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»La prdsence de ce dernier^ ainsi que celle d'uu Trionyx, du Sorex nioschatus, d'un
»grand écureuil volant^ rappèlent la Faune des Indes; tandis que plusieurs autres,
»tels que le Scinqiie à cinq raies, les nombreuses Salamandres, etc., démontrent, qu'il
» existe aussi des rapports entre les Faunes de l'Amérique du Nord et du Japon."
Nous voyons également par ce passage qu'il se trouve au Japon des reptiles, qu'on
n'a découvert jusqu'ici dans aucun autre pays du globe, et qui paraissent, en conséquence,
être particuliers à cet empire. D'autres, au contraire, ressemblent à nos
espèces connues d'Europe; d'autres encore sont analogues celles de l'Amérique du
Nord, et chez quelques uns on reconnaît aussi des formes indiennes. Ou remarque
de même dans les autres classes supérieures et inférieures d'animaux, et dans les
plantes de ces dilTérens pays, des rapports avec celles de l'Archipel japonais. Au premier
aspect, on s'étonne de rencontrer, dans le tableau physique de ces îles isolées,
des ressemblances avec le continent américain et avec une partie du monde aussi
éloignée que l'Europe. Cet étonnement est d'autant plus grand qu'à côté de ces affinités
il se présente des dissemblances radicales; à côté de ces formes connues, qui
sont communes au deux mondes, on voit des formes nouvelles et originales, qu'on seroit
tenté de regarder comme des traits caractéristiques de la nature japonaise.
Connaissons nous les reptiles vivant dans l'espace compris entre le 30° et le 45°
de lat. sept, et près de 100^ de long, du continent asiatique? Avons nous des notions
précises sur ceux qui habitent les terres et les mers du nouveau monde sous la même
latitude et sur une étendue de 30 dégrés de l'orient à l'occident? Savons-nous retracer
tous les anneaux de la chaîne qui unit les individus de cette classe dans les autres
îles du grand Océan, et ceux des îles de la Sonde, de cette partie si bien explorée
de la Malaisie, où nous n'avons observé qu'un seul anneau dont le type rappelle celui
du Japon? Loin d'avoir atteint une telle hauteur, nous tenons à peine quelques
fragmens d'une chaîne si longue. De tous les reptiles des îles de Lioukiou, par exemple,
qvii sont situées au sud du Japon, nous n'en connaissons qu'un seul, et celui-là même
est im I lydrophis, c'est-à-dire uu habitant de lamer, tandis que les auteurs japonais
et chinois qui ont décrit ces îles, y comptent jusqu'à sept espèces de serpens, dont
l'une nommée Ilab est très venimeuse et d'autant plus redoutable qu'elle se cache
souvent dans l'intérieur des habitations. Des Nauf ragés Coréens ont reconnu au
Japon et m'ont désigné par leurs noms l'Emyde du Japon, la grenouille commune
et notre Trigonocéphale venimeux. O
Les vocabulaires mongols, mantchoux et tubétains citent plusieurs espèces des reptiles
que nous avons nommés; et les A'ino de Jezo connaissent la tortue d'eau
douce, deux lézards, quatre serpens, trois grenouilles, une espèce de rainette et deux
espèces de crapauds, sans parler de la quantité de reptiles que les nombreux écrits
chinois classent parmi les animaux de l'empire du milieu.
Ce que nous savons de tous ces pays, n'est presque rien, comparativement aux notions
que nous possédons sur d'autres contrées, oh les investigations des voyageurs de
notre siècle se sont étendues au règne animal tout entier. Nous pouvons sans craindre
(1) Voir Je tableau synoptique, ou les noms sont reproduits en caractèrets coréens.
(2) Indépendement des reptiles de Jezo, dont nous avons indiqué les noms dans noire tableau, les naturalistes
japonais nous font connaître dans l'idiome d'Aïno trois serpens, îlasikoitro hamoz, l'anne kamtji et t'fiygo'tuoho ^ et
deui Batraciens, JVoponhaki et Ttrekeimoki.
