prévôt. Le droit de battre monnaie fut alors dévolu au mambour ou régent ’,
en vertu de sa puissance souveraine, et le chapitre lui-même finit par s’en
emparer en 1 6 8 8 . Cela ne se passait ainsi que pendant les vacances du
siège; aussi Jacques de Hemricourt pouvait-il écrire, dans la seconde moitié
du XIVe siècle : « Uh affiert à monsingnor de Liège e t à nul aultre en son
pays, se ce n’est par son congier, de faire monnoye d’oir et d’argent, sorlonc
le fourme, manière et déclaracion chi-dessous escripte a. »
Les p awe ilhars ou cartulaires liégeois contenaient donc certaines dispositions
législatives qui restreignaient prudemment le pouvoir monétaire de
I’évêque. Voici ce qu’on trouve de plus clair dans les règlements en usage
au XIIIe siècle 3 :
Le 1er septembre, jour de saint Gilles, des crieurs annonçaient que
l’évèque avait l’intention de forger monnaie» Cette publication, qui apparemment
avait pour but de permettre au public de se défaire des espèces destinées
à la refonte, se renouvelait tous les jours jusqu’à la fêle de saint Denis,
le 9 octobre 4.
Le maître monnayeur et le changeur présidaient au monnayage. Us
devaient jurer devant la cour des échevins, sous la garantie de leurs personnes
et de leurs biens, de fabriquer les espèces loyalement quant au poids,
à la matière et à la forme.
Le changeur était le gardien des coins; il s’engageait par serment à ne les
communiquer à personne et devait être présent tant que durait la fabrication;
après quoi il reprenait les coins et les serrait dans un coffre à deux clefs,
dont probablement il conservait l’une et remettait l’autre aux échevins.
C’était aussi le changeur qui essayait et pesait les monnaies, pour s’assurer
qu’elles étaient de bon aloi et taillées également. L’inamovibilité de sa charge
1 Le mambour était le 'protecteur que le pays avait coutume de se donner lorsque le siège
devenait vacant. Il ne doit pas être confondu avec le lieutenant, laïc aussi, appelé parfois
mambour, que l ’évêque pouvait se substituer, soit qu’il s’absentât du pays, soit qu’il
y restât.
2 L i patron del -temporaliteit, dans les Coutumes du pays de Liège, t. I, p. 285. Le livre
où l’auteur devait traiter du pouvoir monétaire de l’évêque, est malheureusement perdu.
3 Pièces justificatives, nos I et II.
4 La pièce latine dît : p e r X L dies, quoique, en réalité, il n’y ait que trente-huit jours.
était une garantie du poids et du titre. Son salaire était de quatre deniers
par jour.
A l’hôtel des monnaies, on ne pouvait payer le marc d’argent fin plus de
vingt-deux sols, et le changeur devait le livrer à vingt-deux sols et deux
deniers, sans pouvoir en vendre ailleurs. On n’y tolérait pas plus de cinq ou
six deniers d’alliage, et la taille était de vingt-deux sols et huit deniers au
marc, donc six deniers de plus que le prix coûtant ‘. Le bénéfice de l’évêque
et celui des monnayeurs ne montait ainsi, tout compris, qu’à douze deniers
par marc. Ils ne pouvaient exiger davantage, ni pour déchet, ni pour droit
de seigneuriage, ni pour frais extraordinaires.
Les échevins recevaient chacun douze pièees d’essai, qu’ils devaient garder
soigneusement comme modèles; puis, en présence du chapitre, ils procédaient
à l’examen de la monnaie. Si elle était approuvée, elle commençait à
courir à la Saint-Denis; si elle ne l’était pas, l’opération était remise à l’année
suivante.
Il était défendu de faire usage de toute monnaie qui n’aurait pas été ainsi
fabriquée, sous peine d’être condamné à une amende de sept sols par le
tribunal des échevins.
Dans ces conditions, on doit penser que l’évéque ne s’empressait pas de
frapper des espèces légales. Voilà pourquoi on lit encore dans Hemricourt :
« Je euwisse chi après déclareit comment monsingnor de Liège doit faire
blancke monnoie à Liège, à wardeir par ses esquevins de Liège; mains
parlant que leur warde est trop estroite. si que li sires ny avoit point de
conqueste, il at passé quarante ans qu’il ne fist blancke monnoie en la c ite it2. »
Pareilles règles étaient applicables aux ateliers de Huy, de Dinant, de
Maestricht et de Herstal 5 : leurs fonctionnaires prêtaient serment entre les
1 En comptant le marc à 246 grammes, ces 272 deniers (22)X 12 -t- 8 — 272) devaient
peser chacun environ 90 centigrammes, ce qui correspond parfaitement au poids effectif
des pièces qui n’ont rien perdu par le frai.
2 Coutumes du pa ys de Liège, 1 . 1, p. 322.
3 Ce dernier endroit était un fief brabançon, qui ne fut incorporé quë beaucoup plus
tard au pays de Liège. Cependant une partie du territoire de Herstal a, de toute ancienneté,
appartenu en souveraineté à l’église de Liège. (Voyez d e V i l l e n f a g n e , Recherches sur l histoire
de la principauté de Liège, 1.1, p. 453.)