intestines qui aboutirent à l’émancipation politique du peuple. Henri de
Gueldre en profita pour soumettre les principales villes du pays révoltées
contre lui.
Lorsqu’il eut enfin consenti, en 1 2 5 9 ', à recevoir la prêtrise et à se faire
sacrer, il n’en continua pas moins sa vie désordonnée, au point que, cité
au concile de Lyon, il fut privé de son évêché de Liège et de son abbaye
de Stavelot (3 juillet 1 2 7 4 ) .
La réforme monétaire de saint Louis. — Le règne de Henri de Gueldre
marque, dans la numismatique du pays de Liège, par l’introduction d’un
nouveau système monétaire, celui de la grosse monnaie.
Saint Louis, après son retour de la Palestine, s’était appliqué à réformer
le monnayage en France. Non seulement il avait décrété l’emploi de la
monnaie d’or, abandonnée depuis les Mérovingiens, mais il avait adopté,
sinon créé, le sou d’argent ou gros tournois, pièce qui, par l’élévation du
titre, autant que par l’exécution matérielle, réalisait un progrès véritable,.
Le nom de gros lui fut donné parce qu’elle était la plus grosse monnaie
d’argent qu’il y eût en France, et on l’appela tournois, du nom de la ville de
Tours où, dans le principe, elle était uniquement fabriquée.
Le gros tournois normal ou de saint Louis était au titre de 1 1 */» deniers
de fin, dit argent-le-Roi, et à la taille de 5 8 au marc de Paris ou de
Troyes. Ce marc étant compté en France à 4 6 0 8 grains ou 2 4 4 8r,7 o ,
le gros devait peser 4*r,2 2 . Il représentait 1 2 deniers tournois ou */» de
livre tournois.
Sous le rapport du type, le gros de saint Louis porte, d’un côté, uu assemblage
de figures représentant un châtel, ou plutôt rappelant le temple
de la monnaie carlovingienne et des espèces tournoises. Autour, on lit :
TVRONVS CIVIS (pour c iv ita s); le tout encadré dans une bordure de
douze fleurs de lis, en l’honneur des douze apôtres. De l’autre côté, une
croix large et patlée est entourée d’une légende intérieure portant le nom
i Et non en 1288, comme il est prouvé par des chartes du 6 mai et du 18 juin 1289,
où Henri de Gueldre prend encore le titre à!élu.
rdyal, et d’une légende extérieure : BENEDICTVM S1T NOMEN DOMINI
IESV CHRISTI '.
De même que sur nos gros tournois, on retrouve plus tard, sur nos
monnaies d’or, les pieuses légendes du saint roi. M. Chaulard 2 en fait une
application ingénieuse :
« En écrivant ailleurs, dit-il, sur ses écus d’or, CHRISTVS V1NC1T,
CHRISTVS REGNAT, CHRISTVS IMPERAT, le loyal et courageux adversaire
des Sarrasins entendait proclamer qu’il ne s’agissait pas entre eux
d’une lutte d’homme à homme, mais bien de la guerre du Christ contre
Mahomet. Dans la victoire, c’est le Christ qui était vainqueur, il établissait
son règne, il inspirait sa volonté; le Christ était tout. Les revers surviennent,
l’expédition manque, saint Louis n'en bénit pas moins celui au nom duquel
il a combattu, BENEDICTVM SIT NOMEN DOMINI IESV CHRISTI,
jusqu’à ce qu’enfin, ayant consumé sa vie dans un dernier effort et mourant
sur la plage de Tunis, il laisse tomber de son coeur expirant la légende de
son aignel d’or : AGNVS DEI QV1 TOLLIS PECCATA MVND1 MISERERE
NOBIS. »
La monnaie royale ayant reçu le privilège de circuler dans tous les fiefs
de la couronne, le gros tournois fut bientôt considéré comme l’unité monétaire
en France et même dans le s pays voisins. Aussi, de toutes parts, le
nouveau type fut-il adopté, tantôt loyalement, avec des modifications plus
ou moins grandes, tantôt d’une façon frauduleuse et servile.
D’un autre côté, à cause de l’insuffisance des deniers de billon, tournois
et parisis, les esterlins anglais, déjà très en faveur en France, y furent
tolérés pour quatre deniers tournois (tournois noirs) ou un tiers de gros 3;
et c’était justice, car le titre de ces esterlins n’était guère moins élevé que
celui des gros tournois et le poids normal en approchait de l gr,4 0 .
Il résulta de cette bonne renommée des esterlins que beaucoup de
seigneurs se mirent à les imiter. On attribuait récemment encore à Jean
de Flandre, ou tout au plus à Jean d’Enghien, les plus anciens esterlins
1 Psaume LXXI, verset 17, avec addition de Jesu Christi.
2 Revue belge de numismatique, année 1872, p. 331.
3 Ordonnance de saint Louis de 1268.