Les empereurs des maisons de Saxe et de Franconie monnayèrent à leur
tour dans plusieurs de ces localités; mais déjà l’église de Liège ou de Tongres
avait obtenu, dans la personne de ses évêques, différentes concessions qui
lui permirent peu à peu de substituer son monnayage particulier à celui du
chef de l’Empire. Le plus souvent ces concessions étaient octroyées en même
temps que les droits de marché et de tonlieu, dont elles devaient faciliter
l’exercice. Cependant l’empereur ne renonçait pas pour cela à tout pouvoir
monétaire; la coexistence, dans certaines localités, d’une monnaie purement
impériale parait hors de doute; seulement l’émission en était limitée aux
séjours qu’y faisait le suzerain1
ORIGINE ET FORMATION DE L’ÉTAT LIÉGEOIS.
Ce fut saint Materne, évêque de Cologne, qui, le premier, établit une église
ou société de chrétiens (ecclesia) à Tongres. Saint Servais en était inspecteur
ou évêque (episcopus) au moins depuis l’année 3 4 7 , lorsque, pour échapper,
dit-on, à l’invasion des“ barbares, il chercha un refuge à Maestricht, où il
mourut peu après, en 3 8 4 . Un de ses successeurs, saint Monulphe, fil construire,
au bord de la Legia, vers l’an 5 6 2 , une chapelle qui devint le berceau
de la ville de Liège (Leodium, Legia, Ledgia).
Environ l’an 7 0 0 , saint Lambert subit le martyre près de l’oratoire
de Monulphe et fut inhumé à Saint-Pierre-lez-Maestricht. Ses restes furent
ramenés à Liège par saint Hubert, vers 7 1 0 , et déposés dans une église
élevée à l’endroit même où était mort son prédécesseur. Elle fut dédiée à la
Vierge et à saint Lambert, qui devinrent ainsi les patrons de la ville naissante.
Hubert la fit desservir par un collège de prêtres, au milieu desquels
il fixa son séjour habituel, e t, par le fait même, le siège épiscopal se
trouva transféré à Liège. Bientôt l’ancienne villa devint un vicus, puis une
civitas, et la dénomination à'episcopus leodiensis fut associée, sous Francon
1 Cf. D a n n e n b e r g , Die deutschen Münzen der sächsischen und fränkischen Kaiserzeit,
pp. 5 et sniv.
(8 8 8 ) , à celle d'episcopus tungrensis, pour prévaloir définitivement sous ses
successeurs L
Le territoire de Liège, dans le petit pàgus de ce nom, parait avoir été, déjà
avant l’époque de saint Hubert, une propriété de l’église de T on g r e s2. Si l’on
en croit le chanoine Nicolas 3, cette église avait reçu de Clovis II l’immunité
qui l’affranchissait du pouvoir civil. Mais, en réalité, Pavènemenl à la royauté
de la famille carolingienne, ou plutôt pippinienne, ouvre l’ère des donations
qui fondèrent la puissance temporelle de la principauté. Un diplôme de 9 8 0
rappelle les libéralités de Pépin, de Charlemagne, de Louis le Débonnaire,
de Lothaire et de Charles le Chauve. Leurs successeurs y joignirent une
foule de possessions et de nombreux privilèges, auxquels vinrent s’ajouter
d’autres donations, legs et achats considérables.
INSTITUTIONS MONÉTAIRES.
LÉGISLATION EXTERNE.
De tout temps, les empereurs conservèrent et revendiquèrent leur autorité
suzeraine sur la monnaie féodale de notre pays. L’évéque n’était reconnu
comme p rin c e et ne pouvait user de son privilège monétaire qu’après avoir
exhibé les lettres patentes de son investiture. C’est ce que constate un document
de l’année 1 2 4 0 , par lequel le conseil, les échevins et toute la communauté
de Liège déclarent : « Re mon signor le Vesque ne puet demandeir
serviche dedens la Citeit de Liege, ou se monoie fa ire rnvelle, que quant ilh
at pris novellement sa regale » *. Encore cette autorité se trouvait-elle
1 On ne peut consulter avec trop de précaution, pour ces temps obscurs, les hagio-
graphes, les annalistes et les historiens. Les diplômes étant très rares encore, il est souvent
bien difficile de .distinguer la fable de l’histoire et de fixer la chronologie des événements.
2 F o u l l o n , Historia populi leodiensis, 1 .1 , p. 132.
8 CiiAPEAUviLLE, Gesta Pmitificum Leodiensium, 1.1, p. 380.
4 H e n a u x , Histoire du Pays de Liège, 3e édition, 1.1 , p. 119. On verra que plus tard les
évêques n’y regardèrent pas toujours de si près. Il est vrai que leur investiture se faisait
parfois attendre très longtemps.