ses biens au delà de la Meuse, notamment Maestricht avec toutes ses dépendances
Le prélat liégeois se trouva ainsi, pendant quelque temps, seigneur
unique de la ville, et cette circonstance, qui n’a pas encore été remarquée,
l’engagea à constater sa prise de possession par une monnaie au revers
impérial marqué de la clef de saint Servais.
En 1 2 0 4 , l’empereur Philippe abandonna à Henri Ier, duc de Brabant,
tous les droits qu’il avait encore sur la ville de Maestricht, et cette inféodation
donna lieu à de nouvelles difficultés. Elles ne furent aplanies que par le
compromis du mois de février 1 2 8 3 (vieux style), passé entre l’évêque Jean
de Flandre et le duc Jean Ier de Brabant. Celte charte, si longtemps célèbre
à Maestricht, établit l’union et l’égalité des deux seigneurs, notamment au
regard de là monnaie : celle-ci devait être commune entre eux et les bénéfices
partagés également; aucun des deux princes ne pouvait monnayer
séparément, mais ils devaient le faire ensemble et de commun accord; les
monnaies devaient être fabriquées d’un seul et même coin, être de même
poids et valeur, et les coins devaient être pris à Liège 2. Cet article ne fit que
consacrer un usage existant peut-être déjà du temps de l’évêque Otbert,
mais qui fut loin d’être constamment suiv i, et semble n’avoir été remis
en vigueur qu’une seule fois, par la fabrication d’une monnaie commune,
quelques années après la convention de 1 2 8 3 . Nous voyons même, vers
cette époque, les ducs de Brabant monnayer seuls à Maestricht, et cet état
de choses se prolonger jusqu’à ce que la duchesse Jeanne eût transporté
son atelier au Yroenhof, en dehors du territoire de la ville.
Par suite d’une convention avec le duc de Brabant, ou pour tout autre
motif, l’évéque de Liège semble avoir renoncé le premier à battre monnaie à
Maestricht. Dès le règne d’Englebert de la Marck ( 1 3 4 5 -1 3 6 4 ) , un atelier
. Si Burgus Trajecti, cum omnibus pertinentiis suis, ...exceptaprepositura Trajectensi. (Charte
publiée, d’après l’original conservé aux archives de Liège, parM. S choolmeesters, dans les
Regesta de Raoul de Zaehringen, p. 36.)
2 « Item il est ordenei et accordei ke li monnoie de le vile de Treit soit commune aussy
bien al Eveske ke au Duc et tout li proufit ki en venront aussy seront partable autant al un
daus que al autre, et li lin daus ne peut la faire monoie par lui mais tout ensemble et de
commun acort le puissent faire et nien autrement, et doit cele monoie estre ferue toute en
un mesme coing et toute d’un pois et d’une valeur, et doit on prendre le coing à Liege. »
(D e M é a n , Observationes, etc., t. III, p. 2 6 5 .)
épiscopal était établi à Saint-Pierre, seigneurie franche qui passe pour avoir
été donnée par saint Lambert à son église *. Elle était située au bord de la
Meuse, contigué à Maestricht et partiellement englobée dans la dernière
enceinte de cette ville. C’est dans cette partie, appelée dans la suite de
Nieuwstad, que se trouvait l’atelier de l’évêque. On y travaillait encore à la
fin du règne de Jean de Heinsberg (1 4 1 9 -1 4 5 5 ) , mais tout porte à croire
qu’il ne fut plus ouvert que deux fois et momentanément sous ses successeurs.
En 1 5 4 1 , Corneille de Berghes rétablit l’atelier monétaire de Maestricht,
ou plutôt de Saint-Pierre, et y fil forg*er des pièces de cuivre jusqu’en 1 5 4 2 ;
mais une ordonnance de Charles-Quint, du 1er décembre de cette année,
défendit rigoureusement dans ses paÿs la circulation des monnaies liégeoises
de Maestricht. De son côté, la gouvernante des Pays-Bas, Marie d’Autriche,
fit publier dans cette ville, le 9 décembre et le 1 0 janvier suivant, des mandements
qui défendaient aux officiers de l’évêque d’y monnayer, et cela en
vertu de la vieille charte de 1 2 8 3 2.
Celle question du monnayage épiscopal à Maestricht fut soulevée, une dernière
fois, dans les conférences qui amenèrent le concordat conclu, en 1 6 1 5 ,
entre l’évéque de Liège et les souverains du Brabant. Ferdinand de Bavière
venait, en effet, de nommer un monnayeur à Maestricht et d’affirmer son
droit en y établissant une forge. Mais, sur ce point, les commissaires des
deux pays ne parvinrent pas à tomber d’accord 3. Cependant, les deux princes
continuèrent à s’entendre au sujet de l’évaluation des monnaies courantes,
ainsi que leurs prédécesseurs l’avaient déjà fait en 1 3 7 2 , en 1 4 1 3 , et qu’il
resta établi dans le recueil des recès de 1 6 6 5 *.
1 On se demande ce qui a pu engager Van der Chys à comprendre l’atelier de Saint-Pierre
dans son recueil des monnaies seigneuriales du Brabant, etc. Saint-Pierre était un franc-alleu
du pays de Liège, comme tous ceux où l’évêque exerça son droit monétaire.
2 Revue belge de numismatique, année 1847, p. 63, et année 1855, p. 488.
3 « Et àiant-'ensuite de ce lesdits commissaires de Liège fait ouverture et discours verbal
des.moyens par lesquels ils maintenoient que l’évesque de Liège pourroit faire-battre mon-
noye en ladite ville, au lieu appelé le Nieustadt, et lesdits commissaires de Brabant allégué
leurs raisons contraires, sans qu’on en ait pu tomber d’accord, il a été résolu d instruire
ce différent par demande, réponse, réplicque et duplicque, comme il a été fait durant ladite
conférence. » (Crahay, Coutumes de la ville de Maestricht, p. 224.)
t Coutumes de Maestricht, passim.