Le règne de ce prince violent et avide ne fut qu’une longue suite de guerres
civiles, interrompues par des traités. Le plus célèbre est la P a ix de Fexhe
(1 3 1 6 ) , qui régla la manière dont l’évêque et ses officiers devaient exercer
leur autorité judiciaire, et constitua d'une manière légale le pouvoir des trois
états du pays.
Non content de cette charte, le peuple réclama l’institution d’un tribunal
chargé de juger les abus d’autorité commis par l’évêque ou les siens. Adolphe
s’y refusa et se retira, au mois de décembre 1 3 2 4 , à Huy, où il resta
jusqu’en 1 3 3 2 . La plus grande partie du chapitre, qui l’y avait suivi, rentra
à Liège en 1 3 3 0 .
Adolphe de la Marck vendit au comte de Flandre, en 1 3 3 3 , ce qui restait
à l’église de Liège de la seigneurie de Malines. Celte aliénation fut consentie
pour le prix de cent mille livres de tournois noirs, le gros tournois compté
à seize deniers tournois *.
On a vu que la valeur du gros tournois, en matière de cens, avait été
fixée, du temps de Hugues de Châlon, à huit deniers de bonne monnaie,
prix auquel il continuait d’être reçu à l’époque où écrivait Hocsem. Ce prix
équivalait à seize deniers de billón; mais cette dernière monnaie ayant encore
été affaiblie et la valeur du gros s’étant élevée à dix-huit de ces deniers,
pendant le séjour du chapitre à Huy, il arriva que íes habitants de celte
ville se refusèrent à payer plus d’un gros pour dix-huit deniers de cens.
L’évêque n’osant sévir contre les Hutois, qui seuls avaient embrassé sa
cause, cet abus se prolongea jusqu’en 1 3 4 3 . Alors seulement il ordonna
aux échevins de faire respecter la loi. Les principaux Hutois, menacés
de proscription, offrirent leur alliance au duc de Brabant, et le conflit ne
i ... p ro centum millibus librarum turmensium nigrorum, grosso turonensi pro sedecim
denariis turonensibus compútalo. (Liber cbart. eccl. leod., fol. 402.) Cette évaluation du
gros tournois était donc basée sur les rapports établis du temps de Hugues de Châlon :
1 gros tournois — 8 vieux deniers liégeois = 16 nouveaux deniers liégeois de billón
= 1 6 deniers tournois. Ainsi, 100,000 livres tournois, à 20 sols ou-gros tournois la livre,
= 2,000,000 gros tournois A , 32,000,000 deniers tournois.
se termina que l’année suivante, par l’intervention du comte de Hairiaut *.
Celle affaire, au cours de laquelle des conseillers de l’évéque furent
convaincus de concussion, eut pour conséquence l’établissement du Tribunal
des XXII, destiné à connaître des abus de pouvoirs commis par les officiers
du prince.
Adolphe de la Marck mourut d’un accès de colère peu de temps après,
le 3 novembre 1 3 4 4 .
Le numéraire d’Adolphe de la Marck, actuellement connu, semble devoir
se répartir en gros, doubles tiers, tiers et quarts de gros; plus, des deniers
de billon.
D’autres pièces ne sont point parvenues jusqu’à nous. M. Chalon 2, après
avoir rappelé qu’on fit à Anvers, en 1 3 3 7 , des monnaies de convention de
l’empereur Louis de Bavière et du roi d’Angleterre Edouard III, dit qu’on
attribue généralement à celte émission le h a lf groal à la tôle de face
couronnée, type anglais, avec la légende : monela nra A n tw e rp ’. Puis il
ajoute :
* Les deux monnaies suivantes portent les noms réunis de Guillaume Ier de
Namur ( 1 3 3 7 -1 3 9 1 ) , d’Adolphe dé la Marck, évêque de Liège ( 1 3 1 3 -1 3 4 5 ) ,
et de Jean de Bohême, duc de Luxembourg (1 3 0 9 -1 3 4 6 ) . Elles ont donc
été frappées entre les années 1 3 3 7 et 1 3 4 5 . La monnaie commune de
l’Empereur et du roi d’Angleterre avait donné au comte de Namur et à ses
voisins de Liège et de Luxembourg l’idée de se réunir entre eux pour faire
également une monnaie de convention.
1 Ordinatum per patriam extitit, quod grossus ad cemum pro octo denariis solveretur,
simt et adhuc hodie communiter observatur. Hoienses, stulta et animosa communitas, a triginl'a
atmis citra, monetâ iterurn diminutâ et grosso usque ad 18 denarios ascendente, dum in Hoyo
nostrum capilulum exularet, pro 18 denariis censualibus nisi grossum sotvere voluerunt, quod
duravit antiis 18 pacificè usque modo... (Hocsem, dans Chapeauville, t. II, p. 466.) — C’est
pour n ’avoir pas compris la relation qui existait entre la question monétaire du temps
d’Adolphe et les débats nés du monnayage de Hugues de Châlon, que tous les historiens
postérieurs, depuis Zantfliet jusqu’à Henaux, ont écrit sur cette matière presque autant
d’erreurs que de mots.
2 Recherches sur les monnaies des comtes de Namur, p. 90.