11 se pourrait aussi, et il est selon nous mâmc probable, d'après l'aspect topographique
lie ce pays, fracturé en un aussi grand nombre do petites îles, ilôts, rochers et
écueils, qu'il doit nécessairement nourrir un plus grand nombre d'animaux, que nous
n'en connaissons aujourd'hui, et que les iles plus reculées, l'intérieur des vastes forêts
enfin, les parties montueuses et volcaniques de cet empire, recèlent encore des espèces
inconnues; mais nous croyons en somme que la faune du Japon, naguère si peu connue,
est aujourd'hui une de colles pour lesquelles il nous reste le moins de chances
de faire des conquêtes très abondantes.
Comme notre but est de nous occuper spécialement de la partie de cette faune,
qui a pour objet l'énumération et la connaissance plus détaillée des animaux quadrupèdes,
propres à cette partie de l'Asie, il est nécessaire, avant de tracer leur
déscription et l'histoire des moeurs de chacune des espèces, que nous disions que les
îles du domaine de l'empire du Japon proprement dit, paraissent être, relativement à
leur étendue de 5303 mille carré (J), beaucoup moins peuplées de mammifères que
celles de la Sonde et même que l arcbipel moins vaste des Moluques.
La position géographique du Japon, sous le 30° au 4 P 30" latitude Nord, et du
129= au 142" longitude Est, n'admettant pas la probabilité de l'existence de nombreuses
espèces de la famille des Quadrumanes, si diversifiés en espèces distinctes sous
rinfiuence des tropiques, il était naturel qu'on ne pût guère s'attendre à en trouver
une seule; cependant, un représentant de cette famille y existe, et ce qui est remarquable,
c'est que ce quadrumane, l'Inuus speciosus, est un singe exactement du
même genre que l'espèce dont l'Europe possède aussi un seul représentant, l'Inuus
e c a u d a t u s , qui vit dans la partie la plus chaude du midi de l'Espagne.
Comme les genres des Chéiroptères frugivores se trouvent, presque exclusivement,
propres aux contrées intertropicales de l'ancien continent, on n'a pas été moins surpris
de la découverte de deux espèces nouvelles de Roussettes sous ce cl imat ; toutes les deux
sont pourvues d'un pelage beaucoup plus touffu et plus laineux que leurs congénères, qui
vivent rapprochés de l'équateur; ces derniers ont un pelage moins fourni, quelques-uns
manquent de robe feutrée et n'ont que des poils soyeux. Dans la famille des Chéiroptères
insectivores on n'a trouvé que des espèces'^semblables, ou bien des espèces
nouvelles, analogues à celles qui font partie des genres propres à l'ancien monde.
Les Insectivores comptent une Talpa nouvelle, un petit animal fossoyeur, qui doit
être placé comme genre intermédiaire entre ce groupe et celui du Sorex. Ce nouveau
genre se trouve désigné sous le nom de Urot r ichus talpoides. Parmi les
S o r e x se trouve en premier lieu Sorex indieus ou S o n n e r a t i i , qui vit à-peu-près
partout sous les climats chauds où les relations maritimes sont fréquentes; Sorex
g i g a n t e u s , le même que crassicaudatus, ce fléau du continent de l'Inde et de
l'Afrique, ne semble pas s'y être naturalisé; mais deux autres espèces inédites de ce
genre appartiennent à ces contrées. Le sous-genre Crossopus y est représenté par
une espèce nouvelle, très intéressante par des formes bien prononcées.
