Les Fiançais et les Ilollaiidais sont, do tous les peuples, ceux qui se sont le pins
particulièrement vo-dés au commerce de l'écaillé de tortue; les premiers l'importent
en Europe des Indes occidentales, et les colonies iutertropicales des seconds
leur fournissent cotte matière en abondance; les autres contrées do l'Europe étant
pourvues de ces écailles par les deux nations mentionnées, il s'en est suivi que les
deux dénominations sous lesquelles les coramorçans désignent ces écailles ont prévalu
partout; c'est ainsi que le mot hollandais Scliildpad (crapaud ii écaille), est en
vogue en Allemagne, quoiqu'on désigne dans ce pays l'animal sous celui de Seliildk
r o t e , qui signifie la même chose. Cette substance est connue dos navigateurs et
des commerçans français sons le nom de Caret W, que Lacépède a appliqué à l'animal
mémo, en réservant au Chel. ccphalo celui de Caouanne, qu'elle porte aussi
aux Antilles. Linné a introduit le premier ce mot barbare de Caret dans la science;
il l'applique erronément au Chelonia cephalo, tandis qu'il donne au vrai Car
e t le nom d' imbr icat a : celui-ci est nommé Hawksbi l l par les navigateurs anglais
P); mais il parait qu'on emploie quelquefois cette dénomination pour désigner
la Chel. ccphalo. On en trouve l'exemplo chez Sloane (3). Catesby confond
dans sa description les deux espèces et son Caret , figuré planche 39, appartient au
Chel. cephalo.
Schiipff a fourni les meilleures portraits du C a r e t ; ses figures 18 A et B représentent
l'adulte; la première figure de la H™" planche est le jeune individu. Ciivier
cite la figure de Eruce W comme appartenant k une espèce voisine du Caret, qu'il
nomme Ch. virgata, et qui a été depuis figurée par Guérin P); un coup-d'ocil
sur les doux plaiichcs suffira pour reconnaître dans cettc prétendue espèce le Chel.
v i r i d i s : cette erreur a probablement été commise par Bruce dans le but de faire
preuve d'érudition, vu qu'il s'étend longuement sur les passages des classiques qui
se rapportent à l'espèce dont les anciens ont fait usage dans les arts; ces passages
ont couduit Cuvicr sur la voie de l'erreiu-, lorsqu'il forme une troisième espèce, présumée
nouvelle, sous le nom de Cheloni a radiata, qu'il indique comme étant représentée
par SchGpir, planch. 16: figure très-csactc du Chelon. cephalo.
Les anciens ont fort liioii connu notre tortue, commc il résulte d'un passage de
Pline (S), qui nous a conservé l'histoire do l'invention et de la fabrication du Caret;
mais on ne trouve dans aucun des auteurs de l'antiquité la description détaillée des
cs])èccs. Il faut que les anciens aient tiré leur Caret dos grandes Indes ou do la mer
rouge, commc le dit Pline dans le 19"= chapitre, vu que l'cspèee qui fournit cotte
matière n'existe pas dans la Bléditerranée. Les lieux principaux de sou habitation
sont les deux Indes, où elle se trouve en grand DomJjre.
Presque tous les voyageurs, qui ont visité les mors intertropicalos dos côtos orien-
(I) r.oclicfori liisl. liai, dos Anlilles p. 2.31.
(-) Dainpier voyage TOI. 1. chap. 5.
(3) .Tamaica Toi. 2. p. 332.
(<i) Nat. h. of riorija p. 39.
(3) Règiie aiiimaJ TOI. II. p. 14
(6) IvaTcls Tol. y. pl. 42.
i ' ) Icoiiogi-apliie (lu rèjne animal. Repl. p). 1. f. 4.
(8) Ilist. nalur. lib. 9. cap. 20.
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taies d'Amérique en font mention dans leurs écrits. Dampier C rapporte, que le C a r e t vit
sur les îles situées dans la Baie de Honduras, et sur les eôtes du nord de la Jamaïque oii il
vient faire sa ponte; qu'on en prend entre les îles Sambales et Porto-bello, et qu'ils sont
répandus depuis la Trinité jusqu'il la Vera-Cruz dans la Baie de la nouvelle Espagne.
Sloane et Brown en font mention commc habitant les mers qui baignent la
Jamaïque et les îles Cayman. Roehefort confirme d'après Dutertre leur existence
aux petites Antilles, en assurant cependant qu'ils sont plus communs sur les
côtes de la Péninsule de Jucatan et près de quelques îles de la Baie de Honduras.
Les observations du père Labat (=) démontrent leur existenee sur les côtes de la Martinique.
D'après le témoignage do Firmin («) ils se trouvent en abondanee, pendant les
mois d'été, à Surinam: nous trouvons constaté ce fait par les recherches faites à Paramaribo
par Mr. Dieperink, qui depuis plusieurs années enrichit considérablement les galeries
du Musée des Pays-Bas, par de nombreux envois; plusieurs individus du Caret
ont été adressés à notre établissement par ce naturaliste. Le Prince de ¡Neuwied
dit que pendant le temps de la ponte on en fait la capture au Brésil, principalement
sur les côtes isolées, situées entre les embouchures des rivières Matheo, Mucuri etc.
Dampier P) en a rencontré près de Bahie; il avance aussi que l'espèce vit sur les
côtes d'Afrique Elle est très-commune dans le grand Archipel des Indes; nos voyageurs,
Kuhl et van Hasselt ont fait parvenir au Musée des Pays-Bas plusieurs individus,
pris dans les mers des îles de la Sonde; Macklot en a rencontré, lors de son
dernier voyage, i\ la nouvelle Guinée et à Timor, ainsi que le Professeur Reinwardt lors de
son voyage à Macassar et aux Moluques. Le commerce du Caret , dans ces contrées,
est exercé presque exclusivement par les Chinois : ils l'importent dans leur propre
pays ou dans les colonies hollandaises, d'où on le transporte en Europe. Nous citons
sur l'autorité de SebôpiT un passage de Forrestier, qui raconte que la pêche
du Caret près des îles Solo se fait par les Chinois. Mr. van Hogendorp mentionne
le Caret dans ses mémoires sur les possessions hollandaises à Timor et à
Benjarmassing dans l'île de Bornéo. D'après les recherches de Mr. von Siebold, l'espèce
fréquente les mers au Sud et à l'est du Japon, toutefois en préférant les côtes
de l'île Sikokf. Un individu, rapporté par ce voyageur, fut pris dans le voisinage
d'Oasaka. Nous citons comme particularité que les Japonais, quoique faisant un trèsgrand
cas de l'écaillé du Caret , comme objet de luxe, mettent néanmoins peu de
soins i\ favoriser la pêche de ces animaux. L'ancienne opinion, émise par Dam-
(1) Voyage yol. I. chap. 5.
(2) .Tamaica II. p. 332.
(3) .Tamaica p. 4fî5.
(•1) llisl. nat. des Antilles, chap. 21 art. 4.
(5) Voyage aux iles de l'Amer, p. 320.
(<>) Uist. nal. de la IIoll. cquinoct. p. 51 suiv.
P) Beilr. Amph. p. 24.
(8) Voyage vol. 4. chap. 2.
(9) Ib. vol. 1. chap. 5.
(10) Hisl. Tcslud. p. 80.
(11) Verhandel. T. h. Batav. Genootschap. Rotlcrdam 1781. vol. 1. p. 11.