Peu après commencèrent, au sujet des monnaies, des difficultés qui, en
faisant hausser tontes les denrées et occasionnant une perle immense au pays,
excitèrent un vif mécontentement.
Marie-Thérèse, ayant ordonné une refonte générale des monnaies, avait
réduit, dans les Pays-Bas, le cours des plaquettes ou demi-escalins. Le Lim-
bourg seu l, comme enclavé dans d’autres États, avait été provisoirement
excepté de celte disposition. Il en résulta que les plaquettes y affluèrent en
énorme quantité et de là se répandirent dans la principauté de Liège, où
elles valaient 3 sous (2 0 liards). Un second décret ayant révoqué la faveur
accordée au Limbourg et ordonné que les plaquettes n’y seraient plus reçues
que pour 1 8 liards de Liège, Jean-Théodore, par un édit du 1 0 juin 1 7 5 0 ,
réduisit à 4 sous le cours des plaquettes qui ne seraient pas détériorées.
Cette mesure était à la fois tardive et insuffisante; et le peuple le comprit
si bien qu’il refusa de recevoir les plaquettes à plus de 1 4 liards.
Le 1er juillet, nouveau décret de Marie-Thérèse mettant les plaquettes au
billon, sauf dans les provinces de Limbourg et de Gueldre, où, durant un
mois, on les recevrait encore à 13 liards de Liège. Ce délai était plus que
suffisant pour faire passer toute cette mitraille dans la principauté, et c’est
ce qui arriva. Au lieu d’en diminuer convenablement le cours, le gouvernement
craignit d’imposer une nouvelle perte aux particuliers et prit d’autres
mesures : il fit battre des liards, puis des pièces de 2 liards et enfin des
sous *. De plus, une refonte monétaire qui devait rapporter gros, fut décidée.
Pour cela, on établit à la chambre des comptes un billon où les mauvaises
plaquettes furent reçues à 6 escalips l’once; et l’on fit mettre en garde de
loi l'édit qui fixait le prix des bonnes à 4 sous 2.
A l’assemblée du 1 9 janvier 1 7 5 1 , le chapitre émit l’avis qu’on pourrait
commencer par frapper au moins 1 0 ,0 0 0 livres de pièces de 5 sous (plaquettes),
au titre de 6 deniers 2 2 grains de fin et du poids de 47 grains
* D’après un mémoire reposant aux archives de Liège, cette fabrication fut terminée
au mois d’août 1752.
2 Manuscrit de l’université de Liège, intitulé : D evaulx, Mémoires pour servir à l’histoire
ecclésiastique du pays de Liège, t. VI. — Ordonnances des Pays-Bas et de la principauté de
Liège, passim.
chacune. On eh fit l’essai le 9 juin et le prince leur donna cours le 1 6 du
même mois.
L’année suivante, ce fut le tour dés escalins : ceux qui étaient dans la
circulation furent mis à 9 sous; quant aux nouveaux, le chapitre opina, le
1 4 juin 1 7 5 2 , qu’il en faudrait 1 0 à 1 2 ,0 0 0 marcs et que le titre en devait
être celui des anciens.
Les pièces de 2 0 sous furent fabriquées les dernières. Elles tenaient
6 deniers 2 0 3/* grains, d’après l’essai dont on rendit compte au chapitre,
le 1 8 septembre 1 7 5 3 W
Celte masse de numéraire, ajoutée aux liards qu’on avait récemment
frappés, parut d’autant plus exagérée que les pièces d’argent furent interdites
en Brabant, comme n’ayant ni le poids ni i’aloi convenables. On prétendit
qu’il y en avait 6 0 ,0 0 0 marcs et que l’évêque avait perçu 8 0 ,0 0 0 florins
Brabant de Mme David, qui avait l’entreprise du monnayage. Des bourgeois
notables, auxquels s’adjoignirent ensuite quantité de marchands, présentèrent
aux étals une supplique où ils imputaient au prince d’avoir réalisé par ses
opérations sur les monnaies, entre les années 1 7 5 0 et 1 7 8 4 , un bénéfice
démesuré dont le peuple faisait tous les frais 3,
Cette accusation donna lieu à un échange de mémoires aussi hérissés de
chiffres les uns que les autres. « Si l’on a fabriqué tant de liards, répondait-on,
c’est que les pays de Limbourg et de Slavelot n’en ont d’autres que les nôtres.
Nos voisins des Pays-Bas ont frappé des liards de même métal et de même
poids, à peu près, que ceux de Liège. Comme nous, ils en comptent 4 pour
1 sol; cependant ils n’en donnent que 2 8 pour 4 0 des nôtres, puisqu’ils
évaluent l’escalin à 7 sous et nous à 1 0 sous.
« Quant aux pièces d’argent, elles devinrent nécessaires lorsque le gouvernement
des Pays-Bas, envisageant le profit considérable qu’il pouvait
faire sur ses nouvelles monnaies, mit au billon les vieilles plaquettes et les
vieux escalins. Le pays de Liège se trouva ainsi dans la nécessité de ne plus
1 Conclusions capitulaires, reg. 18T, fol. 197 et 231; reg. 188, fol. 68 v° et 179 v”. —
Ordonnances de la principauté de Liège, 3e série, t. II, pp. 168 et 208.
2 Manuscrit iï° 1165, fol. 201 et 203, à l’université de Liège.