
T o u t ce que j’ai dit jufqu’à préfent, doit fervir
à faciliter l’intelligence de ce que je dirai dans la fuite
fur d’autres articles de l’Hiftoire des Polypes, par
exemple, fur la manière dont ils fe nourriffent : & les
Faits relatifs à cet article là, me fourniront l’occafion
d’approfondir un peu plus le fujet de leur ftrufture.
J’ A I déjà fait mention, au commencement de ce
Mémoire,- du penchant qu’ont les Polypes pour la
lumière #. On a vu qu’ils fe rendent toujours fur le
côté du verre le plus éclairé. Je ne me fuis pas contenté
de les faire Amplement raffembler fur ce côté
du verre le plus éclairé. J’ai enfermé un grand verre,
bien peuplé de Polypes verds, dans un étui de carton,
tel que celui d’un manchon, qui avoit à un de
fes côtés une ouverture faite en forme de chevron.
Cette ouverture répondoit au milieu du côté du verre
qui étoit dans l’étui. Lorfque j’ai expofé ce verre
, de manière que l’ouverture du carton fut tournée
vers le jour, il eft toujours arrivé que les Polypes
font venus fe ranger fur le côté du verre qui répondoit
à cette ouverture, de forte que leur affemblage
avoit la forme d’un chevron ; & étoit vis à vis de celui
qui étoit coupé dans le carton. J’ai tourné très
fouvent le verre dans fon étui, & toujours j’ai vu ,
au bout de quelques jours, les Polypes rangés en chevron
près de l’ouverture. Pour varier davantage
l’Expérience, j’ai difpofé le carton de manière, que le
chevron fut tantôt droit & tantôfrenverfé ; & fui-
vant cela, l’affemblage des Polypes a eu la forme
d’un chevron droit ou renverfé.
O n
0 N pourroit foupçonner, que ce n’eft pas la lumière
que les Polypes cherchent, mais le plus grand air,
& l’air le plus chaud: mais quoique j’aie placé l’ouverture
de l’étui, dans lequel étoit le verre, de manière
qu’elle fut plutôt expofée à l’air le plus froid
qu’à l’air le plus chaud, les Polypes ne fe font pas
moins raffemblés vis à vis de cette ouverture. Si c’é-
toit le plus grand air qu’ils cherchent, ils fe réuni-
roient tous à la fuperficie de l’eau.
1 l paroit donc certain, que c’eft en effet la lumière
qui attire ces Animaux fur le côté du verre le
plus éclairé. Ce n’eft pas là un Fait nouveau. On
connoit depuis longtems différens Animaux terreftres
& aquatiques qui fe rendent vers la lumière. Pluüeurs
efpéces de Mouches, & pluüeurs Papillons noûurnes
en fourniffent des- exemples continuels dans les foi-
rées d’E té : & peu de gens ignorent, que la lumière
d’une chandelle & d’un flambeau, eft un piège dont
on fe fert pour attirer & pour prendre divers Animaux
aquatiques. .C’eft, par exemple, de cette manière
qu’on pêche les Polypes marins fur les côtes de
la mer Adriatique. Ils viennent à la lumière que les
pêcheurs font luire le foir fur la fuperficie de l’eau.
I l y a même différentes efpéces de petits Mettes
aquatiques, qui paroiffent avoir un penchant marqué
pour la lumière, & j’en connois entr’autres une qui,
par fa ftrufture , doit même être rangée dans la
Claffe des Polypes. '
J’a i été curieux de fuivre exactement la route des
Polypes verds, qui fe rendoient vis à vis de l’ouverture
de l’étui dont je viens de parler. Il eft fouvent
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