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Nonobstant toutes les tentatives laites par les Gouverneurs Néerlandais dans l'Inde
et le courageux dévouement de nos compatriotes pour coopérer à cette fin, aucune
des entreprises faites dans le but d'explorer et de connaitre l'intérieur de Bornéo n'a
pu être couronnée d'un plein succès; la mort des voyageurs commis i\ cette fin et les
désastres, éprouvés par l'un d'eux (i) au moment même qu'il étoit parvenu, par des
entraves sans nombre, à pénétrer très-avant dans l'intérieur, ont dû faire ajourner,
pour le présent, tous les projets d'exploration scientifique. On peut donc poser en
fait ciuc l'intérieur de Bornéo n'est pas connu: cette ile, l'une des plus grandes du
globe, est à-peu-près égale en étendue à la sui-face qu'occupe la France; à l'exception
de deux points ou comptoirs t'i territoire très-circonscrit, Banjarmassing et
Pontianak oix la Néerlande possède des factorreies commerciales, tout l'intérieur, même
les côtes inhospitalières de cette île, sont encore totalement inconnues. Le peu que
nous connaissons des productions, dans les règnes de la nature, se borne à quelques
mammifères nouveaux pour la science ; pai-mi ceux qui sont indiqués plutôt que connus
et bien étudiés se trouvent, l'Orang-outan P); le K a h a u ou Semnopithèque
n a s i q u e ; une nouvelle espèce du genre Gibbon; le Tigr e longibande (Felis macrocelis);
deux Tupa i e s nouveaux; deux S emn o p i t b è q u e s ; l'Ours des cocotiers,
(Ursus malaianus), et quatre ou cinq autres espèces de petite taille. L'Oruitliologie vient
de fournir récemment une récolte plus riche : plusieurs espèces nouvelles du genre Calao
munies de casques à forme bizarre; le genre nouveau que nous venons d'inscrire sur nos
tableaux systématiques sous le nom de Calobat e radieux; des Brèves au plumage
peint de couleurs vives et tranchées; des Couroucous d'un rouge éclatant; des
P i c s , des Ma r t ins - p é c h e u r s , d'une rare beauté, et des Timal ies parées d'une
manière toute particulière. Ces volatiles brillans de couleurs variées, servent à
nous donner une idée de la beauté des oiseaux, dont cette ile est peuplée. On ne
connaît qu'un très-petit nombre de reptiles, le Crocodilus biporcatus commun
cà toutes les îles de la Sonde et l'Emys spinosa: aucune espèce de poisson des
eaux douces, ni d'amphibies des fleuves qui serpentent dans l'intérieur, et seulement
quelques plantes rassemblées sur les deux points un peu connus des côtes. Les vastes
forêts solitaires dont le faite majestueux est peuplé de ces Orangs , vulgairement
hommes des bois, qui en parcourent les cimes, n'ont point été reconnues.
Le sol montueux, de formation granitique, couvert d'une végétation perpétuelle.
(1) Le séjour de très-courte durée de M. M. les Majors MiiEer et Uenrici, et de M. Dlard à Pontianak a pu
faire juger, combien cette île oDrirait d'acquisitions importantes si on parvenait à l'explorer scientiiitiuement.
(2) Deux espèces du genre chat, cine nous avons le projet de publier incessamment; quelques rongeurs qui offriron^
problablement un ou deui types nouveaux et la singulière espèce du genre U j - p s i p r imn us, trouvée dépuis par
nos voyageurs sur les côtes de la Nouvelle Guinée (U. ursinus), plus basse sur jambes que les autres espèces connues,
couverte d'un gros poil brun marron, munie d'oreiUes arrondies très-velues et d'une longue queue poilue;
dont le jeune porte une livrée gris-brun jaunâtre.
(3) Nous venons enfin d'obtenir la certitude de l'identité spécifique du Simia satyrus avec le pretendn I ongo
W u r m b i i des catalogues. Plusieurs peaux d'Orang et quelques squelettes, liauts de quatre pieds et demi obtenus récemment
au Musée del; Pays-Bas et faisant partie des objets rassemblés par M. Diord à liornéo, ne laissent plus aucun
doute sur cette identité ; un autre sujet, également adulte, envoyé de Sumatra , sert de preuve que ce quadrumane
est propre à ces deux îles. Les détails nouveaux sur ce singulier animal, dont la jeune femelle seule est connue,
parraîtront dans le second volume des Mo n o g r a p h i e s de mammalogie.
