
Q u e l q u e s -u n s desFaitsque j’ai rapportés ci-def-
fus, auront déjà donné lieu de penfer, que, lorfque diffé-
rens Polypes arrêtent le même V e r , ils fe le difputent.
On en voit fouvent deux, par exemple, qui tirent, chacun
à eux, le même Ver avec beaucoup de force. Il
arrive allez fréquemment, que l’un commence à-l’avaler
par un bout, & l’autre par l’autre ; & qu’ils continuent
à avaler, chacun de leur côté, jufqu’à ce que
* pl. vn. ieurs bouches fe touchent #. Elles reftent quelque-
F‘g-4- a- £0js appliquées allez long-tems l’une contre l’autre ;
après quoi, le Ver fe rompt, & chaque Polype en a
la moitié ; mais d’autres fois, le combat ne fe termine
pas là. Les Polypes continuent à fe difputer leur
proie, lorfque leurs têtes fe touchent. L ’un des Polypes
ouvre davantage fa bouche, & fe met en devoir
d’avaler l’autre , avec la portion de Ver qu’il a
dans le corps. Il l’avale, en effet, plus ou moins;
* Fig. 5. & fouvent même prefque tout entier *. Ce combat
finit cependant plus heureufement qu’on ne feroit d’abord
porté à le croire, pour le Polype qui a été englouti
par fon adverfaire. Il ne lui en coûte que fa
proie, que l’autre lui arrache fouvent de l’eflomac:
il fort tout entier, fain & fauf du corps de fon ennemi
, après même y avoir été pendant plus d’une
heure.
I l arrive très fouvent aux Polypes, & fur-tout à
ceux de la troifiéme efpéce, d’avaler en partie quelques
uns de leurs bras avec leur proie. Ce qui relie en
dehors, forme fouvent une bouche, très facile à remar-
* pl. vi. quer *. On fait que ces bras s’entortillent autour de
Fig-5. «■> »'• leur proie lorsqu'ils l’arrêtent. Le Polype, au-lieudeles
dédégager
à mefure qu’il- l’avale, les laiffe tels qu’ils é-
toient: le V e r , ou le Puceron eft encore enlacé dans
ces bras lorfqu’il eft dans l’eflomac, comme il l’étoit
avant que d’y entrer §§| Il y a plus : les bouts de ces * pl vl
bras relient fouvent dans l’eftomac plus de vingt-qua- !S’ 3’
tre heures, & en fortent, au bout de ce tems-là, tels
qu’ils y font entrés. Cependant il faut beaucoup
moins de tems, pour que des Animaux, dont les parties
font beaucoup plus folides que celles, de ces bras,
foient macérés & digérés dans cet eftomac.
C e t t e Expérience , & fur-tout le Fait que j’ai
rapporté ci-deffiis de ces Polypes, qui fortent fains
& faufs du corps d’un autre Polype, après y avoir
été pendant plus d’une heure, me fit foupçonner, que
ces Animaux n’étoient pas pour leur propre efpéce
un aliment convenable. Depuis que j’en nourriffois,
j’avois eu occafion de m’en affiner d’une autre manière.
J’avois toujours tenu un grand nombre de Polypes
dans des verres,où ils étoient à portée de fe manger
les>un$ les:autres. . Ce fut même pour moi un fu-
jet de crainte, dans le commencement de mes Obfer-
vations. Il m’étoit déjà arrivé plus d’une fois de voir
des Animaux de même efpéce, fe manger les uns les
autres, & me priver par-là du plaifir de les obferver
plus long-tems. Mais j’ai été bientôt raffiné à l’égard
des Polypes. Quoique je les aye laiffés nombre
de jours fans manger, & enfuite des mois entiers, je
n’en ai jamais vu qui ayent entrepris de fe manger
les uns les autres. J’ai même tâché de les y porter ;
-j’ai pris un P olyp e, & je l’ai préfenté à un autre,
comme je lui préfenterois un Ver. Ce dernier, au-
P 2 lieu