On n'a point encore observé dans ces iles d'autre carnassier du genre Felis quo
le Chat domestique, ce qui. est remarquable, puisqu'on trouve plusieurs espèces
sous des latitudes correspondantes en Asie, et que douze ou quinze espèces de grands
(1) En y conipicnani les îles Liultiu , Jezo, Krafto et les nuU'CS Kuriles, la SLipcrficic est de 7520 nilllc i
ou de petits Felis, vivent dans l'Inde et les îles de la Sonde. Le Japon serait, sous
le rapport du manque total de chats, dans le même cas que l'archipel des Moluques,
où le genre Felis ne compte pas une seule espèce connue; on a lieu de présumer,
qu'il en est de même k la Nouvelle Guinée, et il est certain que ce genre do carnassier
manque totalement à toutes les parties de l'Australie. Mais, la partie du littoral
de l'Asie, connue sous le nom de côte de Corée (Koraï des Japonnais), contrée qui so
trouve plus ou moins sous la dépendance de l'empire, nourrit l'espèce du grand Tigre
rayé ou royal (Felis tigris), comme aussi l'espèce remarquable, longtems confondue
avec le Léopard ou avec la Panthère, mieux connue aujourd'hui sous le nom de Felis
i r b i s , et qui vit aussi dans toute l'Asie septentrionale, jusqu'aux chaînes de l'AItai.
Ces deux chats de la Corée n'entrent point dans le cadre de notre faune; j'en ai déjà
fait plus ample mention dans le Coup-d'oeil sur la faune des iles de la Sonde. Voyez
page XXI.
Le genre Ursus, mais plus particulièrement celui des Chiens (Canis) y sont nombreux
en espèces, vu surtout le rayon peu étendu de cette contrée.
Les ours offrent cette particularité, qu'on y trouve deux espèces distinctes sur une
étendue de pays si peu considérable. Celui qui parait être le plus répandu dans ces
régions, est l'espèce de taille moyenne, connue sous le nom de Ursus thibetanus,
qui vit aussi à-peu-près partout sur le continent de l'Inde. La seconde espèce, propre
à la seule île de Jezo ou Jesso, est un animal formidable, d'une taille énorme, dont
la longueur totale est de 7 à 8 pieds. Les dépouilles que nous en possédons, auxquelles
à la vérité il manque tout indice ostéologique, me fournissent toutefois des
données probables sur l'existence dans ces contrées de cette grande espèce, trouvée
sous les hautes latitudes dans les montagnes rocheuses eu Amérique, et que les voyageurs
désignent sous le nom d'Ours terrible, Ursus ferox.
Le loup du Japon forme une espèce différente du loup d'Europe, comme il l'est
essentiellement du loup d'Amérique, Canis nubi lus, dont il s'éloigne beaucoup par
la taille et le peu d'épaisseur de la queue; il est remarquablement bas sur jambes;
il a la queue grêle, et son museau est plus obtus que celui de notre loup. Nous le
désignons sous le nom de Canis hodophilax. Mais les deux espèces de renards,
dont ces iles abondent, ne diffèrent pas des types connus; l'un, Canis vulpes japon
i c u s offre à peine une très légère différence de coloration; l'autre, Canis fulvus
ou Renard fauve de l'Amérique septentrionale y est exactement le même. La grande
race de chien domestique, qu'on peut avec quelque fondement comparer à notre race
du Chien de berger , ressemble par les parties principales de son ostéologie si exactement
au Canis hodophilax précité, qu'on est tenté de supposer, que son origine
primordiale est due à cette espèce sauvage. Une autre race de chien, dont
la souche vit, selon toutes les probabilités, à l'état sauvage dans ces iles, ressemble
beaucoup pour la taille et les formes, et plus ou moins par les couleurs de la robe
au Canis dingo de l'Australie; il paraît former une espèce indigène propre à cet
empire et qui portera le nom de Canis nippon. L'espèce la plus remarquable de
celte famille est notre Cani s v ivcr r inus , semblable dans toutes ses formes au Canis
p r o c y o n o i d e s de la Chine, mais s'en éloignant assez par les couleurs de la robe pour
en faire une espèce distincte. Ces deux petits chiens, dont le pelage est différent en
élé et en hiver, offrent encore une légère anomalie dans leur système dentaire; ils
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