Yll
recèle des trésors cachés jusqu'ici à l'oeil investigateur du naturaliste; trésors dont
probablement la science ne sera pas mise à même de jouir de si-tôt, vu que les
tribus iV demi civilisées des Daiaks ont adopté la coutume barbare, de parer leurs
armes de trophées humains, et de faire servir les crânes de leurs ennemis aux décor
de leurs habitations inhospitalières; tandis que les Chinois, peuple industrieux, mais
méfiant et vindicatif, ont envahi par suite do leur population surabondante dans
leur terre natale, toutes les plages maritimes de cette grande île, et en interdisent
l'entrée à toute civilisation européenne ; sans-doute dans la crainte, de voir passer
en d'autres mains l'exploration des métaux précieux dont ils se sont mis en possession
depuis des siècles.
Sumatra, habitée par des peuples moins sanguinaires et plus civilisés que les sauvages
Daiaks de Bornéo, est située plus avantageusement pour le commerce de l'Inde;
ses côtes ont été de tou.s-tems plus assidûment visitées par les Européens, qui y ont
formé plusieurs établissemens côtiers, sans que la concurrence chinoise ait pu s'emparer,
par la ruse, des ressources principales du pays et de la presque totalité du
commerce maritime et de l'intérieur: toutes ces causes ont beaucoup contribué à rendre
cette ile mieux connue que Bornéo.
Des chaines de rochers primitifs s'étendent sur toute la longueur de Sumatra,
depuis la pointe d'Achem jusqu'au détroit de la Sonde; elle est bordée à. l'orient et
à l'occident par un grand nombre de petites lies désertes ou faiblement peuplées ;
quelques-imes, comme celle de la riche Banca où se trouvent des mines très productives
d'étain, Billeton et quelques autres inhabitées, établissent les points de contact
avec Bornéo. Elle est moins éloignée de la pointe méridionale de Malacca, et séparée
de cette partie du continent de l'Inde par un bras de mer, couvert d'un grand nombre
d'ilots; sa pointe méridionale forme un cap baigné par le détroit resserré de la
Sonde, dont les eaux semblent servir de limites entre les chaînes granitiques et primordiales
de Sumatra et les montagnes volcaniques de la fertile Java. Sumatra, par cette
position géographique, est, pour ainsi dire, adjacente au continent de l'Inde; elle
forme avec Java, Bali, Lombok, Sumbava, Flores, Ombai et Timor, une chaîne
non interrompue d'Iles de second et de troisième rang, dont l'immense étendue embrasse,
vers le sud, la plus grande partie du vaste Océan austral: cette filière d'îles
s e r t ' d e rempart à tous ces archipels et à des îles plus isolées, situées sous la zone
équatoriale.
On pourrait être porté à déduire de cette proximité de Sumatra avec le continent
de l'Inde au nord, et avec Java par sa partie méridionale, que cette ile nourrit les
mêmes espèces d'animaux qu'on trouve dans la presqu'île de Malacca ou dans l'île de
Java: toute vraisemblable que cette hypothèse puisse paraître, l'expérience fournie
par les animaux qu'on y trouve, nous montre que, exception faite de quelques espèces
d'oiseaux terrestres et d'un nombre plus considérable de reptiles, on trouve à Sumatra
une faune toute particitlière, distincte de celle de Java, mais moins homogène de ce
qui nous est parvenu des animaux de Bornéo, qtioique cette dernière se trouve, par
contre, éloignée tV bien plus grande distance de Sumatra que la péninsule de l'Inde
ou que sa voisine, l'île de Java, qu'on dirait, en égard à sa proximité, avoir fait
anciennement partie intégrante do Sumatra, si la nature du sol, la composition primitive
de ses montagnes et la dilTérence dans la véirétalion ne tendaient à servir de