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habitait les combes des montagnes de Yamato, et on lui sacrifiait des victimes humaines;
c'est im des indices de l'ancien Fétichisme de ces pays. Pour les appaiser et les réconcilier
avec la génération vivante, on rendait un culte aux animaux nuisibles, que
l'on considérait comme de mauvais génies, ou comme les dépouilles métamorphosées
de gens méchants. On retrouve encore des restes de ces usages chez les Aïuo de l'ile
de Jezo, descendants de la population primitive du Japon septentrional, qui terminent
le plus souvent les noms de serpens et d'autres reptiles par Kamoï — c'est-à-dire,
esprit ou dieu. Le dragon et le serpent sont un des signes du zodiaque particulier
aux nations du nord-est de l'Asie <•) et que nous reconnaissons également dans les
monumensde l'ancienne civilisation méxicaine. Au Japon, dans l'ancien culte, le Sinló,
le serpent est de même un symbole de fertilité, et le Bouddhisme l'a adopté pour
emblème; Tai nitsi moraï le dieu du soleil et quelques avitres idoles ont la tète
entourée de la couronne de Méduse, et les légendes racontent qu'à la naissance de Siaka.
(Bouddha) deux Dragons vinrent purifier l'enfant divin en l'arrosant d'une eau l impide.
Dans un temple de la province d'Aki à Nippon, on honore encore aujourd'hui un
Serpent-dieu, et les prêtres entretiennent une multitude de ces reptiles auxquels on
suppose la qualité de respecter leurs gardiens, quoiqu'ils blessent toute autre personne
qui les touche. De pareilles fables sont répandues en grande nombre au Japon;
ainsi une espèce de grenouille dite Febi koiii rongeur de serpent, se venge du serpent
si fatal à sa race en lui mordant le bout de la queue; mais le Wimori (Salamandra
subcristata) vient guérir avec des simples le reptile mutilé—! Le Crapaud a pris
un sens mystérieux de son association avec un hermite qu'on représente sur des
peintures chinoises et japonaises en compagnie d'un énorme animal de cette espèce,
et qui partage avec lui la vénération populaire. L'aspect des têtards a fait croire au
vulgaire que les crapauds peuvent se changer en poissons, enfin le caractère bruyant
cjuoique'craintif de la grenouille et son chant monotone et plaintif ont fourni, au Japon
comme ailleurs, de riches alimens à l'invention des poètes, et les migrations nombreuses
de cette race ont donné lieu à des contes héroïques les plus merveilleux.
La génération des reptiles est certainement peu utile à l'homme, et, si l'on en
excepte quelques Chéloniens et quelques Batraciens dont les écailles, la chair et les
oeufs servent à son usage, ainsi que certains Sauriens de grande taille dont la voracité
purge le coui's et les rives des fleuves d'immondice d'origine animale, on ne voit
guère quel droit ils pourraient avoir à notre reconnaissance. Il est vrai que dans
plusieurs pays on mange des serpens; mais les exemples sont trop peu communs pour
qu'on puisse considérer cet ordre d'animaux comme faisant partie de la nourriture
des habitans. La crainte et l'aversion instinctive qu'il nous inspire nous défendront
toujours de le comprendre au nombre de nos alimens. Mais du moment où le genre
humain sorti delà barbarie chercha dans l'art des moyens do conservation plus elTicaces,
il devina l'existence de vertus médicales dans les formes extraordinaires et l'aspect
énigmatique des reptiles. La science chinoise dont l'origine remonte ii la plus haute
antiquité, est riche en observations thérapeutiques, faites sur les produits de la nature.
(1) Voir le frontispice de la F a u n e du Japon.
(2) Voir le fronti.-^pice.
Malheureusement on fonda sur ces études de trop vastes espérances, et l'on s'aventura
dans les spéculations les plus fantastiques. Au lieu de se borner à demander aux
différentes parties des plantes et aux organes des animaux leurs propriétés particulières,
ou crut trouver des spécifiques dans les séci'étions les plus immondes; et les
slercoraria d'un charlatan chinois, forment aujourd'hui une liste plus longue que
tous les médicamens employés par un médecin rationel en Europe.
Jusqu'à ces derniers temps ou plusieurs de leurs médecins ont adopté nos doctrines,
les Japonais sont restés les serviles imitateurs de la médecine théorique et pratique
de l'empire du milieu. Leurs découvertes concernant la vertu des reptiles, doivent
en conséquence être jugées du même point de vue. Nous ferons remarquer à cette
occasion qu'en exposant avec détail l'usage qu'ils font pour la médecine des reptiles,
décrits dans la Faune, nous n'avons pas tant voulu étendre par là l'utilité pratique
de notre livre, qu'indiquer la marche que la science expérimentale a suivie chez ces
peuples, et faire connaître les résultats de leurs investigations; si elles portent quelque
fruit, nous nous féliciterons de les avoir livrées à la critique. Je renvoie mes
lecteurs aux cas isolés d'application médicale des reptiles japonais qui sont rapportés
dans la Faune; cependant, pour éviter aux médecins la peine de se livrer à des expériences
multipliées, je les avertis, que beaucoup de remèdes ne doivent leur vogue
qu'à la crédulité des masses et à la force du préjugé. Ainsi l'on recommande pour
les rhumes et la dysurie l'usage du Scinque à cinq raies, parceque cet animal,
comme nous l'avons dit, a la réputation de vomir la grêle et d'attirer la pluie.
Le Crapaud commun réduit en poudre et l'huile exprimé de sa peau galeuse
sont regardées comme des spécifiques contre la gale et les vers, parceque le crapaud
se nourrit de vers et a l'épiderme galeux; et la bile des Grenouilles — ces animaux
criards, étendue sur la langue des enfans, en combat la paralysie et leur rend la
parole quand ils sont affligés de mutisme. Mais j e n'ai pas l'intention de ridiculiser
les hommes de l'art au Japon, et ceux qui se rappellent les remèdes et les méthodes
en honneur dans nos pays, il y a un siècle au plus, ne s'étonneront pas d'en rencontrer
de semblables chez un peuple asiatique!
Revenant à un sujet plus grave je m'expliquerai sur les dénominations chinoises et
japonaises dont on a vu des exemples dans le tableau précédent. Les voyageursnaturalistes
et les philologues ne désavoueront pas cette liste de mots et de signes
étrangers qui leur offrent tant d'avantages. Les premiers apprécieront des matériaux
littéraires qui les mettent en mesure de se procurer des renseignemens sur les objets
d'histoire naturelle chez plus de quatre cent millions d'hommes; et les derniers
s'empresseront de saisir la clef des passages inintelligibles qui abondent dans les ouvrages
japonais et chinois, et qui, par défaut d'une juste interprétation des noms et
des signes idéographiques des produits de la nature, ont été depuis des problèmes
irrésolubles. Au reste je doute que les méthodistes sentent au premier abord, l'importance
de cette nomenclature orientale. Il se peut qu'ils ne voient dans ces termes
que des mots étrangers et barbares surchargeant la mémoire sans être d'utilité réelle
pour la sience. Les explications dont nous les avons accompagnées ne permettent
pas néanmoins, d'en méconnaître la valeur physico-historique. Car pour la plupart
les noms chinois et japonais des produits de la nature donnent une idée intuitive
do l'objet qu'ils expriment, ou bien en rendent une de ses qualités essentielles et les