
5 M EMOIR ES PO U R L’H IS T O IR E
du merveilleux j ont induit les Naturaliftes en erreur,
6 leur ont déguifé des objets , très faciles d’ailleurs
à reconnoître pour ce qu’ils étoient. Il ne fuffit donc
pas de dire qu’on a vu telle chofe. Ce n’eft rien dire,
fi, en même teins,'ôn n’indique comment on l’a
vue, fi on ne met fes Leûeurs en état de juger de la
manière dont les Faits qu’on rapporte ont étéobfefvés.
J ’ai autant & même plus befoin que qui'quece foit,
de fuivre exaûement cette règle. Les Faits que je
dois rapporter font trop extraordinaires, pour que
j’exige qu’on m’en croie fur ma parole. J’expoferai
le plus clairement qu’il me fera poffible, tout ce qui
m’y a conduit, & toutes les précautions que j’ai pri-
fes pour éviter de me faire illufiôn.. J’introduirai , autant
que je le pourrai, leL ed eu r dans-mon Cabinet,
je lui ferai fuivre mes Obfervations, & je mettrai fous
fes yeux les moîens dont je me fuis fervi pour les fai;
re. Il fera lui même le témoin du fuccès que j’ai eu.
M a is je n’aurois pas.été fatisfait, fi,, en conameo-
çant cet Ouvrage., je n’euffe pu établir la vérité des
Faits remarquables d’Hiftoire Naturelle qu il doit renfermer,
que fur mes propres Obfervations. Ils ont
befoin de plus d’un témoin oculaire pour être crus.
C ’eft ce que j’ai fenti dès que je les ai vus. J’avois
d’abord de la peine à en croire mes propres yeux;
& je.devois, à plus forte raifon, penfer que d’autres
auroient de la peine à les en croire. ■
J e n’ai donc rien négligé pour faire voir à d autres
tout ce que j’ai, vu. J’ai été en cela aufliheureux qu il
eft poffible. Les perfonnes qui ont bien- voulu juger,
de mes propres Obfervations, & celles qui les ont répétées
•pétées en leur particulier, peuvent, dans contredit,
être mifes au nombre des meilleurs juges. Il y en a
•dont le nom, connu depuis longtems, peut former
-feul une Autorité.
M a i s quoique j’euffe., dans ce Païs, des témoins
excellens à portée d’être inftruits, j’aurois été blâmé
.avec raifon, fi j’avois tardé à m’appuier du témoigna-
-ge du grand Obfervateur quifait l’ornement delà France
& de fon Siècle. Si je n’avois pas eu déjà le bonheur
d’être en correfpondance avec lui, ç’auroit été
•une raifon fuffifante de le prier de m’accorder cette fav
e u r , pour le mettre en état de juger de mes Obfervations,
& de voir par lui même. Je n’ai pas befoin
d’avertir que je parle de Mr. de Reaumur. 11 n’y a
-perfonne qui ait quelque .goût pour l’Hiftoire Naturelle,
qui ne faffe fes délices de fes Ouvrages; & il
n’y a aucun Obfervateur dont les recherches ayent
eu quelque fuccès, qui ne fe faffe un devoir & une
gloire d’avouer, qu’il en eft redevable au,goût que
ces Ouvrages lui ont infpiré, & aux grandes leçons
qu’il y a trouvées.
A p r è s avoir fait la < découverte de la première
des propriétés finguliéres que m’ont fait voir les In-
feûes dont je vais parler., un de mes premiers foins a
■ donc été d’en faire part à Mr. de Reaumur; & j’ai
■ continué de lui communiquer celles que j’ai faites dans
la fuite. Je lui ai outre cela envoie de ces Animaux;
& fur ceux là, .& fur d’autres qu’il a trouvés
en abondance autour, de {Paris, il a tenté la plupart
des Expériences que j’ai faites. Mr. de Reaumur
a donné à ces Animaux le nom de Polypes. Je .ferai
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