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qu'on nous accuse d'exagération, ranger parmi ces dernières l'Archipel japonais, dont les
productions sont doublement intéressantes à connaître, à cause de sa position géographique.
Aussi longtemps que la partie encore vierge des deux mondes n'aura point été
étudiée sous ce rapport, nous devons nous abstenir de tirer de nos découvertes au
Japon, toujours isolées, quelle que soit leur importance, des conséquences sur lesquelles
viendrait se baser la théorie de la distribution géographique des animaux. Il n'est
pas jusqu'aux suppositions qui ne demandent à être émises avec la plus grande réserve.
Uu tableau de cette distribution, et surtout de celle des mammifères et des reptiles
de cet Empire, ne saurait, d'un autre côté, contenir simplement ceux qui s'y trouvent
encore aujourd'hui. Ces derniers doivent sans doute être mis au grand jour et
occuper le premier plan de notre tableau; mais l'esquisse de ceux dont la race s'est
éteinte dans des temps déjà historiques doit aussi remplir le fond. Et c'est surtout
au Japon qu'il faut tenir compte du passé en zoologie; car dans cet étroit archipel,
habité par vingt-quatre millions d'hommes, la plupart agriculteurs, on a détruit depuis
deux mille ans une multitude d'espèces de vertébrés dont l'existence en ce pays,
à une époque historique, est un fait appuyé de preuves assez fortes pour qu'on puisse
l'admettre sans hésitation.
Lorsqu'une contrée est fouillée en tous sens par les mains de l'homme, lorsqu'elle
n'offre plus de forêts primitives, plus des steppes, plus de monts inaccessibles, les
animaux auxquels l'homme fait la guerre, parcequ'ils sont nuisibles, ou auxquels il
tend des embûches, parcequ'ils pourvoient à ses besoins, doivent inévitablement périr.
Ce sort frappe en particulier ceux qui se propagent lentement, et ceux qui n'ont
point reçu de la nature l'instinct et l'agilité nécessaires pour échapper aux poursuites
dont ils sont l'objet. Ces considérations s'appliquent avec une égale force à l'importation
due au hasard ou faite à dessein de certaines sortes d'animaux originairesd'autres
pays.
Dans le volume de cet ouvrage où il sera question des mammifères, je reviendrai
sur ces questions si graves. Les explications par lesquelles j'espère les résoudre reposeront
sur des preuves irrécusables, puisées dans les faits que j e dois aux ouvrages
scientifiques du peuple le plus civilisé de l'Asie.
Nous connaissons maintenant les reptiles qui habitent le Japon; nous avons appris
leurs noms, et nous les avons considérés dans leurs rapports avec les individus du
même genre des deux hémisphères. Nous allons donc les décrire tels que je les ai
observés comme hôtes de ces îles, et peindre leurs habitudes dans un tableau physique.
On rencontre rarement la Tortue franche dans la mer du Japon. Quand la mer
est grosse en ces parages, ce Chélonien franchit rapidement les vagues à grands coups
de nageoires; pendant le calme il flotte sur l'eau, immobile et comme endormi. Dans
mon voyage de Hollande à Java, une de ces tortues me laissa paisiblement approcher
avec la chaloupe, et j'en fis la capture, grâce à l'adresse d'un matelot, qui la retotu
ua subitement sur le dos.« La Lut h (Splmrgis) est encore meilleure nageuse
que la Tortue franche, ce qui s'explique facilement par la forme de sa cuirasse et la
longueur de ses nageoires. Un pêcheur de thon japonais, qui par hasard avait pris
(1) C'est de celle manière qu'on prend ordinairement les tortues à bord des vaisseaus, lorsque la mer est calmeet
tous les marins prclendent qu'on doit les sui-prendre ainsi pendant leur sommeil.