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Silence de la gelée de grofeilles, elle en avoit auffi la
couleur. Comment cette matière rouge eft-elle tirée
du corps de ces Vers ? Ne feroit-ee point par
fuélion ?
V o ic i une Expérience, qui réveille la même idée
que les deux précédentes. J’avois donné à un Polype
allez p e tit, un de ces Vers rouges de Tipules,
* Pag. loi. dont j’ai parlé ci-deflus #. Il étoit des plus grands, &
il fe préfenta à la bouche du Polype par le milieu du
corps; Si par conféquent, le Polype ne pouvoit a-
valer ce V er ,qu ’en ouvrant extrêmement fa bouche.
La première fois que je vins obferver ce Polype, a-
près lui avoir donné à manger, je trouvai fes lèvres
fortement appliquées contre ce V e r , & qui embrafi
foient un efpace de fon corps, long d’environ deux li-
* pl. vil. gnes *. La bouche du Polype avoit donc été obli-
i'ig-8. <>. gée de s’ouvrir considérablement. Son corps * avoit
la forme d’un entonnoir, aplatti des deux côtés. Je
ne me ferois pas figuré, que le Polype pût tirer du
fuc de cet Animal, avant qu’il fût dans fon eftomac.
Cependant, je fus bientôt convaincu, qu’il le pouvoit.
La peau du Polype étoit fort transparente; je
vis diftinctement, à travers cette peau , dans l’efto-
mac du P o lyp e, ou fi l’on veut, dans l’entonnoir
» b > i. qu’il formoit *,une liqueur rouge qu’il avoit tirée du
V er fur lequel fes lèvres étoient appliquées: Si, en
continuant de l’obferver, je vis fenfiblement que cette
liqueur rouge augmentoit.
J’a i vu depuis, plufieurs Polypes, qui, aiant dans
leurs bras des proies fi grandes qu’elles ne pouvoient
entrer dans leur eftomac , les ont fucées en partie,en
appliappliquant
fortement leurs lèvres contre ces Animaux.
L a caufe, qui produit cette fuélion, peut auffi détacher
les parties colorées de la peau des Animaux.
Je l’ai éprouvé avec ces Araignées d’un très beau rouge
, qui font fort communes dans les eaux. J’ai donné
à des Polypes des peaux de ces Araignées, Si les
parties colorées en ont été féparées dans leur eftomac.
Après que la fécrétion des parties les plus groffiéres
a été faite, Si que ces dernières ont été rejettées, la
matière rouge, dont je viens de parler,a formé,dans
l’eftomac des Polypes, une liqueur rouge, très facile
à diftinguer à travers leur peau.
L a matière rougeâtre des Pucerons forme une liqueur
rougeâtre : celle des Vers plats * en forme une
d’un beau rouge: enfin, la liqueur qui relie dans l’efi
tomac, eft toujours de la couleur dominante dans
l’Animal que le Polype a mangé.
C e t t e liqueur eft compofée des parties colorées
des alimens, S i de l’eau qui fe trouve dans l’eftomac
du Polype. Si on preffe le corps d’un Polype qui en
eft rempli, on la voit fortir en allez grande quantité.
J’a i remarqué une chofe qui peut beaucoup contribuer
à la digeftion des alimens. C ’eft qu’ils font continuellement
pouffes, Si repouffés d’une extrémité à
l ’autre de l’eftomac. Il faut, pour avoir occafion d’ôb-
ferver ce mouvement, choifir des Polypes dont l’ef-
tomac ne foit pas trop plein, Si qui aient pris des a-
limens qui puiffent être macérés. Ce balottement des
alimens eft fenfible, lorfque leurs parties font déjà di-
vifées en petits fragmens. Quand, au contraire, l’ef-
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