
mens d’une couleur bien marquée, dont je me fuis
fervi pour faire les Expériences rapportées, dans le
fécond Mémoire , de ces vers plats dont les inteftins
-* p l . vn. font pleins d’une matière rouge #. Une partie des ali-
mens rouges a paffé dans l’eftomac des jeunes Polypes,
& ils ont pris, comme leur mere, une couleur
rouge : ce qui prouve que ces alimens ont fervi à
les nourrir, ainfi qu’on en peut juger par ce qui a été
* Mém. n. dît ci-delfus p
I l n’eft pas étonnant que des Animaux, qui fônt
encore unis à leur mere, tirent d’elle leur nourriture.
C ’eft ce qu’un grand nombre d’Expériences nous
ont appris depuis long-tems. Mais, les Polypes nous
font voir plus que cela; favoir, des petits, qui nour-
rilfent leur mere , lorfqu’ils lui font encore unis,
tout comme la mere même les nourrit.
C e s petits, comme je l’ai déjà dit, faififfent des
proies, les avalent, & les digèrent, avant que de fe
féparer de leur mere. Les alimens paffent enfuite,
après la digeftion, de leur eftomac dans celui de la
mere, de la même manière que ceux, que la mere
a pris, paffent dans l’eftomac des jeunes. C ’eft ce
que j’ai vu très fouvent: &. l’on juge bien, que je
n’ai pas négligé de donner à plufieurs petits, pendant
leur union avec leur mere, des alimens rouges
ou noirs. Le fuccès a été tel, que j’avois lieu de l’attendre
: les meres ont pris la couleur des alimens
que les jeunes avoient mangés; elles ont été nourries
par leurs petits.
Q u a n d les Polypes font placés dans des endroits,'
où les Infe&es, qui leur fervent de nourriture, abondent,
dent, les meres & les petits dévorent fouvent, en
même tems, plufieurs proies, qu’ils ont attrapées ;
& ces alimens, qui fe trouvent d’abord à part dans
leur eftomac , fe mêlent enfuite, lorfqu’ils font réduits
en fubftance liquide, ou en bouillie. C’eft ce
qu’il eft facile de voir, en donnant, par exemple, à
une mere, un Ver à entrailles rouges, & au jeune
un morceau de Limace noire. On découvre, quelque
tems après, du fuc rouge dans l’eftomac du jeune, &
du fuc noir dans celui de la mere. J’ai même vu chacune
de ces matières, noire & rouge, paffer d’un eftomac
dans l’autre.. D’abord, elles étoient bien dif-
tincfes : mais, à force d’être portées & reportées de
part & d’autre, elles fe mêloient, & formoient un
tout d’une couleur mêlée de noir & de rouge ;& c’eft
la couleur qu’avoient la mere & le jeune, après que
la nutrition étoit achevée. Ce qui prouve clairement ,*
que la mere & le jeune profitent en commun des alimens,
que chacun prend en particulier.
J’ai fait voir, qu’un jeune Polype nourrit fa mere,
je dois encore ajouter, que ü elle porte en même
tems d’autres jeunes, ce premier peut auffi les
nourrir. Le fuc nourricier, qu’il a tiré des alimens
qu’il a pris, après être paffé de fon eftomac dans celui
de la mere, eft enfuite répandu dans celui des autres
jeunes. Cette mere, avec fes petits, peut être
confidérée comme un vaiffeau qui a plufieurs branches
, qui ont toutes entre elles une libre communication.
Auffi, lorsqu’on donne à un feul petit des alimens
de couleur rouge, par exemple, on voit bientôt
les autres fe remplir du fuc, qui en a été extrait,
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