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 TRIGONOCÉPHALE  DE  BLOMHOFF.  TRIGONOCEPHALUS  BLOMIIOFFII.  
 PL.  6.  
 II  parait  que  le  Japon  ne  nourrit  qu'un  seul  serpent  venimeux,  qui  forme  une  espèce  
 nouvelle  du  genre  Tr igonocéphale;  ce  genre  se  divise  en  deux  coupes  artificielles  
 dont  l'une  à  tête  revêtue  d'écaillés  semblables  à  celles  du  tronc ^  l'autre  
 au  contraire  offre  des  plaques  sur  le  sommet  de  cette  partie:  le  Trigonocéphale  
 du  Japon  appartient  à  cette  dernière  division  et  se  rapproche  par  conséquent  des  
 T r i g o n o c .  rhodostoma,  hypnale,  halys  et  cenehr is,  espèces  dont  il  se  distingue  
 facilement  par  son  système  de  coloration,  par  les  fortes  carènes  dont  ses  écailles  
 sont  relevées  et  par  la  forme  de  sa  tête.  
 Les  figures  de  cette  partie  se  trouvent  dans  mon  Essai  sur  la  physion.  des  
 s e r p e n s  Pl.  20  fig.  8  et  9.  L'animal  en  entier  est  représenté  sur  la  PI.  6  de  la  livraison  
 de  la  Faune  que  nous  publions;  les  détails  sur  cette  même  planche  contribueront  
 pour  bien  faire  connaître  l'ophidien  remarquable  dont  nous  nous  occupons,  et  
 qui  est  un  des  plus  beaux  du  genre.  
 Il  a  les  formes  ramassées ;  le  tronc  est  un  peu  comprimé  ;  la  queue,  assez  amincie  
 vers  le  bout,  occupe  environ  le  sixième  de  la  longueur  totale  qui  n'excède  guère  
 deux  pieds.  La  tète,  à  museau  alougé  et  un  peu  conique,  est  revêtue  de  9  plaques  
 semblables,  à  quelque  exception  près,  à  celles  des  Couleuvres.  Les  écailles,  surmontées  
 d'une  très-forte  carène,  sont  de  forme  sublancéolée  et  disposées  sur  25  rano-ées  
 longitudinales.  La  teinte  du  fond  est  un  brun  plus  ou  moins  foncé  et  tirant  à  
 l'olivâtre;  mais  le  dessous  est  d'un  jaune  quelquefois  assez  pâle  et  nuancé  d'un  
 grand  nombre  de  taches  foncées.  On  voit  une  rangée  de  taches  semblables  sur  les  
 flancs,  et  deux  rangées  de  très-grandes  qui  régnent  le  long  du  dos:  ces  taches  sont  
 le  plus  souvent  alternes  et  de  forme  irrégulière;  dans  d'autres  individus  elles  sont  
 confluentes  et  forment  des  bandes  transversales.  L'abdomen,  qui  est  assez  large,  est  
 muni  de  140  plaques  environ;  celles  du  dessous  de  la  queue  varient  de  46  à  56.  
 On  désigne  ce  Trigonocéphale  au  Japon  sous  le  nom  de  Fira  Kutsi,  
 ce  qui  signifie  gueule  fendue;  il  s'appele  également  Kuisi  hwni  et  Mamusi.  Ce  
 serpent  dangereux  abonde  dans  cet  empire,  oii  il  habite  les  terrains  montueux  exposés  
 au  soleil,  et  les  pentes  cultivées  des  montagnes.  Il  se  nourrit  principalement  de  
 batraciens;  sa  morsure  est  ordinairement  suivie  de  la  mort.  Le  vulgaire,  voyant  que  
 ces  serpens  aiment  à  s'exposer  aux  rayons  du  soleil,  croit  qu'ils  tirent  le  venin  de  
 l'astre  du  jour  et  supposent  que  les  individus  mordus  sont  intérieurement  consumés  
 par  le  feu.  Nonobstant  ce  préjugé,  on  attribue  à  la  chair  de  ce  serpent  des  
 vertus  salutaires  et  efficaces.  La  branche  de  l'école  de  médecine  chinoise,  établie  au  
 Japon,  fait  mention  de  deux  espèces  de  serpens,  dont  on  emploie  les  dépouilles  comme  
 médicamens  contre  la  paralysie,  la  lèpre  et  contre  plusieurs  maladies  de  la  peau:  
 l'un  de  ces  serpens  est  connu  sous  le  nom  de  Baksja  (Pê  sché,  serpent  blanc),  
 probablement  identique  avec  notre  Trigonocéphale  de  Blomhoff;  l'autre  sous  le  
 nom  de  serpent  noir  Usj a  {Il i  sché)  est  l'H y d r o p  h is  colubrina.  Ces  deux  serpens  
 font  un  article  de  commerce  recherché,  le  premier  dépouillé  de  la  peau,  le  
 dernier  avec  la  peau;  mais  très-souvent  on  en  réduit  les  dépouilles  en  charbon,  en  
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 les  exposant  au  feu  dans  un  vase  fermé:  la  poudre  que  l'on  en  retire  de  la  sorte,  
 se  vend  comme  calmant  sous  le  nom  de  Go  hat s  sj a.  L'épiderme  que  les  serpens  
 rejetent  lors  de  la  mue,  se  vend  également  dans  les  pharmacies  sous  le  nom  de  
 Kutsi  naha  bakama.  La  chair  du  Trigonocéphale  de  Blomhoff  est  réputée  comme  
 un  restaurant;  aussi  les  Japonais  paient-ils  assez  cher  ce  serpent,  que  l'on  mange  
 sans  répugnance.  Un  naturaliste  japonais  observe  que  ce  Trigonocéphale  parvient  
 à  une  plus  grande  taille  à  Kiusiu  que  dans  les  parties  septentrionales  de  l'empire,  
 par  exemple  dans  l'Ile  Nippon.  
