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Cette espèce est absolument la même au Japon qu'en Europe, offrant tous les traits
ilistinctifs particuliers à notre Grenouille rousse^ même jusqu'il la tache d'un
brun foncé derrière l'oeil et la raie qui borde le sommet du museau. Les bandes
transversales sur les pieds postérieurs se trouvent également chez tous les individus
du Japon.
Le dessus est souvent ornéj outre la bande qui se prolonge entre les yeux, d'un
ou de plusieurs traits anguleux, dont la pointe est dirigée vers le museau; mais
quelques sujets ont le dos d'une teinte rousse presque uniforme, ce sont ordinairement
des vieux.
Cette Grenouille a été rapportée en grand nombre par M.M. de Siebold et Bürger.
Les japonais la désignent sous le même nom que la précédente, toutefois en y ajoutant,
à cause de sa teinte roussàtre, l'épithète de rouge: c'est ainsi qu'elle s'appele
Aka Gaheru (Gaheru rouge). Les Chinois la nomment Chânko, ce qui
veut dire Mont Ko, parcequ'elle aime les contrées montueuses. Elle se trouve en
abondance dans les lieux ombragés couverts d'herbes ou de joncs.
Elle se mange rarement, mais on l'emploie fréquemment dans les pharmacies. Celles que
l'on tire des provinces Jamasi ro, Tanba, Halima et Sets sont très estimées. C'est
là que la chasse aux Grenouilles rousses forme à elle seule une branche de l'industrie.
On les prend avec des filets, on les sèche avec les pattes étendues après avoir ôté les
intestins, et elles se vendent réunies en faisceaux de cinq jusqu'il dix individus. Elles
sont réputées comme remède très efficace et le meilleur des cinq vermifuges, en usage
au Japon. L'usage en est également recommandé comme préservatif contre les maladies
aiguës, et pour guérir les tumeurs et les ulcères malignes. Pour l'emploi intérieur,
on réduit les peaux séchées en poudre et on les prend dans le Saké (bière de riz).
GRENOUILLE RIDEE. RAN A RVGOSA.
PL. 3, Fig. 3 et 4.
Le nom donné à cette espèce inédite, est dérivé de la présence d'un grand nombre
de rugosités, dont les parties supérieures sont parsemées, et qui se présentent, sur
le dos, en guise de plis longitudinaux. Il est vrai que ce caractère s'observe aussi,
particulièrement dans les jeunes individus, chez plusieurs autres espèces;*') mais, étant
produit par la forte contraction de la peau, il est alors purement accidentel, tandis
que dans notre espèce, il prend son origine de la structure de la peau dont le tissu
assez ferme forme, à la face externe, les nombreuses aspérités, dont nous venons de parler.
{I) C'est sur des caractères de cette nature ou sur des dilTérences accidentelles dans le système de coloration ,
que sont basées les liana l imnochari s et cancrivora de Boie, variélés d'une seule espèce, à la quelle nous
réservons le nom de Rana cancrivora: cette espèce se trouve à J ava , à Sumat ra, à Bornéo, même en Chine et aux
iles Philippines (Hana rugulosa et v i t t ige r a Wieijman, Nova Acta vol. 17. Tab, 21). Elle existe probablement
aussi dans plusieurs autres parties du continent de l'Asie orientale, et forme Timor une variété constante, seulement
d i s t i n c t e par une distribution des teintes un peu différente. La Grenoui l l e commune du Cap, Rana macrodon
d e Kubl, n'est pas moins sujette h varier; mais il se trouve au Cap une seconde espèce, rcconnaissable à ses doi{ïls
l i b r e s à tous les pieds: c'est la Rana fasciata de Boie.
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La Grenouille ridée ne parvient pas à la taille de nos Grenouilles d'Europe.
Ou peut la comparer par ses formes et par le port aux individus de notre Grenouille
commune, parvenus à l'âge moyen: elle offre, de même que celle-ci, quatre doigts
libres aux extrémités antérieures, et les cinq doigts des pieds de derrière réunis par
une membrane natatoire assez développée; mais le système de coloration, la conformation
de la tête et l'organisation de la peau sont différons dans l'espèce du présent article.
La couleur du fond est un jaune d'ocre plus ou moins clair suivant les individus;
mais cette teinte passe au brun-grisâtre sur le dessus de l'animal. Toutes les parties
sont parsemées de taches d'un brun foncé ou noirâtre, qui souvent sont confluentes
en dessous, ou elles forment des marbrures, tandis qu'elles augmentent en étendue
sur les parties supérieures, où elles se présentent sous la forme de taches réunies,
sur les pieds de derrière, en larges bandes transversales. Les bords des lèvres sont
constamment rayés de plusieurs taches en guise de bandes, et on voit une raie longitudinale
semblable sur les côtés du museau. Cette partie, très caractéristique par sa
forme, présente deux saillies assez prononcées, qui prennent naissance du bord antérieur
de l'oeil, et se dirigent en convergeant vers la pointe du nez, organisation qui
a pour résultat la forme concave du sommet du museau et de ses côtés. Toutes les
parties supérieures sont hérissées d'aspérités, réunies sur le dos pour former des
plis longitudinaux, mais empruntant la forme de tubercules isolés sur les extrémités;
elles s'oblitèrent en dessous, de sorte que la peau de l'abdomen et de la gorge présentent
une surface granulée. Les narines, un peu saillantes, sont placées aux côtés
du museau près du bout. La forme du tympan, de la langue, des yeux, des dents et
même celles de la charpente osseuse en général ne diffèrent pas essentiellement des
mêmes organes dans notre Grenouille commune; mais la Grenouille ridée a une
tête comparativement plus large et plus obtuse.
Cette Grenouille est plus rare au Japon que les deux espèces précédentes; elle \
a été découverte par M. de Siebold, qui en a pris plusieurs individus lors de sa
résidence dans cet empire ; d'autres nous ont été adressés plus tard par M. Bürger :
ces envois nous ont mis à même de placer dans notre collection une suite complète
d'individus dans tous les âges de cet intéressant reptile.
La manière de vivre le rapproche des Bombinateurs. M. de Siebold dit, quà
l'instar des espèces européennes de ce genre, elle habite les étangs, les marais ou
les eaux bourbeuses et que, comme celles-ci, sa tête seule se montre à la surface des
eaux tant qu'il fait jour. M. de Siebold en a conservé dans des réservoirs d'eau à Décima,
où dans les soirées chaudes elle décélait sa présence par des cris lugubres, qu'elle
faisait entendre souvent et pendant toute la nuit. Lorsqu'il fait de la pluie, on la
rencontre fréquemment à terre, où elle rampe plutôt qu'elle ne saute; cette habitude
lui a valu le nom japonais de < à Tsutsi kaheru (Kaheru ou grenoui l l e de
terre); tandis que les chinois ont emprunté de sa couleur la dénomination de .ffè'/ii'riWfV,
ce qui veut dire: Grenouille noire.