n° VI.