 ÏÏYDROPHIS  STRIÉ.  HYDROPEIS  STRIATA.  
 P l .  7.  
 M.  de  Siebold  a  rapporté  au  Musée  des  Pays-Bas  un  individu  de  cet  llydrophis,  
 harponné  près  des  ilcs  Lioukiou  au  27°"'  degré  de  lat.  bor.  par  les  matelots  du  
 bâtiment,  sur  lequel  se  trouvait  notre  voyageur  faisant  le  trajet  de  Java  au  Japon  <').  
 Un  autre  individu  de  cette  même  espèce  nous  a  été  adressé  depuis  du  Japon  par  
 M.  Bürger;  j'en  ai  vu  plusieurs,  pris  dans  les  mêmes  mers  et  faisant  partie  de  la  
 collection  de  M.  Klinkenberg  à  Utrecht;  le  Musée  de  Paris  en  possède,  recueillis  
 dans  le  golfe  de  Bengale,  et  M.  Reinvrardt  en  a  rencontré  près  de  Timor.  
 La  synonymie  de  cette  espèce  est  très  embrouillée  et  je  n'ose  rapporter  ici  aucune  
 des  figures  publiées  par  Russel  ou  par  d'autres  savans.  Celle  qui  se  trouve  sur  la  
 Pl.  7  est  faite  d'après  un  individu  à-peu-près  adulte;  la  tête  d'un  autre  individu  de  
 la  même  taille  a  été  figurée  dans  mon  Essai  s.  1.  phys ion.  des  serp.  Pl.  18  f. 4  et  5.  
 Les  quatre  serpens  de  mer  qui  ont  été  placés,  dans  mon  ouvrage,  à  la  tête  de  cette  
 famille  d'animaux,  forment  un  petit  groupe  d'espèces  assez  voisines  les  unes  des  autres-;  
 on  pourrait  désigner  ce  groupe,  composé  des  l lydrophi s  schistosa,  striata,  cyan 
 o c i n c t a  et  graci l is,  sous  le  nom  d'IIydrophis  proprement  dits:  la  première  
 espèce  se  reconnaît  facilement  i  ses  petites  et  nombreuses  écailles  et  à  sa  plaque  
 rostrale  prolongée  en  pointe  inclinée;  la  dernière  est  remarquable  par  les  formes  
 effdées  de  ses  parties  antérieures  et  par  ses  teintes  foncées;  mais  pour  distinguer  
 les  deux  autres  espèces,  il  faut  avoir  égard  aux  formes  des  plaques  labiales  postérieures  
 et  de  la  temporale,  qui  sont  assez  grandes  dans  l'ilydrophis  nigrocincta.  
 L'espèce  du  présent  article  s'en  distingue  en  outre  par  un  tronc  moins  comprimé  
 dont  les  écailles,  disposées  sur  27  â  29  rangées,  sont  surmontées  par  un  tubercule  
 assez  saillant,  quelquefois  transformé  en  carène;  par  un  museau  plus  arrondi;  par  
 la  présence  de  deux  plaques  oculaires  postérieures  et  d'une  rangée  de  petites  plaques  
 surnuméraires  à  la  lèvre  inférieure;  par  im  oeil  plus  grand  et  par  plusieurs  autres  
 traits  moins  marquans.  Les  plaques  abdominales,  au  nombre  de  340  environ,  sont  
 assez  étroites  et  munies  de  deux  tubercules.  
 Cet  l l y d r o p h i s  a  le  dos orné  d'un  grand  nombre  de  taches  transversales,  en  rhombe  et  
 d'un  noir  plus  ou  moins  profond:  ces  taches  sont  quelquefois  plus  étroites  et  forment  des  
 bandes  ou  des  anneau^  qui  entourent  le  corps  dans  toute  sa  circonférence.  La  couleur  du  
 fond  est  lui  jaunâtre  passant,  sur  les  parties  supérieures,  au  verdâtre  ou  au  brunâtre.  
 ( I )  Voir ffqipon  I V  /leise  p.  37.